Il est de retour
Le 21 janvier 2014
Mama Keita signe un film puissant, entre thriller et drame familial.
- Réalisateur : Mama Keita
- Acteurs : William Nadylam, Ibrahima Mbaye, Mouss Diouf, Mame Indoumbe Diop
- Genre : Drame
- Nationalité : Français, Sénégalais, Guinéen
- Durée : 1h21mn
- Date de sortie : 22 janvier 2014
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– Année de production : 2009
Mama Keita signe un film puissant, entre thriller et drame familial.
L’argument : Après de brillantes études effectuées en France et une absence d’une quinzaine d’années, Adama, jeune polytechnicien, revient précipitamment dans son pays natal, le Sénégal. Il est alarmé par un message qui lui apprend la soudaine dégradation de l’état de santé de sa grand-mère. Elle l’a élevé, ainsi que sa sœur, à la mort de leurs parents. Adama découvre, à son arrivée à Dakar, que sa grand-mère se porte comme un charme… A-t-il été sciemment induit en erreur ? Pourquoi ?
Notre avis : Au sein d’une programmation où les films africains passent souvent inaperçus, la sortie en France du dernier film de Mama Keita apparaît comme bienvenue, bien qu’il lui ait fallu quatre longues années pour arriver dans nos salles. Viserait-on par-là à réconcilier le cinéma occidental et le cinéma oriental, comme L’Absence se propose de réconcilier les peuples africains ?
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Il est certain que le dualisme orient-occident est omniprésent dans cette œuvre, et même mieux, personnifié par le personnage d’Adama, jeune polytechnicien ayant privilégié sa carrière en France en ne donnant plus aucune nouvelle à sa famille restée en Afrique. Il aura fallu attendre une lettre anonyme disant que sa grand-mère est mourante pour qu’il retourne dans son pays natal. Ce qui est frappant, et qui conduira tout le récit du film, c’est cette fissure intérieure qui déchire Adama entre son désir de rentrer en France et son devoir de rester au Sénégal. Il veut fuir, et ses proches le rappellent à l’ordre, notamment sa grand-mère, vieille femme à la force de panthère, qui brûle de voir son petit-fils rester près d’elle et de sa sœur Aïcha, qui est sourde muette, mais aussi son meilleur ami, Djibril, qui lui répète qu’il est un fils du Sénégal, qu’il a le devoir de servir et d’honorer. Cette incompréhension réciproque, qui crée des tensions entre tous les personnages, est portée par des dialogues profonds et sensibles tout au long du film.
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C’est alors que les événements se mettent à pleuvoir – l’une des caractéristiques du cinéma de Mama Keita est d’avoir une intrigue très resserrée dans le temps et dont les péripéties s’enchaînent toujours très rapidement. Adama apprend, par hasard, que sa sœur Aïcha se prostitue, ce qui lui donnera une raison suffisante pour rester et tenter de démanteler le réseau mafieux dont sa sœur est prisonnière. Un formidable jeu du chat et de la souris s’engage alors : Adama traque les proxénètes, les proxénètes traquent Adama. Le spectateur se retrouve saisi par un tourbillon de plans rapprochés qui le noie dans l’action ; les personnages sont toujours en mouvement, la caméra portée semble embarquée à leurs côtés, et c’est finalement tout le périple qui donne au film son atmosphère très froide et son rythme soutenu.
Les tensions entre les personnages, dont la profondeur est rendue par une mise en scène très sombre, souvent violente, sont de plus en plus extrêmes – l’on garde en mémoire deux séquences fortes du film, l’une où Adama bat sa sœur, la traite de putain, de dégueulasse, lui hurle qu’elle est une fille indigne, l’autre dans laquelle il est violemment tabassé par ses adversaires.
C’est sur ces mêmes tensions que se construit l’esthétique générale du film. Ce n’est pas par hasard si l’œuvre s’intitule L’Absence, car c’est ce long silence de quinze ans qui fait naître les tensions entre Adama et ses proches, des tensions qui le rongent de culpabilité, le poussent à agir, et qui achèvent de lui faire payer son absence dans la douleur et l’indignation par un bouleversant tableau vivant montrant Adama pleurant toutes les larmes de son corps aux pieds de sa sœur.
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Malgré la dangerosité des rues sénégalaises, pouvait-on sérieusement penser que Mama Keita puisse faire quelque féroce critique de son pays et du continent africain, devenu depuis trop longtemps un foyer de conflits et de tensions socio-politiques ? Son film est bien plutôt un manifeste pour l’honneur et la dignité de l’Homme noir, portées jadis par l’idéal nègre de Léopold Sédar Senghor et d’Aimé Césaire, les pères fondateurs du courant littéraire et politique de la négritude. Ainsi L’Absence s’inscrit-elle dans la véritable reconnaissance de l’ensemble des valeurs humaines et culturelles de l’Afrique noire, dont la revendication parvient enfin aux portes des cinémas occidentaux.
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