Le classique des films de tueurs en série
Le 10 avril 2014
Une invitation à passer quelques jours dans la vie d’un tueur en série devenue une œuvre majeure qui a complètement redéfini les règles du cinéma d’horreur, entre cinéma vérité et onirisme malade.
- Réalisateur : John McNaughton
- Acteurs : Michael Rooker, Tracy Arnold, Tom Towles
- Genre : Épouvante-horreur
- Nationalité : Américain
- Editeur vidéo : Filmedia
- Durée : 80 mn
- Titre original : Henry : Portrait of a Serial Killer
- Date de sortie : 6 février 1991
- Plus d'informations : Histoire du Polar au cinéma
L'a vu
Veut le voir
Sortie DVD édition collector : le 8 avril 2014
Une invitation à passer quelques jours dans la vie d’un tueur en série devenue une œuvre majeure qui a complètement redéfini les règles du cinéma d’horreur, entre cinéma vérité et onirisme malade.
L’argument : Hanté par une enfance martyre, Henry Lee Lucas tue, la seule manière pour lui de se libérer de ses démons. Avec la complicité de Ottis Toole, un autre tueur en série, et de Becky Powell, sa maîtresse, il écume les routes des États-Unis, choisissant ses victimes au hasard. Une équipée sauvage et sanglante restée unique dans les annales du crime.
Droits réservés
Notre avis : Contrairement à ce que l’argument laisserait paraître, Henry : portrait d’un tueur en série n’est pas une retranscription fidèle des méfaits et actes commis par Henry Lee Lucas et Ottis Toole. Bien sûr, ces meurtriers en ont inspiré la trame et l’on retrouve beaucoup de points communs biographiques mais la réalité fut toute autre, et même bien pire que ce que l’on peut voir dans le film car les pratiques incluaient la nécrophilie, le cannibalisme ou la zoophilie. La force du film de John McNaughton est justement de jouer de l’ellipse ou de la suggestion, d’en montrer le moins possible pour mieux nous faire ressentir l’horreur. Avec ce long métrage, il offrait non seulement une des représentations les plus puissantes d’un serial killer à l’écran, au même titre que Le Voyeur de Michael Powell et Schizophrenia de Gerald Kargl, mais il créait aussi une nouvelle approche du cinéma d’épouvante, empruntant autant au cinéma-vérité qu’à des courants plus artistiques comme dans ces présentations de cadavres tels des mannequins mis en scène dans des tableaux évoquant les installations d’art contemporain (les œuvres macabres d’Edward Kienholz viennent à l’esprit) ou les photographies de scènes de crime. À cela s’ajoute une des plus belles et terrifiantes partitions musicales du genre, faites de notes entêtantes de piano, de percussions martiales imitant des coups de feu et de samples où se mêlent les cris des victimes transformés par des filtres les rendant presque irréels. Cette approche glaçante est mise en évidence dès l’introduction. Le corps d’une femme tuée est mis en parallèle avec une cigarette qu’Henry écrase dans un cendrier. Cette analogie terrible et troublante nous montre quelle valeur l’assassin porte à ses victimes, son absence absolue d’empathie. Avec son atmosphère maîtrisée de bout en bout, ses performances hantées et son style unique, John McNaughton tapait fort avec ce premier film qui reste à ce jour sa plus grande réussite.
Droits réservés
Filmé à l’hiver 1985-86, ce film a été une aubaine. McNaughton avait réalisé un documentaire pour la compagnie des frères Ali, Maljack Productions, Dealers in Death en 1984. Ce dernier avait été composé à partir d’images libres de droit et traitait du gangstérisme dans le Chicago des années 30. Suite à cela, la boîte souhaite produire un autre documentaire dans le même style sur le catch. Mais l’achat d’images se révélant plus onéreux que prévu, les deux frères décident d’abandonner et de se lancer dans un film d’horreur car c’est un genre qui marche toujours. Ils proposent alors une somme de 100 000 dollars à McNaughton pour qu’il réalise ce projet. Le budget étant tout de même restreint, le jeune réalisateur décide de créer une œuvre d’un nouveau genre. Il a la révélation en voyant un documentaire sur Henry Lee Lucas où l’on peut entendre les confessions du criminel. McNaughton s’associe à Richard Fire pour l’écriture. Dans ce film à venir, le monstre sera bien réel, beaucoup de scènes seront tournées en extérieur et les images seront d’un réalisme jamais vu jusqu’alors. Le tournage se fait en vingt-huit jours. Les amis sont conviés pour faire de la figuration. Les acteurs viennent pour la plupart du théâtre et l’action se déroule pour l’essentiel dans les quartiers pauvres de Chicago. Un des grands atouts du film est d’ailleurs d’avoir su retranscrire ce milieu prolétaire et ces personnes que l’on nomme white trash. Ils vivent dans des appartements sordides, passent leur temps en buvant des bières et en regardant un vieux téléviseur. Otis (orthographié avec un seul T dans le film) travaille dans une station service et revend de la drogue pour arrondir les fins de mois. Becky sa soeur (sa nièce en fait dans la réalité) cherche un emploi alors qu’Henry extermine des cafards. Ce sont des vies sans éclats et bien plus proche du quotidien des tueurs en série que les portraits plus glamour arrivés par la suite avec Le silence des agneaux notamment.
