Coup de klaxon
Le 30 octobre 2011
Portrait à charge d’une Amérique encore encombrée par le fléau de la peine de mort et par les failles de son système judiciaire. Un docu imparfait mais nécessaire.


- Genre : Documentaire
- Durée : 1h08min
- Date de sortie : 9 novembre 2011

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– Réalisateurs : Arnaud Gaillard, Florent Vassault
Portrait à charge d’une Amérique encore encombrée par le fléau de la peine de mort et par les failles de son système judiciaire. Un docu imparfait mais nécessaire.
L’argument : Au cœur des États-Unis, Curtis, Golda et Veldean se trouvent confrontés à l’absurdité et à la violence de la peine de mort. Pendant ce temps à Huntsville, petite ville du Texas, les exécutions rythment le quotidien.
Notre avis : Chargé d’une mission d’enquête sur la peine de mort aux États-Unis, le sociologue Arnaud Gaillard, assisté du monteur Florence Vassault, plante sa caméra dans la bourgade de Huntsville, connue pour abriter la principale administration pénitentiaire du Texas, et la seule à appliquer l’exécution par injection létale. Un État qui baigne littéralement dans la routine (voire, osons le mot, la tradition) de la peine capitale, et dont Honk ! trace un portrait sévère quoique nuancé. L’intention avouée des documentaristes : montrer à quel point la pratique est encore normalisée dans beaucoup de régions d’Amérique du Nord, notamment dans ce Texas des rednecks encore bercé d’idéologies archaïques – à l’appui, une séquence glaçante de prédication dans une Église protestante. « Honk to stop executions ! » (« Klaxonnez contre les exécutions ! »), clame la pancarte d’une poignée d’activistes à la sortie d’un tribunal. Sans surprise – hélas –, les coups de klaxon se font rares et la cohorte des véhicules continue indifféremment sa marche silencieuse et un peu honteuse.
Honk ! se veut d’abord le portrait d’hommes et de femmes touchés, de près ou de loin, par les conséquences désastreuses de la peine de mort. Le film débute par une séquence très forte : le soir de l’exécution d’un condamné, plus de vingt ans après ses actes, la famille de l’accusé croise sans prévenir celle de la victime. La souffrance répond à la souffrance, et leur drame respectif est mis dos à dos. L’exécution n’aura étanché aucun chagrin, accompli aucun deuil, confiera plus loin Mme Kirk, la grand-mère du jeune garçon assassiné. Curtis, ancien prisonnier innocenté et rescapé des couloirs de la mort, révèle à son tour la solidarité secrète qui existait entre les condamnés et confiera cette anecdote révoltante au fort parfum d’absurde : l’un de ses voisins de cellule, après avoir tenté de se suicider, est ramené à la vie par les autorités pénitentiaires avant d’être conduit à son exécution. La machine à broyer l’individu, même détraquée, continue de fonctionner sans que la majorité y trouve quelque chose à redire. A ce consensus, Golda répond en poussant de grands coups de klaxon (nouvel écho au titre du film) à chaque fois qu’elle passe en voiture devant le pénitencier où demeure son fils, en attente de son sort. Un acte que la raison n’explique pas, mais qui revêt un fort pouvoir symbolique.
Alternant des interview de spécialistes de la ’’question’’ (un juriste, un professeur de droits) et les témoignages de ceux qui y sont directement confrontés au quotidien, le documentaire a l’avantage d’épuiser la dialectique trop abstraite des arguments ’’pour’’/’’contre’’ en la plongeant violemment dans le réel. Il arrive que la caméra délaisse la frontalité des entretiens pour balayer, plus poétiquement, les paysages d’une industrialisation déchue (anciennes usines délabrées, tronçons de chemins de fer rouillés) : le Texas, tout en portant les stigmates de son passé, semble avoir raté le train de la modernité. On saura gré à Arnaud Gaillard et à Florence Vassault d’essayer de comprendre les logiques de certains partisans de la peine capitale, leur donnant la parole, quoique de manière peu équitable par rapport aux ’’anti’’. Le plus souvent critique, les documentaristes n’hésitent pas à jeter à l’occasion quelques immenses pavés dans la mare – notamment lorsque l’un des intervenants établit un pont entre les Nazis, qui ont inventé la pratique de l’injection létale, et la justice américaine. En restant dans l’humain, sans toujours prendre beaucoup de distance avec son sujet, Honk ! demeure aux portes d’une réflexion plus poussée. Il n’en reste pas moins un document précieux, un état des lieux édifiant qui, quelques semaines à peine après l’issue de l’affaire Troy Davis, demeure tristement d’actualité.