Hijacking - la critique du Prix du Jury Spécial Police de Beaune 2013

Un thriller danois impressionnant, particulièrement remarqué lors de l’édition 2013 du Festival du Film policier de Beaune.

L’argument : En plein océan Indien, le navire danois « MV Rosen » est pris d’assaut par des pirates somaliens qui retiennent en otage l’équipage et réclament une rançon de 15 millions de dollars. Parmi les sept hommes restés à bord, Mikkel, le cuisinier, marié et père d’une petite fille. Prisonnier et affaibli, il se retrouve au cœur d’une négociation entre Peter, le PDG de la compagnie du cargo et les pirates. Pour l’armateur, sauver ses hommes est un devoir. Mais le sang-froid et les millions suffiront-ils à ramener tous ses marins dans leur famille ?

Notre avis : Après des débuts comme scénariste pour la télévision sur les séries The Summers en 2008 et Borgen entre 2009 et 2010, Tobias Lindholm co-écrit avec Thomas Vinterberg Submarino (2010) et La chasse (2012). Il collabore ensuite avec son complice Michael Noer (Northwest) sur le scénario et la réalisation du film carcéral R en 2010. L’enchaînement de toutes ces étapes l’amène naturellement aux commandes de Hijacking, son premier effort en solo.
À l’intérieur, l’occasion nous est donnée de suivre un cargo danois pris en otage au milieu de l’océan indien par des pirates somaliens. Les assaillants réclament plusieurs millions de dollars à la compagnie propriétaire, des négociations complexes et tendues vont alors pouvoir débuter. À bord Mikkel (Pilou Asbaek avec qui le réalisateur a déjà pu collaborer sur R), cuisinier, mari et père de famille, se voit pris dans la tourmente de ce détournement avec quelques-uns de ses compatriotes retenus à ses côtés. À des milliers de kilomètres de là, au Danemark, Peter (Soren Malling) le PDG prend la décision de mener lui-même les tractations malgré les avis opposés d’un expert qui cherche avant tout à rester neutre afin d’éviter de mêler toute notion de culpabilité aux pourparlers.

Le suspense nous ballote entre le cargo aux conditions crasses et précaires et les bureaux chics et aseptisés de la société, un contraste habilement mis en scène à travers les yeux des protagonistes Mikkel et Peter. Ce regard est souligné par un aspect visuel proche du documentaire qui ne fait qu’accentuer davantage le choc des cultures, alors que l’on sent poindre une critique sociale. Par-delà les menaces sur la vie des otages et l’usure des négociations, la tension psychologique ne cesse de gagner en intensité, devenant suffocante, alors que le supplice psychologique décrit est d’une violence insoutenable.

Au sein de l’entreprise, le dilemme est cruel entre ceux, parmi les marins captifs, qui veulent à tout prix revoir leurs familles et les supérieurs hiérarchiques qui eux, ne veulent en aucun cas céder aux sommes astronomiques exigées par les pirates. Autour de ces questions d’argent, l’humanité de chacun ressort tôt ou tard, y compris celle du PDG du haut de sa tour d’ivoire, qui doit lui aussi faire montre d’un peu plus d’états d’âme lorsque la situation se fige et que le personnage central de Mikkel s’effondre devant l’incompréhension des décisions de sa compagnie.
Un lourd sentiment de pessimisme plane lors du dénouement final qui évite le traditionnel "happy end" pour soulever des questions existentielles toujours plus profondes. Porté pour un casting solide jusque dans ses seconds rôles, Hijacking mettra les nerfs des spectateurs à rude épreuve tout en superposant à son intrigue à l’ossature simpliste une approche fine et intelligente. Tobias Lindholm est donc un réalisateur danois à suivre.