Je vois rouge - la critique du film

Notre avis : Bojina, née en Bulgarie, a à peine 8 ans, quand le mur de Berlin tombe. Alors que, comme tous les enfants de son pays, elle s’apprête à entrer dans la Jeunesse Communiste et à obtenir le précieux foulard rouge qui marque l’adhésion au collectif national, ses parents décident de migrer vers l’ouest et s’installent en France où elle apprend à devenir une vraie Française. Pourtant, 30 ans plus tard, lui reste en mémoire cette énorme déception de n’avoir pas pu nouer ce fameux foulard autour de son cou. Naît alors en elle un impératif besoin de retour aux origines.

Copyright JHR Films

A peine a-t-elle posé un pied sur la terre de ses ancêtres qu’elle est confrontée à de gigantesques protestations d’une population excédée par les pratiques mafieuses d’un pouvoir, constitué d’anciens apparatchiks communistes. Mais qui sont donc ces « ordures rouges » dont parle le peuple en colère ? Ses parents ou ses grand-parents pourraient-ils se compter parmi eux ? Sa famille qui lui est toujours apparue sans histoire n’a jamais abordé le sujet de la répression de l’avant-89 à laquelle il était impossible d’échapper, sauf à accepter quelques « compromis ». Le métier de ses deux grand-pères les obligeait à beaucoup voyager. Comment ont-il fait pour sortir de ce pays dont toutes les frontières étaient barricadées ?
Embarquée dans le tourbillon d’une quête obsessionnelle de réponses, elle établit au cœur de son film un dialogue où deux parties s’affrontent : la représentante de la Bulgarie d’aujourd’hui qu’elle incarne contre ceux qui l’ont précédée et ont connu la période trouble du communisme. Pendant que son moniteur d’auto-école, symbole d’une sagesse populaire de bon aloi, tempère sa frénésie de vérité, elle remue les archives de la police secrète et bombarde son entourage familial de questions insidieuses, usant de méthodes finalement pas si éloignées de celles d’une époque dont elle s’acharne à percer l’opacité. Elle déclenche ainsi, dans un désordre organisé non dénué de drôlerie, un enchevêtrement de doutes, de confrontations, d’agacements, mais aussi de bouleversements émotionnels et de confidences inattendues.

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Au risque d’affoler les plus rigoureux des cinéastes, notre jeune réalisatrice mélange allégrement toutes les techniques à sa disposition, créant un joyeux patchwork composé de quelques extraits de films anciens, de souvenirs photographiques exhumés pour la circonstance, mais aussi d’échanges sur Skype ou d’images issues de téléphones portables. La curiosité en éveil, on se laisse alors emporter tambour battant au cœur de cet ovni, qui tient autant du thriller d’espionnage que du documentaire. Une œuvre généreuse qui, entre autodérision et sincérité, explore les mystères d’un régime totalitaire qui n’en finit pas de nourrir les fantasmes de tous acabits.