Le 1er septembre 2023
Ce film rare d’une réalisatrice américaine méconnue est un document intéressant sur l’immigration russe israélite aux États-Unis, et le portrait attachant d’un couple en conflit culturel, avec une interprétation éblouissante de Carol Kane.
- Réalisateur : Joan Micklin Silver
- Acteurs : Doris Roberts, Steven Keats, Lin Shaye, Carol Kane, Ed Crowley, Joanna Merlin, Dorrie Kavanaugh, Stephen Strimpell, Mel Howard
- Genre : Drame, Romance, Noir et blanc
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Splendor Films
- Durée : 1h31mn
- Reprise: 13 septembre 2023
- Date de sortie : 15 octobre 1975
- Festival : Festival de Cannes 2020
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Résumé : Hester Street, New-York, 1896. Jake, juif immigré, a quitté la Russie il y a trois ans, laissant derrière lui son épouse Gitl et leur petit garçon. Travaillant dans un atelier de couture et fréquentant la belle Mamie, il fait tout pour s’intégrer. Installé, il peut désormais faire venir femme et enfant. Mais Gitl, attachée aux traditions orthodoxes, est déroutée par cette nouvelle vie…
Critique : Hester Street est le premier long métrage de la réalisatrice américaine Joan Mickin Silver (1935-2020). Auparavant, elle avait signé deux courts métrages. Par la suite, sa carrière s’est surtout déroulée à la télévision, jusqu’en 2003. Récit de la désagrégation d’un couple de russes juifs immigrés à New York à la fin du XIXe siècle, Hester Street frappe par sa volonté de concilier réalisme et drame romanesque, avec un sens de l’épure narrative et de l’ascèse formelle (noir et blanc sobre, choix esthétique de plus en plus rare à partir des années 1970). Adapté d’un roman d’Abraham Caham, le scénario, écrit par la cinéaste, a en partie une trame documentaire, lorsqu’il décrit l’arrivée des migrants à New York, mais aussi lorsqu’il se réfère aux rituels religieux ou aux scènes du quotidien (la visite des marchés). Sans lorgner vers la reconstitution historique méticuleuse et stérile, Joan Mickin Silver captive par ses talents de conteuse cherchant à faire revivre les déboires des migrants. On songe à d’autres films américains ayant abordé ce thème, de America, America d’Elia Kazan à The Immigrant de James Gray, en passant par Les émigrants de Jan Troell, d’après l’œuvre de Vilhelm Moberg.
- © Splendor Films
L’intérêt de Hester Street réside aussi dans le subtil portrait d’un couple, puisque Gitl, l’épouse (Carol Kane), arrive sur le continent américain quelques années après Jake, son mari (Steven Keats), et qu’un fossé culturel et sentimental s’est creusé entre eux. Lui a vite pris ses distances avec le rigorisme de sa pratique religieuse (et des traditions russes) pour s’accommoder de la liberté de mœurs (relative, certes) possible sur le nouveau continent. Sa maîtresse Mamie (Dorrie Kavanaugh) lui procure un repos du guerrier qu’il estime mérité, après des journées de labeur dans un atelier de couture où il est exploité par un compatriote. Au contraire de son colocataire Bernstein (Mel Howard), érudit et mesuré, Jake souhaite intégrer, en l’adaptant à ses désirs, les délices de l’american way of life. Parlant essentiellement hébreu et d’un tempérament plutôt timide, Gitl ne reconnaît pas son conjoint, refuse d’être coiffée les cheveux à l’air, et peine à retrouver l’estime et l’amour de son époux.
- © Splendor Films
On ne saurait parler de film féministe, car la jeune femme ne cherche pas vraiment une émancipation, quand le père de son enfant aimerait qu’elle soit davantage épanouie et ouverte aux possibilités offertes par le pays d’accueil. Pour autant, il se révèle particulièrement goujat à son égard. Modeste et sans effet ostensible, la mise en scène est au service de l’histoire, sans fournir pour autant au métrage une tonalité académique. Certes, le cinéma de Joan Mickin Silver n’est peut-être pas aussi fort que celui d’autres réalisatrices redécouvertes récemment (comme Mai Zetterling) ou dont on connaissait le talent (Barbara Loden), mais ce premier long laissait espérer une carrière fructueuse, ce qui n’a pas été le cas. Hester Street doit en outre beaucoup au jeu de ses interprètes dont Carol Kane, qui fut nommée à l’Oscar de la meilleure actrice, mais fut battue par Louise Fletcher dans Vol au-dessus d’un nid de coucou. Auparavant, elle avait été remarquée chez Mike Nichols, Hal Ashby et Sidney Lumet. Seul Woody Allen saura ensuite la diriger avec brio (dans Annie Hall, avant qu’elle ne tourne essentiellement pour le petit écran.
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