Le 3 janvier 2018
Sur une base historique et malgré quelques scories, Ford livre un beau film humain.
- Réalisateur : John Ford
- Acteurs : John Carradine, Warner Baxter, Gloria Stuart, Paul Fix, Harry Carey
- Genre : Drame, Noir et blanc
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Twentieth Century Fox France
- Durée : 1h31mn
- Titre original : Prisoner of Shark Island
- Date de sortie : 8 avril 1936
L'a vu
Veut le voir
Résumé : John Wilkes, fanatique assassin du président Abraham Lincoln, se casse une jambe au cours de sa fuite. Il est soigné par le docteur Samuel Mudd. Arrêté et accusé de complicité, le docteur est condamné à la détention à perpétuité dans la prison de Shark Island, où il subit les brimades et la haine des gardiens, notamment du sadique sergent Rankin.
Notre avis : Première collaboration entre Ford et Darryl F. Zanuck, Je n’ai pas tué Lincoln est une commande, inspirée d’une histoire vraie, celle d’un médecin condamné pour avoir conspiré à l’assassinat de Lincoln, gracié mais jamais réhabilité. Dans cette sombre intrigue, le cinéaste prend clairement partie pour Samuel Mudd, le titre français ne laissant d’ailleurs aucun doute. Il fait de lui la victime d’un cauchemar dantesque (voir l’inscription au bagne, qui plagie La divine comédie, c’est à dire d’une descente aux enfers, mais aussi des institutions : entre le politicien démagogue et le militaire sadique (extraordinaire John Carradine, qui d’ailleurs jouera plus tard Lincoln…), le monde se ligue contre lui car il a commis (ou est accusé d’avoir commis) le pire des crimes. Tuer Lincoln, c’est un peu un déicide : Ford le montre comme une statue, en contre-plongée, immobile et marmoréen. Au théâtre, c’est pareillement une figure quasi figée, recouvert à la fin de la séquence par le voile de l’histoire.
Pour autant, au moins à nos yeux, Mudd n’est pas un saint, son racisme patelin resurgissant à plusieurs moments. C’est un médecin, un vrai, qui n’hésite pas à soigner son ennemi et à prendre des risques, mais son paternalisme et ses expressions le classent clairement parmi les esclavagistes convaincus : et le regard que Ford pose sur les Noirs n’est pas lui même exempt de condescendance (mais nous sommes en 1936…).
Si le cinéaste se désintéresse visiblement de son personnage féminin, pâlot, et du père, caricatural, il sait à merveille jongler avec les possibilités du noir et blanc : les séquences dans la prison rongées par l’ombre, celles du tribunal ou des exécutions sont des modèles d’intelligence filmiques et frisent parfois l’abstraction picturale.
Mais au-delà des péripéties qui évoquent parfois Le comte de Monte-Cristo et auxquelles Ford apporte un soin tout particulier (la tentative d’évasion, par son rythme, ses cadrages et le travail de l’image, est éblouissante), le film est aussi une réflexion sur la culpabilité et la rédemption (le héros n’est-il pas appelé Judas par son gardien ?) sans la grandiloquence dont Ford fait parfois preuve. C’est également une belle étude de l’homme et de ses responsabilités face à une société qui peut se révéler cruelle : la manière dont les accusés sont traités est un exemple fort de déshumanisation. Alors certes, tout n’est pas parfait : l’interprétation, notamment de Warner Baxter ou de Gloria Stuart, manque de subtilité ; il faut dire que certaines séquences mélodramatiques ne les aident pas. Néanmoins, dans l’ensemble, Je n’ai pas tué Lincoln reste un beau film, âpre et palpitant, largement recommandable.
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.