Le 12 décembre 2017
- Acteur : Johnny Hallyday
- Chanteur : Johnny Hallyday
- Voir le dossier : Nécrologie
L’idole des jeunes n’allumera plus le feu.
La rockstar française que l’on pensait immortelle s’est éteinte le 6 décembre dernier et a emporté avec elle la jeunesse des baby-boomers. Après les hommages des people, des politiques, des médias, voici venu le temps de laisser la parole à ceux qui ont partagé la carrière et la vie de celui qui reste le seul artiste musical à avoir su générer pendant près de soixante ans autant de ferveur et de passion dans ce pays toujours si prompt à la division. De quoi rendre jaloux nos hommes politiques !
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Jean-Philippe Smet naît un soir de juin en 1943, non pas dans la rue comme le prétend la chanson mais dans une clinique du 9ème arrondissement. Il ne devient Johnny Hallyday qu’à la fin des années 50. Son premier titre T’aimer follement sort le 14 mars 1960 mais est très mal accueilli par les radios et une génération qui n’écoute que Georges Guétary, Tino Rossi, Guy Béart ou Francis Lemarque.
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Pourtant dans cette période d’après-guerre flotte un vent de liberté. Nos mères, même si elles doivent toujours demander l’autorisation à leurs maris pour travailler, ouvrir un compte en banque ou établir un passeport, ont enfin obtenu le droit de vote en 1944. La France est à reconstruire, dans tous les domaines le progrès semble ne jamais devoir s’arrêter, les usines et les administrations manquent de bras, les bébés (les fameux baby-boomers) naissent en pagaille pour la plus grande joie de leurs parents et de la nation....Bref, l’enthousiasme est au beau fixe.
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Mais c’est de l’autre côté de l’Atlantique que se tournent les regards, vers ce grand pays symbole de la liberté et de toutes les espérances depuis que des G.I. américains, en plus de faire découvrir le Coca-Cola et le chewing-gum, ont délivré l’Europe du nazisme. Le jeune Jean-Philippe, qui vit au rythme des tournées de ses cousines danseuses (dont l’une a épousé un jeune Américain) n’est pas insensible aux sons de rock n’roll venus d’outre-Atlantique. Son idole s’appelle Elvis Presley. Il ne tarde pas à imiter son déhanchement. Pour faire plus authentique, il s’invente même un père né dans l’Oklahoma et une enfance dans un ranch. Son énergie, sa silhouette dégingandée, ses yeux bleus en amande et ses cheveux blonds bouclés font le reste.
S’il fait peur aux parents qui le qualifient de blouson noir, en quelques mois il séduit toute la jeunesse et ouvre pour cette génération née dans l’immédiate après-guerre la voie d’une totale indépendance. Pour la première fois, les jeunes ont leur musique, leurs magazines, choisissent leurs vêtements et bientôt leur vie.
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Malgré le succès fulgurant, Johnny reste un jeune homme timide et réservé. Sa douce romance avec Sylvie Vartan rassure les parents. Ils sont jeunes, beaux et libres et dans cette France gaullienne à l’allure stricte et compassée, : ils deviennent instantanément un modèle pour tous ceux qui les suivent et les admirent.
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Après avoir fait son service militaire et pendant que Sylvie pouponne, Johnny sillonne les routes. Quelques-uns de ses admirateurs prennent l’habitude de l’accompagner. Alors, il a tôt fait de sympathiser avec ces garçons et ces filles à peine plus âgés que lui et, tel un grand frère, de les prendre sous sa coupe. Soucieux de leur sécurité, il préfère leur offrir un billet de train ou les faire voyager avec l’équipe plutôt que de les laisser repartir en stop. Il intercède auprès des parents quand quelque difficulté administrative surgit (à l’époque, la majorité est à 21 ans et l’Europe telle que nous la connaissons aujourd’hui n’existant pas, il faut une carte d’identité et une autorisation parentale de sortie de territoire pour se rendre ne serait-ce qu’en Belgique). Il arrive que, pour consoler les exclus du voyage, il leur promette, au retour de la tournée une virée dans l’un de ces bolides qu’il affectionne, promesse hélas souvent difficile à tenir car il aura, entre-temps, cassé son beau jouet. Bien plus, en cas de problème financier, familial ou autre, il apporte sans hésiter son soutien tout naturellement. Dîtes-lui que vous aimez le pull qu’il porte, le lendemain, il vous l’offrira. Renouvelez l’opération avec sa moto ou sa voiture, le résultat sera le même. Bien sûr, certains en ont abusé mais pour le gamin fracassé par une enfance tronquée tout vaut mieux que la solitude et l’abandon.
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Dans cette époque de copains, Johnny, pas plus que ses amis yéyé n’a le sentiment d’avoir une image à préserver. L’insouciance, le partage et la liberté sont leurs seuls moteurs. Mais bientôt les lois du marketing vont s’abattre sur le phénomène Hallyday. On lui choisit ses amis, on l’installe dans une cage dorée. Il fréquente les grands de ce monde. L’arrivée de Laetitia, qui l’entoure de toutes les attentions, les meilleures comme les pires comme l’exige le mariage, le hisse définitivement au rang de star inaccessible.
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Si l’intelligentsia le jauge, le juge, se moque de ses bévues, scrute ses fautes grammaticales, il n’en a cure. Car il possède la plus rare et la plus précieuse des intelligences : celle du cœur. C’est grâce à elle qu’il est reconnu de toutes les tranches d’âge, de toutes les classes sociales.
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Ses frasques, ses erreurs, ses dérapages, ses failles, si elles l’éloignent de quelques âmes bien-pensantes le rapprochent de ceux qui n’ont d’autre choix que d’affronter la vie à bras-le-corps, et finalement l’humanisent. Chantant haut et fort qu’il n’est pas un héros, il se sent proche du peuple mais caché derrière son humilité permanente, il ne prend jamais conscience du rayonnement qu’il a sur lui. N’en déplaise aux grincheux, il nous l’a prouvé une dernière fois samedi, il a, pour l’éternité, gagné l’amour et le respect de tout un pays. Non, Johnny, tu n’as pas oublié de vivre et si aujourd’hui la porte de Nos tendres années se ferme à tout jamais, Toi qui t’en vas, on veut te graver dans notre vie.
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