Folk & Top
Le 5 novembre 2013
Avec Inside Llewyn Davis, comédie aux multiples visages, les frères Coen signent un retour fracassant.


- Réalisateurs : Ethan Coen - Joel Coen
- Acteurs : John Goodman, Justin Timberlake, Oscar Isaac, Carey Mulligan, Garrett Hedlund, Sylvia Kauders
- Genre : Comédie, Drame, Comédie dramatique, Musical
- Nationalité : Américain
- Distributeur : StudioCanal
- Durée : 1h45mn
- Date télé : 13 septembre 2023 23:03
- Chaîne : Canal+ Cinéma
- Date de sortie : 6 novembre 2013
- Festival : Festival de Cannes 2013

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Résumé : Une semaine de la vie d’un jeune chanteur de folk dans l’univers musical de Greenwich Village en 1961. Llewyn Davis est à la croisée des chemins. Alors qu’un hiver rigoureux sévit sur New York, le jeune homme, sa guitare à la main, lutte pour gagner sa vie comme musicien et affronte des obstacles qui semblent insurmontables, à commencer par ceux qu’il se crée lui-même. Il ne survit que grâce à l’aide que lui apportent des amis ou des inconnus, en acceptant n’importe quel petit boulot. Des cafés du Village à un club désert de Chicago, ses mésaventures le conduisent jusqu’à une audition pour le géant de la musique Bud Grossman, avant de retourner là d’où il vient.
Critique : Que les plus réservés se rassurent : Inside Llewyn Davis n’est pas le film mineur des frères Coen que l’on pensait découvrir. Se déroulant à New York dans les années 60, celui-ci peint le portrait de Llewyn Davis, un musicien folk talentueux qui ne parvient pas à accéder à la renommée qu’il mérite. Errant de bars en bars en compagnie de sa guitare, l’homme enchaîne les désillusions mais reste néanmoins accroché à ses rêves de grandeur. Derrière cette histoire des plus classiques, qui ne sert finalement que de prétexte à l’élaboration d’une réflexion, Inside Llewyn Davis porte surtout un regard critique sur l’état du monde de la création et, plus particulièrement, sur les effets pervers qui découlent d’une volonté mercantile sans limite.
Grâce à leur habituel génie narratif, les frères Coen parviennent à porter un regard autant ironique que généreux sur le parcours de ce looser dont le cœur ne bat qu’au rythme de la musique. Les dialogues sont savoureux, les personnages d’une profondeur remarquable, les émotions honnêtes. Surtout, l’humour, qui participe toujours au charme des comédies coenniennes, est dévastateur, tout en étant savamment dosé pour éviter de tomber dans la lourdeur, qui avait pourtant toute sa place dans cette histoire bâtie sur la mouvance d’un personnage qui ne dispose que peu de repères. Les géniaux cinéastes savent orchestrer les multiples composantes de leur récit et contenir ses nombreux enjeux pour n’en garder qu’une très subtile légèreté. C’est de cet extraordinaire équilibre qu’Inside Llewyn Davis tire toute sa force, apparaissant plus que jamais comme un long métrage aux multiples aspects.
Comme c’était déjà le cas dans l’excellent A Serious Man, il ne fait aucun doute que les frères Coen parlent d’eux-mêmes à travers le portrait de leur personnage principal, victime malheureuse d’un monde où la créativité n’a pas sa place. Leur manière d’ériger en icône inopinée cet homme maladroit, mais authentique, constitue une sublime déclaration d’amour à la musique et à l’art en général. De même, le contexte des années 60 permet de rendre hommage à cet instant unique de l’histoire de la musique américaine avec une finesse certaine, tant le film parle aussi bien aux néophytes qu’aux plus grands passionnés. Les réalisateurs ayant été eux aussi les victimes injustes de l’insuccès – notamment avec Le Grand Saut, véritable fiasco –, difficile de ne pas voir en Inside Llewyn Davis un outil de dénonciation.
Filmé avec une adresse évidente, qui rend sa matière chaude et pétillante à l’image de la musique qu’il présente, Inside Llewyn Davis est un film merveilleusement sympathique.