Imagine - la critique du film

Un drame poétique élégant et sobre.

L’argument : Ian, professeur d’orientation spatiale, arrive dans une clinique de malvoyants à Lisbonne. Il gagne rapidement la confiance de ses patients. Intrigués par ce nouvel enseignement, les enfants apprennent vite mais cela n’est pas sans risque. Eva, une jeune pensionnaire, suit le travail de Ian depuis la fenêtre de sa chambre. Elle est rapidement séduite par ses idées. Ensemble ils partent explorer les rues de Lisbonne.

Notre avis : Imagine suit le portrait d’un personnage paradoxal, aux prises avec les normes. Lui-même malvoyant, Ian refuse en effet l’usage de la canne blanche et son enseignement détonne au sein de la petite clinique de Lisbonne où il est engagé. On suit alors les résultats inégaux de sa méthode et l’évolution d’une personnalité contradictoire : malicieux, Ian apparaît aussi comme un rêveur cynique et son anti-conformisme est un danger potentiel pour ses élèves. De cette trame intéressante et somme toute originale, le cinéaste fait une oeuvre poétique, qui s’intéresse autant (sinon davantage) au quotidien répétitif des malvoyants qu’aux coups de force successifs par lesquels Ian impose son impérieuse présence et son besoin d’émancipation.

Il est vrai que la caméra suit de près Edward Hogg, acteur magnétique que l’on redécouvre après son passage dans le très moyen Anonymous ; mais cette proximité est aussi ce qui permet de ménager les réserves du spectateur, grâce à un jeu intéressant sur les points de vue. Il est difficile en effet de savoir jusqu’à quel point le personnage est authentique, et nous sommes le plus souvent contraints de le suivre dans ses pérégrinations, bon gré mal gré, avec autant de méfiance que d’enthousiasme. Tout jugement moral s’en trouve suspendu, le film n’offrant volontairement pas d’explication « convaincante » aux contradictions de son héros pour mieux valoriser une poétique de l’instant, faite de claquements de langue, d’élans amoureux et d’appels à la rêverie.

Assumant la voie du drame poétique, sans emphase ni pathos, Jakimowski livre ainsi une réflexion sincère sur les pouvoirs et les limites de l’imagination. Econome en moyens, le film aurait peut-être gagné, par endroits, à exploiter davantage la veine onirique et les jeux d’ombres permis par son sujet ; mais le refus de s’égarer dans l’aventure sied assez bien à l’ensemble, Jakimowski prenant au sérieux l’invitation qui sert de titre au métrage. C’est en effet au spectateur qu’il revient d’imaginer ce qui, au-delà des sentiers balisés de la fable, réside dans les zones plus troubles, plus dangereuses, auxquelles nul n’a accès.