Le 27 décembre 2022
Dans un pays aux mœurs ultra conservatrices, le réalisateur pakistanais Saim Sadiq s’aventure avec élégance sur le chemin escarpé d’une masculinité non conforme aux règles établies.
- Réalisateur : Saim Sadiq
- Acteurs : Sarwat Gilani, Sania Saeed, Sana Jafri, Sohail Sameer, Alina Khan
- Genre : Drame, LGBTQIA+
- Nationalité : Pakistanais
- Distributeur : Condor Distribution
- Durée : 2h06mn
- Date télé : 14 juillet 2023 22:48
- Chaîne : Canal+ Cinéma
- Date de sortie : 28 décembre 2022
- Festival : Festival de Cannes 2022
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Résumé : Lahore, Haider et son épouse, cohabitent avec la famille de son frère au grand complet. Dans cette maison où chacun vit sous le regard des autres, Haider est prié de trouver un emploi et de devenir père. Le jour où il déniche un petit boulot dans un cabaret, il tombe sous le charme de Biba, danseuse sensuelle et magnétique. Alors que des sentiments naissent, Haider se retrouve écartelé entre les injonctions qui pèsent sur lui et l’irrésistible appel de la liberté.
Critique : Après plusieurs courts métrages dont Chérie (2019), récompensé dans de nombreux festivals, qui abordait déjà le thème de la transidentité, le réalisateur Saim Sadiq nous invite à partager ses interrogations sur la place de la virilité dans une société encombrée de lois non écrites mais néanmoins obligatoirement transmises de génération en génération. Avec Joyland, il rend hommage à toutes les femmes, tous les hommes et tous les transgenres qui paient de leur vie le poids du patriarcat.
- Copyright Condor Distribution
Dans cette république islamique conformiste, la puissance masculine se cacherait-elle derrière la capacité (ou non) à égorger sans ciller le chevreau destiné à agrémenter le prochain repas familial ? C’est en tout cas ce que suggèrent les premières images jusqu’à ce qu’une main féminine, celle de Mumtaz (Rasti Faroop), sa femme, ne vienne au secours d’Haider (Ali Junero). En effet, Haider et Mumtaz, malgré les risques encourus, ont décidé de vivre en dehors des codes imposés par leur pays. Contrairement au frère aîné débordé par une ribambelle d’enfants, ils n’ont pas encore d’héritiers... événement malheureux qui suffit à les ranger dans la catégorie des citoyens suspects. Bien pire encore, Haider n’exerce aucune profession. Il est homme au foyer. Dans cette maison où cohabitent plusieurs membres d’une même famille, il seconde sa belle-sœur pour l’éducation des enfants, prépare les repas tandis que Mumtaz travaille à l’extérieur. Un couple hors norme donc mais parfaitement soudé qui sert de toile de fond à une histoire d’amour dont le romantisme atténue la violence d’une situation encore davantage perturbée par l’embauche d’Haider dans un cabaret de danses érotiques, dirigé par Biba, personnage volcanique dont la transidentité sert de révélateur aux frustrations des différents protagonistes. Un paradoxe alimenté par une alternance de scènes enjouées et d’instants dramatiques au service d’une narration qui ne s’essouffle jamais. Un format carré enserre la ville de Lahore dans un cadre tout à la fois coloré et oppressant, là où les espoirs d’un monde libéré tentent de percer le mur de rites ancestraux prétendus immuables.
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Dans ce Pakistan qui s’ouvre peu à peu à la libération des mœurs au point de reconnaître la transsexualité depuis quelques années, les œuvres cinématographiques engagés restent encore peu nombreuses. On ne peut donc que saluer la détermination de ce jeune réalisateur à tisser avec tendresse des liens inattendus en guise d’hommage à sa patrie.
Pourtant, bien que sélectionné pour les Oscars et doublement primé au dernier festival de Cannes (prix du Jury Un Certain Regard et Queer Palm), Joyland a bien failli être victime d’une interdiction de sortie dans son pays, suite à une campagne de dénigrement orchestrée par l’aile conservatrice du Sénat pakistanais. Les autorités ont finalement autorisé sa diffusion dans deux districts sur trois, excluant celui de Lahore, là où le film a été tourné, dans une version amputée de plusieurs scènes. Preuve que la route vers l’émancipation est encore longue et que les contradictions en tous genres n’ont pas fini de brouiller les pistes.
- © 2022 Condor Distribution
– Sélection officielle Cannes 2022 : Prix du Jury Un Certain Regard, Queer Palm
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