Littérature francophone
Le 21 août 2002
Holder prend de la bouteille avec bonheur et nous livre un beau roman désenchanté.
- Auteur : Eric Holder
- Editeur : Grasset
- Genre : Roman & fiction
- Nationalité : Française
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Retour en pays de connaissance ? Oui et non. Comme dans ses précédents romans [1] Holder nous invite chez lui, dans le "trou du cul du monde", un village à l’est de Paris où la glaise colle aux semelles du promeneur. Mais bien vite l’écrivain s’efface devant Claude, l’ami, le confident, enterré de manière incongrue par un jour de grand soleil où "l’air piffait le mariage".
Fidèle à sa retenue, Holder nous prévient. Pas de sentiments. Juste de la curiosité. Pour se mettre dans la bouche de Claude, médecin généraliste, et nous raconter, à la première personne, comment un homme peut être atteint par la guerre (en l’occurrence celle d’Algérie, à peine suggérée), "poigne de main de fer sur la nuque", servitude suprême qui réduit l’homme à néant. La guerre et après ? Une sorte d’impossibilité de s’insérer dans la vraie (vraie ?) vie, de faire comme tout le monde. Une femme, un enfant, des patients. Tout cela existe mais, d’une certaine manière, échappe à Claude. Et lui échappera totalement à partir du jour où il passera le seuil de l’ancienne pension Esterhazy. Crucifié par quelque chose qu’il ne nommera jamais. Paralysé par cette hébétude des "héros" holdériens devant les femmes qu’ils désirent.
Véra. Belle, névrosée, mystérieuse. Hongroise. Spécialiste en courtage ou peut-être en trafic de tableaux. Son père, sa sœur, une domestique française. Claude, bien que vivant physiquement dans leur monde, reste sur la frange, ne cesse de s’interroger, fait désespérément des projets dont il sait dans son for intérieur qu’ils n’aboutiront jamais.
Claude, Véra et les autres. Une histoire de décalage des rapports humains dans une atmosphère légèrement irréaliste où le passé revient par bouffées et où le présent se délite dans des échappées vers la dune du Pyla, les forêts de pins des Landes, l’estuaire de la Gironde et les rues de Bordeaux, avant que n’arrive l’inéluctable puisqu’on le sait dès la première page : Claude a fini sa vie dans la solitude.
Hongroise est un beau roman désenchanté où l’on retrouve la patte de Holder, son style aux dérapages imprévisibles - classique pourtant -, sa pudeur extrême, son don aigu de l’observation et sa vision inquiète de l’existence. Au sommet de son art de faire de l’épais avec de l’impalpable, l’écrivain nous livre une œuvre de maturité solide, consistante, comme pétrie dans la glaise de ces chemins qu’il empruntait pour rendre visite à l’ami dont la trace, grâce à sa plume, restera gravée dans nos mémoires.
Eric Holder, Hongroise, Grasset, 2002, 199 pages, 15 €
[1] L’homme de chevet (1995), Bienvenue parmi nous (1998) et La correspondante (2000), tous publiés chez Flammarion
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