Ligne de fuite
Le 2 juillet 2008
Un film policier qui n’en est pas un. Derrière la traque, un parcours humain et sensible.
- Réalisateur : Christophe Otzenberger
- Acteurs : Yann Tregouët, Céline Cuignet, Lionel Abelanski
- Genre : Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters
- Nationalité : Français
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– Durée : 1h40mn
Un film policier qui n’en est pas un. Derrière la traque, un parcours humain et sensible.
L’argument : C’est la fin du contrôle judiciaire de Thierry Chartier, dix-huit ans. Il se refait une virginité à Heuzecourt, petit village du Nord peuplé de cultivateurs et de retraités des mines, où vit sa grand-mère paternelle. Il gagne sa vie en donnant quelques coups de mains dans les champs, il aide sa grand-mère, et se verrait bien reprendre la ferme. Mais, suite à un incident, il est condamné à sept ans de réclusion criminelle, pour complicité de meurtre. Thierry sort en conditionnelle avec un diplôme d’anglais et un tatouage, mais surtout une culpabilité à jamais ancrée. A lui, à présent, de refaire sa vie.
Notre avis : Itinéraires s’inscrit dans un genre peu fécond : la fiction sociale, qui prend souvent pour cadre les villages exsangues disséminés en France. A l’ombre des usines fermées y traîne une jeunesse désœuvrée. Des films comme Dix-sept ans (Didier Nion, 2003), ou bien encore les récent Alex, ont déjà dressé le bilan, alarmiste, mais non sans tendresse, de ces enfants du chômage et de l’ennui. Itinéraires ne fait pas exception : difficile de grandir dans un village où seuls percent des rayons de soleil cathodiques, gracieusement prodigués par la TV du salon.
La jeunesse fusillée, puisqu’il en faut une, c’est Thierry (Yann Tregouët), travailleur du quotidien (petits boulots de journalier, heureusement grand-mère est là pour protéger contre la précarité) au physique sauvage. D’ailleurs, les premières minutes mettent la pression : cris, violence des corps, alcool. On se voyait déjà dans un remake de La vie de Jésus de Bruno Dumont. Puis, accusé de complicité de meurtre, l’ado va en prison. Flash-forward : cinq ans après. A sa sortie, le jeune voyou est déjà vieux. Les cheveux coupés courts (ça lui donne l’air d’un dur), il ressemble au grand frère qu’il n’a jamais eu. La réinsertion sera rude, à coup de boulots minables, de famille interloquée (le père alcoolique, en pull EDF-GDF, ne comprend pas son fils), de coups tout court. Voilà pour le contexte.
Rapidement, le jeune homme se trouvera accusé d’un crime qu’il n’a pas commis. Premier réflexe (après une tentative de dénonciation qui tourne court) : la fuite. Celle-ci est traitée sans suspense préfabriqué. La caméra de Christophe Otzenberger, un habitué des documentaires, est calme, et n’abuse pas d’effets cinéma-vérité trop indigestes qui n’auraient clairement pas leur place ici (caméra à l’épaule, montage serré). Une attitude sereine, presque contemplative, aux antipodes du "sens du suspense" tant vanté dans L’enfant. L’itinéraire de Thierry se fait sans bruit ni fureur : pas de superflic modèle Tommy Lee Jones à ses trousses, ni de donneuse de province pour le faire chanter. Juste des hommes, superbement creusés par un réalisateur soucieux de laisser vivre ses personnages, de les rendre crédibles et humains. Une sensibilité qui doit beaucoup aux acteurs : le jeune Yann Tregouët, bien sûr, mais aussi Jacques Bonnaffé, commandant à cran arborant les traits tirés du fonctionnaire blasé, et Lionel Abelanski, toujours très fort quand il s’agit d’imposer sa présence lunaire. Avec tout ça, le film a un peu tendance à laisser de côté la traque, l’argument policier. Et tant pis si la réflexion sur la machine judiciaire nous apparaît peu convaincante. L’essentiel, c’est d’avoir réussi à imposer un regard humain sur des événement difficiles, d’être parvenu à nous impliquer dans cet étonnant parcours, fait de rencontres éphémères et d’espoirs déçus. Malgré nos quelques réserves, n’hésitez pas, et laissez-vous tenter par cet itinéraire qui privilégie les chemins de traverse.
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