Jane Eyre - la critique du film + le test DVD

Le "grand" Orson Welles dans l’apparat d’Edward Rochester face à une Jane Eyre incapable de résister à son charme. Un DVD inédit en France à rapprocher des autres adaptations du célèbre roman de Charlotte Brontë.

L’argument : Après une enfance difficile passée dans un terrible orphelinat, Jane Eyre est engagée comme gouvernante de la petite Adèle Rochester. Edward Rochester, le maître des lieux, est un personnage solitaire et ombrageux, errant dans son immense demeure. Il ne tarde pas à tomber amoureux de la jeune femme. Mais Jane découvre que le domaine abrite un terrible secret.

Notre avis : Voilà une sortie DVD qui ne risque pas de passer inaperçue dans le monde des cinéphiles épris de classiques : Jane Eyre tourné en 1944 avec Orson Welles et Joan Fontaine dans les rôles titres. Ce film adapté du roman de Charlotte Brontë, paraît en DVD pour la première fois en France, grâce à Rimini Éditions. Une œuvre plus que déjà représentée dans le septième art, mais qui bénéficie ici de la prestance du prodigieux Orson Welles et qui par la même occasion nous offre une interprétation à sa juste mesure. Il est accompagné de la belle et délicate Joan Fontaine, disparue en décembre dernier, et actuellement sous les feux de la rampe avec la sortie en blu-ray de l’un des chefs-d’œuvre de Max Ophuls : Lettre d’une inconnue.

Bien avant l’excellent Edward Rochester du ténébreux et séduisant Michael Fassbender dans le récent Jane Eyre de Cary Fukunaga, Orson Welles s’est glissé dans le rôle, qu’il a voulu théâtral aux accents shakespeariens. Il lui donne une apparence rugueuse et misanthrope à souhait, comme le veut le personnage du roman, et en fait l’un des éléments clefs du succès de ce film. Pourtant, contrairement à Fassbender pour lequel les femmes se damneraient, Welles ne réussit pas à nous faire pâmer et échoue dans sa partie « séduction ». On se demande alors comment Jane Eyre peut en tomber amoureuse ? Une héroïne, que Charlotte Gainsbourg a interprété sous la direction de Franco Zeffirelli, qui se veut être une femme douce, fragile, mais non moins certaine de ce qu’elle désire. Ici, Jane Eyre prend les traits de la douce Joan Fontaine, mais peut-être est-elle justement trop douce et un peu trop langoureuse ? Qui plus est, ses expressions de jeu restent classiques et ne déclenchent pas les émotions nécessaires pour rendre son personnage attachant. Cependant, il faut se remettre dans le contexte d’une époque où les sentiments ne se dévoilent pas ou alors avec parcimonie. Aussi, nous ne retiendrons pas le manque de romantisme, essentiel à toute fleur bleue qui se respecte, et apprécierons de manière plus large le récit de ce mélodrame.

Jane Eyre filmé en studio, tire avantage d’une technique photographique qui rend certains plans ou séquences, poétiques. On apprend ainsi dans les bonus, qu’Orson Welles a contribué à la réalisation et que certaines scènes lui sont attribuées. Pourtant, le jeu de lumière sur le visage de Welles, qui le noirci afin d’insister visuellement sur sa part sombre n’est pas satisfaisant. Car le fait de vouloir trop marquer le protagoniste et d’appuyer aussi lourdement, lui fait perdre toute subtilité et crédibilité. Aussi, comme nous l’avons souligné précédemment, c’est bien grâce à l’aura et la qualité d’acteur d’Orson Welles que ce Jane Eyre reste un film à (re)découvrir.

Les suppléments :

– DANS L’OMBRE D’ORSON WELLES (7’37) : avec Anne-Marie Baron, docteur en lettres et critique de cinéma
– JANE EYRE ET LA LITTERATURE ANGLO-SAXONNE (9’) avec Claire Bazin, spécialiste de la littérature féminine anglo-saxonne
– JANE EYRE SUR GRAND ECRAN (8’) avec Anne-Marie Baron et Raymond Bellour, directeur de recherche au CNRS, spécialiste de littérature et de cinéma

A l’occasion de la sortie inédite du DVD en France, Rimini Edition nous offre des bonus réalisés tout spécialement pour cette galette qui nous brossent les portraits d’un Orson Welles, acteur (avec une anecdote sur son complexe nasal) et d’une Jane Eyre, héroïne de livre et de grand écran à travers le regard de spécialistes qui nous éclairent sur leur fonctionnement et leur qualité. Une invitation à approfondir l’univers des sœurs Brontë et pour ceux qui ne connaîtraient pas encore les différentes adaptations cinématographiques à les regarder et pourquoi pas, à les comparer.

L’image :

Cette édition profite d’une restauration visuelle visible qui se révèle de qualité. Le noir profond et les nuances du noir et blanc sont au rendez-vous, avec une forte réduction des effets du temps qui marquaient notre souvenir de ce beau film sur un plan esthétique.

Le son :

Jane Eyre dispose d’une piste sonore française mono, malheureusement elle n’a pas été restaurée et garde le grain de l’époque. Le son est également décalé par rapport à l’image. On préférera très largement la version originale anglaise sous-titrée français, également en mono, qui elle, bénéficie d’un meilleur équilibre et d’une restauration plus satisfaite au niveau vocal. Beau netoyage.