Le 11 septembre 2021
- Réalisateur : Måns Mårlind
- Date de sortie : 2 septembre 2021
- Durée : 8 x 55'
- Plus d'informations : https://www.canalplus.com/series/sh...
Nathaniel Méchaly, qui signe la composition de la nouvelle série Canal Shadowplay, nous a accueillis dans son studio pour nous parler avec passion de sa carrière, de ses folles anecdotes, de ses inspirations, de sa vision de la musique, et bien sûr de sa nouvelle composition. Avec une bonne humeur et un entrain communicatifs.
- Crédits : Bruno Tocaben
AVoir-ALire : Commençons par parler de ce qui vous motive dans la composition d’une bande originale.
Nathaniel Méchaly : Ce qui m’intéresse, c’est de trouver le timbre et la couleur de la musique pour un film. Avant de penser à des notes, il y a les sensations esthétiques. Il faut trouver comment la musique s’adapte, de manière élégante, à une œuvre, à un univers, à un metteur en scène. La composition, c’est la voix du réalisateur. Il faut savoir rester à sa place.
AVoir-ALire : Cela dépend peut-être du metteur en scène ? Certains vous laissent plus de liberté, d’autres moins ?
NM : Je pense que les grands metteurs en scène vous apprennent votre place. C’est ce que j’ai compris dans ma carrière. J’ai travaillé avec des gros caractères, des gens qui ont un univers fort et un talent reconnu. Quand vous êtes en face, vous réalisez que vous êtes au service de l’œuvre d’un autre. Un peu comme mon percussionniste quand je dirige l’orchestre. Je m’associe avec les talents, vous allez vers ce que souhaite le réalisateur. Ce qui est chouette, quand vous avez cette plasticité de l’esprit, c’est que vous allez à l’encontre d’univers que vous ne pensiez pas côtoyer. Et cela définit votre esthétique aussi.
AVoir-ALire : Il vous est donc arrivé de travailler sur des univers avec lesquels, à la base, vous n’aviez rien en commun ?
NM : A chaque fois ! Par exemple, mon deuxième film était Revolver (2004) de Guy Ritchie. J’avais vu Snatch (2000), Crimes arnaques et botanique (1998), et je m’étais dit que si je pouvais bosser avec un réalisateur comme ça, ce serait génial. A l’époque, Luc Besson produisait le film. On m’appelle et on me demande si je veux travailler sur le nouveau Guy Ritchie ! Je regarde un peu, cela se passe dans milieu du casino, c’est ultra-rythmé. J’ai fait un rock électro que je n’avais jamais fait. J’ai trouvé là-dedans une fibre d’énergie que je n’avais pas, et un style drum and bass que je n’avais pas non plus. Je me suis simplement amusé.
AVoir-ALire : Car à la base, le drum and bass, ce n’est pas votre univers ?
NM : Moi c’est plutôt le classique. Je suis violoncelliste. Mais je peux avoir une approche rock. Disons que j’ai une approche rock de la musique classique. En revanche, face à un style aussi radical pour Revolver, je me suis lancé et c’est moi qui ai trouvé cette esthétique, avec des charleys notamment. C’était un geste qu’a priori je ne pensais pas faire. Ce qui est drôle, c’est qu’à la fin, Guy Ritchie me demande si je sais jouer des cordes ! Il y avait un morceau de cordes qui devait durer 6 minutes, et il avait placé l’Adagio de Barber, ce que je trouvais ringard. C’est un tube de musique classique, comme on entend dans tous les films. Je lui propose alors quelque chose. Donc on s’est régalé en retrouvant mon langage.
AVoir-ALire : Concrètement, avec un metteur en scène comme Guy Ritchie à l’univers très marqué, comment se déroule le processus créatif ? Vous avez un cahier des charges précis ? Cela se fait avec le metteur en scène ?
NM : Je vais vous dire comment ça s’est passé. J’avais fait une maquette. Avec l’idée des charleys et un motif de base très simple, rock punk un peu énervé. Il écoute, il trouve ça cool. On m’appelle, on me dit que j’ai rendez-vous avec Guy Ritchie au bureau. Je suis sous la douche ! Je m’en rappellerai toute ma vie. Mais j’y arrive, on s’installe dans le bureau avec Luc Besson, Guy Ritchie, des assistants. Tout le monde. J’étais jeune, ce n’était que mon deuxième film. Et je vois Guy Ritchie qui commence à battre la mesure de ma musique, et je me dis : ça va, il est cool. Donc on est parti comme ça !
