Histoire de l’oeil
Le 26 juin 2012
Andrès Baiz suspend des ponts étonnants entre le drame-plombier et le thriller claustro.
- Acteurs : Martina García, Quim Gutiérrez, Clara Lago
- Genre : Drame, Thriller
- Nationalité : Espagnol, Colombien
- Durée : 1h43mn
- Titre original : La cara oculta
- Date de sortie : 4 juillet 2012
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Andrès Baiz suspend des ponts étonnants entre le drame-plombier et le thriller claustro.
L’argument : Adrian, jeune et séduisant chef d’orchestre du Philarmonique de Bogota, et sa petite amie Bélen semblent être heureux dans leur immense maison à la campagne. Mais lorsque Bélen commence à douter de la fidélité d’Adrian, elle se cache dans une pièce de la maison aux vitres sans tain, pour l’espionner. Malheureusement pour elle, la clef qui lui aurait permis de sortir est restée à l’extérieur, elle seule connaît l’existence de cette chambre secrète et là où elle est, personne ne peut soupçonner sa présence ou presque …
Notre avis : Avant toute chose, Inside est un film criminel, une histoire de portes dérobées mais aussi de plaisirs escamotés par une campagne promo au sadisme troublant. Parce qu’entre son pitch transparent et ses trailers impudiques, La cara oculta (oui, la traduction est discutable) ne galvaude pas un argument de base (l’emprisonnement involontaire de Bélen) mais piétine bel et bien une révélation qui, dans les faits, intervient à mi-parcours. On veut bien admettre qu’une production confidentielle navigue aux frontières du spoil pour attirer l’improbable chaland, mais il y a quand même des règles qu’on ne peut enfreindre sans risquer l’entorse morale et la gifle punitive. C’est donc en tant qu’handicapés narratifs, surinformés malgré nous, que l’on abordera ce film bicéphale, dont le sujet n’est pas un prétexte anodin mais plutôt un levier structurel. De fait, les 45 premières minutes de l’objet se focalisent sur les personnages d’Adrian (chef d’orchestre orchestré) et Fabianna -serveuse rencontrée par le maestro alors qu’il noyait le souvenir d’une Bélen disparue dans un seau de whisky- et leur idylle consolatoire dans un micro-manoir de la campagne colombienne. Oscillant entre le point de vue du jeune homme conjurant ses amours mortes entre les reins d’une autre et celui d’une gourgandine effrayée par la tuyauterie occulte de l’endroit (Bélen se manifeste comme elle peut, en faisant trembler l’eau des éviers ou en changeant la température des douches de Fabiana), Inside joue d’abord la carte du pur film de maison hantée (enfin disons qu’il insiste sur une carte déjà retournée) avant de rebrousser chemin et d’expliquer par le menu l’histoire de la prisonnière et ses petites péripéties suffocatoires de l’autre côté du miroir sans tain.
Appliqué et inventif, mais peut être légèrement présomptueux, Baiz cherche donc à diluer l’épouvante de sa première partie dans l’angoisse naturaliste de la seconde, au risque de laisser l’intensité des séquences les plus flippantes se noyer gentiment au fond des lavabos surnaturels. Heureusement, le petit Andrès sait parfaitement tenir une caméra et se permet de jouer sur les pires lieux communs du film de terreur ménagère (pannes de courant, jumpscares animaliers) tout en les traitant avec un premier degré total, histoire de montrer (comme l’intégralité du film) que dans la vie comme au cinéma, tout est affaire de perception : perception déformée par une ignorance partielle (celle du spectateur mais aussi la tristesse hermétique d’Adrian, l’enquête des flics soupçonneux sur la disparition de Bélen…) ou perception corrompue par une mauvaise posture et un auto-conditionnement (la peur du spectre symbolique de Bélen pour Fabiana et son identification avec la prisonnière amenée certes toutes pincettes rangées par le miroir). D’ailleurs, enfermée malgré elle dans une cellule qui est aussi la concrétisation en béton armé de sa suspicion maladive, la captive est également punie pour ses divagations. C’est par une contemplation à la fois totale et impuissante de ce qu’elle ne voulait pas voir (l’amour d’Adrian, démoli par son départ) ou de ce qu’elle ne faisait qu’imaginer (les ébats de son homme avec une rivale) qu’elle paie une addition allègrement salée par un réalisateur possédé.
Seulement, à l’instar de son héroïne, Baiz pèche par excès de passion. Trop centré sur ses personnages (un défaut vertueux) et un double mouvement narratif légèrement fastidieux, celui qui a pourtant tout d’un aristocrate du plan en oublie parfois de soigner la grâce épisodique d’une mise en scène traversée par des mouvements géniaux entre les différents espaces de la maison, des cadres puissants et des découpages galopants (la séquence de l’enfermement est majestueuse). On rêve d’un Inside plus frontal- notamment lors de scènes de claustration dans lesquelles on respire un peu trop- et moins affairé à justifier un scénario roublard et bien tenu mais pas révolutionnaire pour autant. L’ensemble est quand même moins édulcoré que La piel que habito, de tonton Almodovar, dont il partage quelques angles mais certainement pas les dérives de poseur faisandé. Si Baiz joue sur plusieurs tableaux, c’est avant tout pour rendre hommage aux genres qu’il investit. La cara oculta est une profession de foi, pas une récréation paresseuse de parvenu ennuyé. D’ailleurs, le voyage n’est pas toujours trépidant, mais le colombien et ses acteurs (notamment Clara Lago) nous harponnent avec assez d’intégrité et suffisamment d’inspiration pour qu’on veuille bien les suivre derrière leurs miroirs sans fonds. Allez-y de notre part.
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