Les états d’âme justifiés d’un journaliste
Le 15 novembre 2006
Un documentaire édifiant sur la barbarie des uns et l’indifférence des autres


- Réalisateur : Jean-Christophe Klotz
- Acteur : Bernard Kouchner
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français
- Festival : Festival de Cannes 2006
– Durée : 1h34mn
Un documentaire édifiant sur la barbarie des uns et l’indifférence des autres. Et au milieu, les interrogations amplement justifiées d’un journaliste sur l’utilité de son métier.
L’argument : Jean-Christophe Klotz était journaliste-caméraman au Rwanda en mai 1994 lors du génocide. Il est dans la paroisse du père Blanchard à Kigali, la capitale rwandaise, lorsque des miliciens hutus se présentent sur le lieu de culte qui abrite des Tutsis, la minorité ethnique persécutée. Blessé, il est évacué. Dix ans après, en juin 2004, il revient sur les lieux du drame à la recherche des survivants du massacre qui s’y est déroulé.
Notre avis : Des charognards volent dans le ciel de Kigali. L’un des premiers plans du documentaire de Jean-Christophe Klotz plantent le décor. Celui d’une double tragédie : le génocide rwandais de 1994 face auquel le monde est resté insensible. Particulièrement la France. Le journaliste ne fait pas mystère de son intime conviction quant à la responsabilité de l’Etat français dans le massacre de près de 800 000 Tutsis et Hutus modérés par des milices hutus proches du pouvoir. Et quand on regarde son film, Kigali, des images contre un massacre, il est difficile de ne pas la partager. Les témoignages des survivants, des représentants des Nations-Unis, témoins impuissants du drame, et de Paul Kagamé du Front patriotique rwandais (FPR), la rébellion tutsie qui marchait alors sur Kigali en 1994, sont des preuves accablantes.
C’est Bernard Kouchner, nommé médiateur auprès du FPR par les Nations Unies, qui demande à Jean-Christophe Klotz de le suivre au Rwanda en ce mois de mai. Le génocide a débuté depuis plusieurs semaines déjà. Naïvement, le caméraman est convaincu que ses images alerteront l’opinion publique, mais surtout les autorités françaises. Il n’en sera rien et quand l’armée française arrive enfin, il est bien trop tard. Pire, elle couvre la fuite des coupables. Le documentaire de Klotz est un va-et-vient permanent entre les images du passé, qu’il est venu partager avec ceux qu’elles concernent, et celles du présent. La relation de confiance que le réalisateur a établie, notamment avec Bernard Kouchner qui revient sur le drame dix après, permet à son interlocuteur d’avouer l’indicible. Notamment l’indifférence du gouvernement français pourtant au fait des événements. C’est un homme impuissant et désabusé que le journaliste français révèle à l’écran. Des sentiments que partage également Jean-Christophe Klotz qui constate qu’informer, la vocation d’un journaliste, ne suffit pas à mettre fin à l’extermination d’êtres humains.
Le génocide rwandais, comme il le démontre dans son documentaire, en est l’illustration parfaite. Recourir au cinéma est une manière pour l’homme d’images de résister à cette fatalité. Comme dans un ultime sursaut. Certes, Kigali, des images contre un massacre révolte. Les faits rapportés, le fruit d’une recherche minutieuse et pertinente couplée avec des images et des entretiens inédits, se suffisent à eux-mêmes pour se faire une opinion. On ne peut alors que partager celle de Bernard Kouchner qui affirme comprendre, au vu de son expérience rwandaise, comment l’Holocauste a pu avoir lieu. Le génocide qui se déroule actuellement au Darfour (Soudan), sous l’œil indifférent de la communauté internationale, n’est-il pas une preuve supplémentaire de la véracité de son analyse ? Selon Jean-Christophe Klotz, la bonne formule pour informer est peut-être "ni trop loin, ni trop près", mais l’adage ne dit-il pas aussi qu’il n’y a pas pire aveugle que celui qui ne veut pas voir ? De quoi reporter tous ses espoirs sur le cinéphile averti qui ne refuse jamais de prêter attention à une bonne œuvre (dans tous les sens du terme), surtout quand elle éclaire les consciences.
Norman06 22 avril 2009
Kigali, des images contre un massacre
Documentaire instructif et sincère sur la responsabilité de la France dans le génocide au Rwanda. Indispensable.