AVoir-ALire : Certains metteurs en scène ont un rapport particulier à la musique ? Comme Måns Mårlind et Björn Stein (réalisateurs de Shadowplay) ?
NM : Je les adore. Là, c’est pareil. Avec eux, j’avais déjà fait Jour polaire sur Canal+. Donc on est parti en Scandinavie, univers du polar, très fort. Comme Millénium, qui faisait figure de référence. Je les rencontre, et ils me demandent un univers plutôt psychédélique pour la série. Je pars donc à Stockholm, avec mon laptop et mon petit clavier de 45 touches. Ils étaient à la bourre. Il y avait déjà le premier épisode de monté, et le reste était en cours de montage. Je vois l’épisode, et je me dis que c’est super. Ils avaient la pêche, et ils n’avaient pas peur. Surtout, un beau sourire ! C’est important, car un contact fun se produit. Je leur dis que je reste la semaine pour travailler dessus. Et je me prends au jeu. Je reste une semaine, deux semaines, trois semaines. Finalement, je serai resté 18 semaines avec eux ! On s’est régalé, je ne peux pas dire mieux.
AVoir-ALire : Et en 2019, vous travaillez à nouveau avec eux, sur un long-métrage (Swoom).
NM : Je pense qu’ils n’avaient pas leur musicien dans leur duo. Je suis probablement le troisième homme. De fait, après deux séries et un film… C’est un travail collaboratif, avec beaucoup de plaisir. En plus, pour Swoom, je gagne le prix de l’Académie de Suède avec eux ! Leur César, c’est un scarabée…
Nathaniel Méchaly montre ses récompenses avec passion, donc celle récoltée pour The Grandmaster (Wong Kar-wai, 2013) - équivalent de l’ « Oscar asiatique » - par exemple.
Pour The Grandmaster, cela se déroule de manière similaire. Rien n’était prévu. J’ai deux amis qui montent la bande-annonce du film. Ils me proposent de travailler un peu sur la musique, car ils devaient monter une ou deux scènes d’action du début du film. Or il manquait une composition. Si je peux faire un essai ? Je devais partir au ski ! Je reçois les images à 18 h, après qu’ils m’ont convaincu qu’ils étaient bien avec Wong Kar-wai. A 5 heures du matin, je termine, à 6 heures je suis au téléphone avec Wong Kar-wai. A 20 heures, j’étais dans l’avion pour Bangkok.
AVoir-ALire : Un peu fatigué, du coup ?
NM : Ce sont des histoires comme ça qui font une carrière. J’ai repris des compositions de Shigeru Umebayashi qui avait passé deux ans dessus. Il y avait besoin d’une autre énergie. Or il me restait un mois avant la présentation du film à Berlin. Festival dont Wong Kar-wai était président ! Pas le droit de se planter… D’autant que Wong Kar-wai, il faut le suivre, car il monte jusqu’au bout, c’est un artiste vous savez ! Donc j’ai un violoncelle, des percussions chinoises comme des taikos. Avec tout cela, je compose en urgence. Je reprends le thème d’Il était une fois en Amérique d’Ennio Morricone, que je rejoue au violoncelle avec l’Opéra de Prague via Skype… Le truc fou ! Mais c’est ce qui est sympa ! Ce que j’aime, c’est le risque, la rencontre. Que je sois bousculé. Après, ça a même une influence. L’année d’après Jour polaire, je suis parti en vacances dans le cercle polaire. Bon, pour The Grandmaster, je n’ai pas commencé le kung-fu, mais pas loin !
AVoir-ALire : Quelle est la composition qui vous a le plus changé ?
NM : The Grandmaster. C’était la plus folle, la plus dure. Il fallait faire preuve d’humilité aussi. Vous êtes un peu écrasé par le film. C’est quatre ans de tournage ! J’ai dû utiliser plein d’idées qui ne m’appartenaient pas. J’arrivais avec des certitudes, et le film m’a remis à zéro. Dix jours avant Berlin, dont il faisait l’ouverture – la pression car il était président ! -, on enregistre, on valide tout. Puis il réécoute, et il me dit que ça ne va pas. Ça ne va pas, ça ne va pas, ça ne va pas. Là, je suis battu. Que puis-je faire ? On est à 10 jours de Berlin, et on doit recommencer ! Le lendemain, je suis dépité. Il m’avait achevé ! Un coup dans le tibia ! Le matin suivant, je le vois qu’il arrive avec le sourire. J’ai envie de le frapper ! Qu’est ce qui lui arrive ? On retourne dans la salle de cinéma où je travaille, et il me fait parvenir ce bout de papier (montre un bout de papier griffonné) : « be the last man standing ». Sur l’affiche du film était marqué « The last man standing » ! Cela voulait dire : sois le personnage, sois Tony Leung ! Je prends mon violoncelle – un violoncelle thaï, pas facile à jouer -, mes six percussions, mon petit laptop et mes deux claviers, mes deux micros, et… (il allume son ordinateur).
