Le 13 mars 2021
Adaptation fidèle et très attendue du livre culte de J.G.Ballard, High Rise nous invite dans son univers oppressant et rétrofuturiste. Un trip anti-conventionnel, violent et poétique.
- Réalisateur : Ben Wheatley
- Acteurs : Sienna Miller, Jeremy Irons, Elisabeth Moss, Luke Evans, Tom Hiddleston
- Genre : Drame, Science-fiction
- Nationalité : Britannique
- Distributeur : Universal - StudioCanal
- Durée : 1h59mn
- Date télé : 10 mai 2021 21:00
- Chaîne : Syfy
- Âge : Interdit aux moins de 12 ans
- Date de sortie : 6 avril 2016
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Résumé : 1975. Le docteur Robert Laing, en quête d’anonymat, emménage près de Londres dans un nouvel appartement d’une tour tout juste achevée ; mais il va vite découvrir que ses voisins, obsédés par une étrange rivalité, n’ont pas l’intention de le laisser en paix... Bientôt, il se prend à leur jeu. Et alors qu’il se démène pour faire respecter sa position sociale, ses bonnes manières et sa santé mentale commencent à se détériorer en même temps que l’immeuble : les éclairages et l’ascenseur ne fonctionnent plus mais la fête continue ! L’alcool est devenu la première monnaie d’échange et le sexe la panacée. Ce n’est que bien plus tard que le docteur Laing, assis sur son balcon en train de faire rôtir le chien de l’architecte du quarantième étage, se sent enfin chez lui.
Critique : « Plus tard, installé sur son balcon pour manger le chien, le docteur Laing réfléchit aux événements insolites qui s’étaient déroulés à l’intérieur de la gigantesque tour d’habitation au cours des trois derniers mois ». C’est par ces mots évocateurs que débute le livre I.G.H (1975) de J.G. Ballard, également point de départ du présent film adapté par Ben Weathley (Kill List, Touristes). L’ambiance et le récit du roman étaient faits sur mesure pour le réalisateur anglais : une histoire dérangeante et viscérale dans laquelle les personnages s’engouffrent jusqu’au point de non-retour. High Rise est la troisième adaptation des œuvres de l’écrivain au cinéma. En 1988, Spielberg avait porté à l’écran l’émouvant film de guerre L’empire du soleil avec un Christian Bale encore ado. Puis, David Cronenberg réalisa Crash , qui fit scandale au festival de Cannes en 1996, premier volet de La trilogie de béton de Ballard, dont fait également partie High Rise. Bien que les trois romans composant cette trilogie ne soient pas directement liés, ils sont cimentés par une écriture hyper-descriptive et sensorielle, montrant l’urbanisation et le progrès technique comme source du chaos.
- © The Jokers / Le Pacte
Le film de Ben Wheatley nous fait pénétrer dans un univers dystopique, où la tour d’habitations est le projet d’un architecte visionnaire assoiffé par la perfection. Les étages correspondent à une hiérarchisation de la société où la « petite » classe moyenne réside dans le bas de la tour, tandis que la classe moyenne supérieure et l’élite occupent le sommet. Cette organisation n’est pas sans rappeler celle du train dans le surprenant Snowpiercer. Cependant, la mise en scène de la lutte des classes est ici diamétralement opposée. High Rise est un conte sur le matérialisme qui dérive rapidement hors de contrôle et la réalisation souligne cette dépendance de l’homme vis-à-vis de son environnement. Comme évoqué dans une scène, sa plus grande angoisse est de vivre sans ses objets accumulés au quotidien. En écho à la société de consommation développée dans les années 70, époque où se déroule l’histoire, les objets amassés sont des symboles de richesse servant à établir des relations sociales artificielles avec ses voisins. Apparences, conformisme et impeccabilité sont devenus les leitmotivs au sein de l’immeuble, où il n’est pas toléré de rêver à contre-courant.
Le talent de Wheatley est d’immiscer un climat pesant avec les prémices d’une décadence inéluctable. Il nous présente une carte postale de rêve qui vire peu à peu au cauchemar. Les rouages de cette mécanique bien huilée vacillent progressivement et plonge les habitants dans un effondrement des valeurs humaines et sociétales. Cette dégringolade se ressent parfaitement dans le jeu des acteurs. Tous avides et frustrés, ils cherchent à combler leur manque matériel, sexuel ou de pouvoir, et se rapprochent au de leur instinct primitif. Ce processus de déshumanisation est habilement intégré, provoquant volontairement le malaise chez le spectateur.
- © The Jokers / Le Pacte
L’immeuble idéalisé emprunte à la fois à l’esthétique fantasmagorique et bétonnée de Brazil , aussi bien qu’à l’urbanisme rétrofuturiste de Metropolis. La tour de béton entourée de parkings remplis de carrosseries flambant neuves, voit son apparence se détériorer au sens propre et figuré. On a comme l’impression d’arpenter les couloirs d’un esprit malade perdant peu à peu la raison. Cependant, malgré la destruction des rapports humains et la saleté grandissante, les faux-semblants sont de rigueur. Le plus important est de continuer à faire la fête, sans admettre les dysfonctionnements apparaissant dans leur univers idéalisé. En tant que spectateur, ce qui déstabilise le plus est de ne pas voir les habitants affectés par la violence, suggérée la plupart du temps, qui les entoure. Rien n’empêche un personnage de manger calmement des céréales, tout en regardant des individus se rouer de coups pour les derniers produits du supermarché.
- © The Jokers / Le Pacte
Évidement, il est impossible de ne pas évoquer le rôle primordial de la musique omniprésente et obsessionnelle. C’est surtout l’occasion de retrouver le compositeur Clint Mansell dont la célèbre mélodie de Requiem for a Dream, maintes fois empruntée depuis, résonne encore dans nos souvenirs. Dans High Rise, elle se fait de plus en plus oppressante, accompagnée par un montage asphyxiant nous prenant en tenaille jusqu’au dénouement. Le groupe anglais Portishead livre également une reprise entêtante du tube SOS d’ABBA, parfaite métaphore d’un lieu en décrépitude.
Cette adaptation de Ballard reste donc entièrement fidèle au livre, notamment grâce à la mise en scène épurée et dérangeante d’une société dystopique. Le film marquera sûrement les esprits et divisera potentiellement les avis de par son apparence non conventionnelle. High Rise est certainement l’œuvre de Ben Wheatley la plus aboutie à ce jour, joignant habilement une hostilité insidieuse à une poésie fantasmagorique.
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