Roméo et Mali
Le 17 juillet 2011
Après Mon Trésor, caméra d’Or à Cannes en 2004, Keren Yedaya revient en force avec ce drame familial, qui explore à une échelle intime les relations tendues entre israéliens et palestiniens. Intense.
- Réalisateur : Keren Yedaya
- Acteurs : Ronit Elkabetz, Moni Moshonov, Dana Ivgy, Mahmud Shalaby
- Genre : Drame
- Nationalité : Israélien, Français, Allemand
- Date de sortie : 10 juin 2009
- Festival : Festival de Cannes 2009
– Durée : 1h50
– Titre original : Kalat Hayam
Après Mon Trésor, caméra d’Or à Cannes en 2004, Keren Yedaya revient en force avec ce drame familial, qui explore à une échelle intime les relations tendues entre israéliens et palestiniens. Intense.
L’argument : Situé au coeur de Jaffa, une ville que les Palestiniens surnomment "la fiancée de la mer", le garage de Reuven est une affaire familiale. Il y emploie sa fille Mali et son fils Meir, ainsi que Toufik et Hassan, un jeune Palestinien et son père. Personne ne se doute que Mali et Toufil s’aiment depuis des années. Alors que les deux amants préparent en secret leur mariage, la tension monte entre Meir et Toufik...
Notre avis : : Jaffa est la partie sud de la ville côtière de Tel-Aviv en Israël, quartier cosmopolite où cohabitent les populations juives et arabes, ayant servi de cadre à la création de l’Etat d’Israël en 1948. En choisissant de faire de cette ville, à la fois le titre et le cadre de son nouveau film, présenté cette année à Cannes hors compétition, Keren Yedaya (Caméra d’Or à Cannes en 2004 pour son premier long-métrage, Mon trésor) enrichit Jaffa d’une portée historique et politique. L’histoire de la famille juive Wolf et des amours contrariées de Mali et de Toufik acquiert une portée symbolique ; elle incarne, avec la sobriété du drame intime, la haine larvée et quotidienne de deux peuples, le racisme, les non-dits, les problèmes inextricables d’un conflit tu mais toujours prégnant.
- © Rezo Films
La famille Wolf, entre son père bienveillant et taiseux (Moni Moshonov) et sa mère un tantinet autoritaire (la superbe Ronit Elkabetz), mène une vie en apparence tranquille, malgré les sautes d’humeur de leur fils Meir, entre leur garage et leurs soirées devant les programmes télé, où monsieur masse les pieds de madame. Mais cette sérénité affichée masque en réalité des tabous indépassables, qui empêchent par exemple leur fille Mali (Dana Ivgy) de vivre au grand jour son amour avec Toufik, le mécanicien arabe. La portée tragique de cette romance à la Roméo et Juliette va exploser suite à un accident fatal en milieu de film (on se gardera bien de le révéler), qui va nouer le drame et mettre à jour le danger d’une situation familiale étouffante. Enfermée dans le non-dit, portant un lourd secret pendant des années, la jeune Mali vit comme si de rien n’était en mentant à tout le monde : à sa famille, à son fiancé... y compris à elle-même. La révélation finale de Mali fait l’effet d’une déflagration, et la jeune femme prend le risque de se couper de tous ceux qui l’aiment ; mais malgré tout ce qu’elle coûte de cris et de larmes, la vérité est la seule condition pour résoudre un passé pourrissant, et pour s’offrir un avenir plus lumineux : dans la belle dernière scène, la vue de la mer figure cette ouverture et ce nouveau départ.
- © Rezo Films
La mise en scène de Yedaya, maîtrisée mais avare en effets, saisit les dilemmes, les lâchetés et les deuils de ses personnages. L’utilisation fréquente du zoom lui permet de cerner au plus près les visages de ses comédiens, capturant un regard ou une expression qui traduit tout son désarroi. Ainsi, les scènes les plus intimes n’ennuient jamais, d’autant plus que Yedaya établit un parallèle intéressant entre modes de vie juif et arabe, le premier très occidentalisé et moderne, le second plus empreint d’archaïsme et de religion. Grâce à cette économie de moyens qui sert l’acuité et la justesse de la réalisatrice, les scènes les plus dures, parfois très étirées (certains plans durent près de dix minutes) n’en ont que plus de force : on pense à cette séquence déchirante à l’hôpital, où la famille Wolf réunie apprend la mort de l’un des leurs. Elles offrent un champ ouvert au talent de comédiens formidables, de Moni Moshonov (vu notamment dans Two Lovers) à Ronit Elkabetz, qui irradie de puissance, de beauté et de féminité, sans oublier la jeune Dana Ivgy. Celle-ci exprime avec intensité tout le tragique de Mali, acculée et contrainte de faire des choix douloureux dans le silence. Elle est le parfait instrument d’un beau portrait de la jeunesse israélienne, qui a soif de liberté mais se heurte à l’intransigeance et aux éternels conflits de leurs aînés, doublé d’un portrait de femme(s), moderne et d’une constante vérité. Un mélodrame puissant, qui porte haut les couleurs de sa nation dans le cinéma actuel.
- © Rezo Films
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.
Norman06 11 juin 2009
Jaffa - la critique
Bien plus qu’un Roméo et Juliette avec en toile de fond le conflit israélo-palestinien, Jaffa transcende les conventions du mélo pour atteindre les accents d’une tragédie antique. Dépouillée à l’extrême (peu de musique, des plans sobres et justes mais qui ne versent pas dans l’académisme), la réalisation va à l’essentiel, mais n’hésite pas à s’attarder sur de beaux visages de femmes en pleurs : magnifiques séquences dans lesquelles Mali hésite face à ces choix de maternité et d’amour, partagée entre des liens familiaux affectifs, un sentiment de culpabilité, et une obstination amoureuse qui la ronge.