Je me suis dit, il faut que la terre tremble ! C’est une musique réflexe, comme quand il faut que ça sorte. (Nous écoutons l’introduction de The Grandmaster, et le sol tremble effectivement.)
J’ai tellement tapé sur les tambours, j’étais tellement énervé… Et j’ai vu un sourire sur le visage de Kar-wai ! Je l’ai faite en trois heures cette musique ! Donc c’est le film le plus marquant pour moi. Je suis violoncelliste, mais je ne joue plus très bien. Je ne pourrais plus véritablement jouer ce que je compose. Mais ce film m’a ramené à moi. Il m’a ramené à être la voix off du film.
Le cinéma de Wong Kar-wai, c’est un cinéma assez autobiographique. Il raconte son temps, sa manière de voir les choses. Un peu comme Alain Resnais. Avec la caméra-stylo. Il prend son temps, il observe. Il me fait penser à Alain Resnais avec Mon oncle d’Amérique (1980). Il faut le voir ! Resnais compare les hommes avec les rats de laboratoires. On pourrait dire que WKW, c’est la sociologie de l’attraction entre les uns et les autres. En tout cas, après avoir écouté la musique de The Grandmaster, j’ai réalisé à la fin que Tony Leung avait les mêmes yeux que wkw ! D’autant que son fils est violoncelliste amateur. C’était touchant. J’avais mis de côté toutes mes idées reçues.
Pour la suite, Mans et Bjorn étaient parfaits.
AVoir-ALire : Il semble pourtant que ce soient deux cinémas assez différents.
NM : Pas tant que cela. Il y a façon de regarder, assez commune. Il y a la façon de diriger ses acteurs. Je pense que Mans est un grand admirateur de WKW. Il cherche la poésie, mais dans le noir. C’est plus facile de créer un univers très sombre et d’allumer une étincelle, que l’inverse.
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AVoir-ALire : Pour Shadowplay, vous avez composé plus de 7 heures de musique… C’est énorme, non ?
NM : Je n’en sais rien. J’ai composé la musique qu’il fallait composer. On a réajusté un peu au mixage. Donc pour laisser respirer l’image, on doit avoir 5 ou 6 heures de musique finalement. Il ne faut pas non plus tout tartiner de musique.
AVoir-ALire : Et vous arrivez à voir les films sur lesquels vous travaillez ?
NM : J’ai du mal… Comme les acteurs, je ne vois que les défauts. Cela me fait penser à une anecdote. Sur Taken (Pierre Morel, 2008), il y a une scène où il parle à sa femme. Je croyais qu’ils étaient dans une idée romantique. Je ne parlais pas très bien anglais, donc je n’ai rien saisi. En fait, c’était une scène très banale. J’ai commencé à faire une musique un peu romantique… (Il rit.) Tout ça pour dire que non, je n’aime pas revoir mes films.
AVoir-ALire : Donc ce soir…
NM : Je vais écouter pour voir le mixage, comment ça sonne…
AVoir-ALire : Et vous allez regarder la série dans quelles conditions ?
NM : Comme tout le monde. A la télé.
AVoir-ALire : Ce n’est pas frustrant si le son de la télé n’est pas parfait ?
NM : Mais non ! Car on ne fait que raconter des histoires. C’est bien si vous écoutez sur de beaux haut-parleurs. En revanche, le propos c’est l’histoire, l’objet audiovisuel dans son ensemble, pas simplement la musique. Je ne vais pas composer différemment.
AVoir-ALire : Donc vous ne voulez jamais différencier la musique du film lui-même ? Si je veux écouter la bande originale de Shadowplay seule par exemple ?
NM : Je vous dis écoutez-là. Je l’ai aussi fait un peu pour ça. Il faut savoir que pour les bandes originales, je réenregistre. Je pars quand même du principe que vous ne pouvez pas dissocier Herrmann de Hitchcock, Bernstein de Robert Wise, John Williams de Spielberg et Lucas, Goldsmith de tellement d’autres.
AVoir-ALire : Morricone de Leone ?
NM : Encore plus Ennio Morricone et Sergio Leone !
