Dans la boue satanique
Le 24 mars 2013
La fille de Michael Mann suit les traces de son père pour ce thriller atmosphérique oubliable, qui sait toutefois optimiser les ressources de son décor.
- Acteurs : Sam Worthington, Chloë Grace Moretz , Jessica Chastain
- Genre : Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters
- Nationalité : Américain
- Durée : 1h44mn
- Titre original : Texas Killing fields
- Date de sortie : 28 décembre 2011
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La fille de Michael Mann suit les traces de son père dans ce thriller atmosphérique oubliable, qui sait toutefois optimiser les ressources de son décor.
L’argument : À Texas City, la police fait face à une série de meurtres, mais les rivalités internes qui minent le service et l’endroit épouvantable où ont été retrouvés les corps – le terrain vague de Killing Fields – compliquent l’enquête. Dans le comté voisin, les inspecteurs Mike Souder et Brian Heigh travaillent sur la disparition d’une jeune fille. Pas de cadavre, aucune piste. Lorsque Anne, une gamine des rues que Brian a prise sous son aile, est portée disparue à son tour, les deux inspecteurs commencent à se dire que la solution se cache peut-être du côté de Killing Fields...
Notre avis : Deuxième long-métrage de la fille de Michael Mann, après un premier essai resté inédit en France, ce Texas Killing Fields pouvait légitimement susciter de belles attentes, presque malgré lui. La tentation est grande, en effet, de comparer le travail d’Ami Canaan Mann à celui de son paternel (le plus grand réalisateur de films policiers contemporain, rien que ça), par ailleurs présent derrière les rênes de la production. A première vue, Killing Fields reprend même le sillon de "polar poisseux" de Mann Senior : meurtres sadiques, course au serial killer, amitié virile entre deux flics que tout oppose, constat désabusé sur la nature humaine... Le jeu de correspondances s’arrêtera là, Ami ne boxant pas dans la même catégorie que Michael. On ne lui en demande pas tant.
Ami Canaan Mann s’éloigne d’ailleurs du cinéma urbain de son père pour explorer la campagne sudiste des États-Unis, celle des bayous (du Texas et non de Louisiane), écrasée de chaleur et ravagée par de multiples ouragans. Les "Killing Fields" du titre, ce sont ces champs de mort impraticables semés de marais gluants, parcourus de troncs calcinés, irrémédiablement associés à des rituels maléfiques et vaudou par les superstitions locales. Une scène de crime d’où émergent, selon les cas, des cadavres fraîchement occis ou des ossements vieux de plusieurs décennies. Le décor, on l’aura compris, est le meilleur atout du film, balayé par des travellings aériens ou arpenté au ras du sol par la caméra d’Ami Canaan, terrain cinégénique en diable, idéal pour installer une atmosphère délétère et d’angoissantes parties de cache-cache nocturnes. En journée, la réalisatrice s’attache à la faune des quartiers défavorisés ou aux paysages de ruine post-Katrina, faisant monter la tension de l’enquête de manière purement physique (la sueur des protagonistes suinte par tous leurs pores), quand elle n’arrache pas à la noirceur quelques beaux plans de coucher de soleil.
Après Dans la brume électrique de Tavernier et le Bad Lieutenant de Werner Herzog, Killing Fields réinvestit les bayous comme un nouveau paysage de polar (avec moins de succès que ses géniaux prédécesseurs certes), propice aux interrogations existentielles sur les frontières de l’être, entre raison et folie, humanité et bestialité. Le long-métrage trace ainsi le portrait pessimiste de la région et de ses laissés-pour-compte, tous plus ou moins véreux, junkies ou dégénérés. Une poignée de personnages (le duo de flics vedettes, la fille de la prostituée) seront les îlots de lumière et d’intégrité au milieu du marasme... On le voit : bien que le scénario s’inspire de faits réels, peu de choses ne sortent finalement du spectre habituel du genre. C’est aussi la plus grande faiblesse du film, celle de ne jamais s’extirper de canons délimités pour se démarquer du tout-venant, malgré son cadre qui promettait davantage de débordements et de folie. Ami Canaan vient de la télévision (elle a notamment collaboré à la série New York Police Blues), ce qui se sent à plusieurs reprises ; outre son efficacité de filmage et de montage, Killing Fields reste collé à son sujet et aux clichés psychologiques qu’il trimballe (la fliquette couillue, les inspecteurs meurtris et hantés par une enquête qui leur scie les nerfs), peinant à atteindre une réelle ampleur cinématographique.
Sans grandes envolées ni coup de génie, miné par quelques petites faiblesses de script (sous-intrigue/fausse piste qui se termine en queue de poisson, révélations finales un peu téléphonées, happy-end malvenu), Killing Fields tient néanmoins la route. Outre son décor, le film s’en sort grâce à des interprètes qui assurent leur partition. Le toujours solide Sam Worthington mis à part, on retrouve avec plaisir le "Comedian" des Watchmen, Jeffrey Dean Morgan, acteur trop rare et d’une indéniable présence. L’antinomie des deux flics, si elle est déjà vue (l’un vient de New York et se frotte à un univers amoral qu’il ne connaît pas bien, l’autre est un natif de la région), fonctionne. Entre les deux, Jessica Chastain s’amuse à jouer les capitaines de police ordurières et sans fard avec un sens du décalage qui fait tout drôle après la délicatesse de Tree of life. Mais c’est bien la jeune Chloë Grace Moretz, revenue de Kick-ass et d’Hugo Cabret, qui tire son épingle du jeu : toujours juste, dans un rôle difficile, elle apporte au long-métrage ses rayons de lumière et ses respirations. Comme pour son personnage à la fin de Killing Fields, l’avenir lui ouvre désormais les bras.
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