AVoir-ALire : La légende dit qu’Ennio Morricone était le scénariste de Sergio Leone !
NM : C’était son scénariste ! Il y a la fameuse anecdote où Leone dit à Clint Eastwood et aux autres acteurs de jouer la scène, avec la musique d’Ennio Morricone sur le plateau, et de se tirer dessus quand la musique s’arrête ! Il était le maître du rythme du film. Ce que je pense, c’est que les grandes musiques de films existent car il y a de grands réalisateurs. Notre imaginaire se rattachera toujours au film, comme on n’écoute pas la musique de Mission (Roland Joffé, 1986) sans penser à Mission. Il y a une musique qui m’a profondément marqué : L’Amant, par Gabriel Yared pour le film de Jean-Jacques Annaud. Je me rappelle avoir eu des stigmates sur le visage, en me disant que c’était si beau, l’adéquation entre l’image et le son. Cela m’a donné envie de réécouter la musique du film pour revivre cela. J’ai été assistant de Gabriel pendant dix ans !
C’est pareil pour E.T (Steven Spielberg, 1982), avec ce fameux morceau où E.T et Elliott se rencontrent. Je ne peux pas l’entendre sans penser à leurs doigts qui se touchent. Le solo de harpe est magnifique.
AVoir-ALire : Pourtant certains réalisateurs n’ont pas de compositeurs, mais adorent la musique.
NM : Kubrick, Scorsese, Tarantino… Mais on dit la même chose. C’est le même processus. Les morceaux sont remis dans un contexte, une esthétique. Pour Scorsese par exemple, si vous regardez Casino (1988), la musique colle si bien. Mais même sur les derniers Marvel, pour les Gardiens de la galaxie (James Gunn, 2014), ils sont allés chercher du funk des années 1970, ça marche super bien. Au début du film, vous n’avez qu’une envie, c’est de réécouter Hooked on a feeling. Les clips, c’est pareil. Vous voyez l’univers dans lequel les musiques sont mises en scènes.
AVoir-ALire : Il y a un ou deux compositeurs en particulier qui sont au-dessus ?
NM : John Williams reste quand même le maître. C’est Dieu. Il a l’héritage classique. Il y a aussi Leonard Bernstein, peut-être encore plus puissant. En revanche, Williams, avec Spielberg et Lucas, ils ont inventé le cinéma d’aujourd’hui sans vouloir le faire. A chaque fois, derrière, il y a John Williams. Les thèmes sont magistraux. Et puis c’est l’Amérique ! C’est la quintessence de la culture américaine populaire. Sans qu’il y ait rien de péjoratifs. Tous les intellos devraient regarder tous ces gens-là, ce que les Américains, eux, ont compris. En France, il y Télérama, Les Cahiers du cinéma, et les autres, vous voyez un peu ? Il y a une forme d’intelligentsia, de conservatisme. La façon dont on apprend la musique en Europe et aux Etats-Unis est radicalement différente d’ailleurs.
AVoir-ALire : En quoi précisément ?
NM : Nous, on nous apprend à jouer Bach dans le style de Bach, Mozart dans le style de Mozart, Brahms dans le style de Brahms, on nous apprend à composer comme Brahms ou Ravel. Mais c’est difficile de vous apprendre à composer comme vous êtes. L’Amérique a une culture populaire forte, n’a pas de complexe. Si vous voulez devenir compositeur de films là-bas, vous avez des universités faites pour ça. En France, vous avez six élèves, au Conservatoire de Paris, et à Lyon. Mais surtout, pas de complexe là-bas. Vous pouvez être un intello et faire un gros film aux Etats-Unis. Alexandre Desplat est un excellent exemple ! On a du Harry Potter et du Terrence Malick.
AVoir-ALire : Vous avez travaillé avec des cultures très différentes. Il y a une culture en particulier dont vous aimeriez que la France s’inspire ?
NM : Toutes. Je suis très dur, il ne faut pas me poser la question !
Avoir-Alire : Pour revenir sur Shadowplay, comment avez-vous travaillé ? Quelles étaient les spécificités, notamment par rapport à Jour polaire ?
NM : Jour polaire se passe aujourd’hui, dans le nord de la Suède. On a un univers assez moderne, donc cela se prêtait à une musique plus moderne. Shadowplay, c’est 1946. Je suis dans la série d’ailleurs. Je suis le juif qui joue du Bach, et je symbolise la mémoire et l’espoir. Je suis muet. Il y a une histoire de partition de Bach volée par les nazis, et jamais interprétée. Je suis censé l’interpréter à la fin. On est dans cette culture-là, et au départ ils voulaient que je compose tout au violoncelle. On a le statut de départ. En plus, on sait que cela va être dur. Il n’y a plus d’hommes dans Berlin, il y a beaucoup de viols, on a la vengeance des femmes, le féminisme : plein d’axes politiques et historiques. La musique est née de cette complexité. De la relation entre les deux frères du film aussi. Donc j’ai pris un mois pour composer chacun des thèmes du film sans images. Ensuite j’ai travaillé mon violoncelle comme un fou pour pouvoir le jouer sur le plateau. J’ai travaillé sur des chansons avec Jay Jay Johansson et Lily Oakes. Après le début du montage, j’ai retravaillé tout cela.
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AVoir-ALire : Pour construire vos thèmes, vous travaillez en vous disant « un thème = un personnage » ?
NM : Oui. J’aimais essayer le contraire au début de ma carrière. Mais oui. Quand j’ai un thème fort, je suis sécurisé, je peux construire autour. Je peux le décliner, le réadapter.
AVoir-ALire : La musique doit accompagner, ou transcender le film ?
NM : Je pense qu’elle doit le transcender. Ce n’est pas toujours facile, comme pour The Grandmaster, qui peut donner l’impression de vous écraser. Je m’étais dit, mais pourquoi vous m’appelez moi, et pas Hans Zimmer ou Ennio Morricone ? Après, quand je suis sur Taken ou des films comme ceux-là, je suis dans l’entertainment. Je n’invente rien. Sur le 3 cela dit, j’ai lâché un peu les chevaux. Mais les deux premiers, c’était un gros enjeu, donc j’ai simplement fait mon travail. Souvent, sur ce genre de films, il y a une theme track. C’est-à-dire qu’on vous demande de coller à une composition déjà existante. Soit vous arrivez à transcender la musique, soit vous vous en approchez trop car vous avez peur. Mais d’un point de vue créatif, c’est terrible. Les producteurs sont rassurés, mais pour nous c’est une contrainte énorme. On vous dit « fais-nous un truc à la John Williams ». D’ailleurs ils n’ont pas forcément le budget d’un John Williams !
AVoir-ALire : Il y a des films récents sur lesquels vous avez admiré particulièrement la musique ?
NM : Les Frères Sisters de Jacques Audiard, musique de Alexandre Desplat. Je trouve qu’il a fait une musique géniale. C’est intelligent, il y a du décalage… Et aussi La Ballade de Buster Scruggs des frères Coen. Je crois que c’est Terence Blanchard. L’écriture de la musique est précise, intelligente.
AVoir-ALire : Et les comédies musicales ?
NM : Cela dépend desquelles on parle. Je suis plutôt Broadway. Le Roi Lion, sur scène, c’est génial. Ou bien Mathilda, ou Anastasia, que j’ai vu à New York. C’était beau ! C’est ce que j’aime. Mais je suis en train de faire une comédie musicale avec Patrice Leconte ! Le film s’appelle La Jeune fille invisible, et j’ai écrit un quart d’heure sur une heure, une heure trente. J’aime ça ! Mais cela demande beaucoup de réflexion.
AVoir-ALire : Vous avez composé hors cinéma ?
NM : J’ai fait du ballet. Mais ce n’est pas si différent. C’est à peu près pareil, mais vous n’avez pas de support visuel, donc vous gérez l’aspect temporel.
AVoir-ALire : Vous ne vous sentez pas plus libre ?
NM : En art, ce qui est beau c’est la contrainte. Au cinéma, la contrainte c’est le réalisateur, le scénariste, le chef opérateur, les acteurs, la voix des acteurs, le montage… Après, vous arrivez. Vous devez respecter tous ces paramètres.
AVoir-ALire : Vous êtes optimiste pour ce soir ?
NM : Optimiste tout court ! On ne connaît pas tant le métier de compositeur. Mais c’est un métier en devenir je pense. C’est en train de s’ouvrir. On peut en vivre, on peut s’amuser. Avec la démocratisation de tous les logiciels de création, il n’y a plus vraiment de frontières. Pourquoi il y en aurait ? Il y a une demande aussi, il y a tellement de films et de séries !
Pour ce soir, je pense que la série répond aux attentes en tout cas !
Pour écouter sa composition : https://www.youtube.com/watch?v=7XUS_x9CW7c&list=OLAK5uy_nvOO9fItx-_ufhidl_JbJTaidNnJASd8g
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