Droits réservés
Henry : portait d’un tueur en série se propose donc de nous montrer une semaine dans la vie d’un psychopathe. Le récit démarre in medias res et n’a pas vraiment de fin. Tout est en cours. Il y a un avant et un après. Des victimes ont précédé ce métrage et d’autres lui succèderont. Michael Rooker incarne totalement ce personnage. Il est Henry. Son regard est d’une froideur absolue, son visage fermé, sa voix douce, ses mouvements ceux d’un animal. Il dégage étrangement une forte sensualité de par son aspect insondable, une dimension attractive bien éloignée du physique du vrai Henry Lee Lucas. Comme lui, il a eu un père cul-de-jatte et a été abusé par sa mère, une prostituée qui le forçait à assister à ses ébats. Elle lui faisait aussi porter des vêtements féminins. Mais quand il évoque son meurtre à Betty, il ne se souvient plus vraiment avec quelle arme il l’a achevée. Cela prouve encore la valeur qu’a l’humain à ses yeux. Aucune. Le film n’explique d’ailleurs en rien ses actes. Henry tue, c’est tout. Il doit le faire. Le plaisir semble souvent absent, alors que pour Otis, joué brillamment par Tom Towles, l’excitation sexuelle s’allie aux actes meurtriers. Si la présence de Henry peut se faire féline, celle d’Otis est plus proche du singe. Profondément pervers, ce bisexuel ira jusqu’à violer sa propre sœur. On le voit prendre son pied en regardant les vidéos faites avec son caméscope et, comme dans la réalité, Otis se révèle plus que légèrement attardé, ce qui le rend d’autant plus dangereux. Le film touche donc à la fois au portrait de criminels fous dans un environnement urbain, dans la lignée de Maniac par exemple, mais y ajoute aussi des idées totalement novatrices. Une des scènes les plus dérangeantes force le spectateur malgré lui à assister aux exploits terribles filmés par les criminels alors qu’ils massacrent une famille innocente (le réalisateur avoue dans les bonus s’être inspiré du roman Dragon Rouge de Thomas Harris). Ce procédé sera repris par Michael Haneke plus tard dans ses longs métrages les plus glaçants, Benny’s Video et Funny Games.
Droits réservés
Il ne s’agit donc pas là d’un simple film d’horreur mais, comme son titre l’indique, d’un portrait au sens documentaire du terme de Henry et des deux personnages qui vont partager sa vie pendant cette semaine. Cette option, sûrement héritée du théâtre et des unités de temps et de lieu, apporte du coup une dimension supplémentaire au film, presque irréelle et coupée du monde. Les forces de police ne semblent pas exister, tout comme les victimes sont objectifiées. Le travail sur le son est encore important ici, les voix sont ralenties, passées à l’envers, comme transformées par le prisme d’esprits malades. Les victimes sont ici des enveloppes vides que nous ne pouvons observer qu’avec horreur. Le film ne vaut donc pas pour ses scènes gore aux effets un peu cheap et grand-guignolesques mais pour sa complexité formelle et stylistique. Le spectateur devient tour à tour complice ou voyeur, tout en se mettant dans la peau d’une victime potentielle, figée d’effroi face au regard menaçant de Michael Rooker. Henry c’est donc tout cela à la fois et c’est surtout une autre vision du cinéma, on pourra d’ailleurs se casser la tête à trouver des films qui dégagent la même puissance. D’emblée, les critiques seront d’ailleurs dithyrambiques, certains parlant de "chef d’œuvre" ou de "tour de force". Malgré cela, le film sera menacé du classement X et sera bloqué plusieurs années avant de pouvoir enfin sortir en salles au début des années 90 et d’obtenir le statut culte et le succès qu’on lui connaît. Une "suite" sera d’ailleurs réalisée par Chuck Parello en 1996.
Le DVD
Une édition double DVD passionnante et archi complète.
Les suppléments
Le nombre de supplément de cette édition collector est juste impressionnant. On trouve d’abord un making of de 52 minutes passionnant où toute l’équipe du film est conviée. On y découvre des scènes rejetées, dont une séquence d’enlacement amoureux entre Henry et Otis, ainsi qu’une autre constituée d’une tentative de viol sur Becky par un intrus qui pénètre dans l’appartement. Jugées excessives, elles ont été exclues du montage final. On trouve également deux interviews de John McNaughton, une de 34 minutes et l’autre de 22 minutes. La première est particulièrement intéressante car il revient sur son parcours, son enfance et son approche du cinéma. La seconde répète certains faits déjà mentionnés dans les autres documentaires mais certaines réflexions quant au film sont éclairantes. Un autre bonus fait l’état des lieux en 15 minutes quant à la censure du film en Grande-Bretagne. Les superbes dessins du storyboard sont présentés dans une section de 5 minutes. Puis on en vient aux serial killers Henry Lee Lucas et Ottis Toole, avec un documentaire de 28 minutes sur le premier, des rushes d’interview entre Stéphane Bourgouin et Ottis Toole (7 minutes) et pour finir une interview passionnante de Stéphane Bourgoin, le spécialiste des tueurs en série (30 minutes). Bref, même si ces documents étaient présents sur de précédentes éditions DVD, ils se justifient tous ici. À cela, vous ajoutez la bande annonce et des biographies de John McNaughton, Michael Rooker et Stéphane Bourgouin, et vous obtenez une édition double DVD irréprochable.
Image
Le passage au DVD pourrait faire peur pour un tel film mais le grain est toujours là et il participe entièrement à l’atmosphère du film tourné en 16 mm. Le format est du 1.33, 16/9 compatible 4/3.
Son
Le son à l’origine était en mono. On garde ici la même qualité sonore. Le travail sur les samples et bruitages n’en est pas moins fascinant et on se laisse envoûter par ce thème musical à la fois tragique et glaçant, mêlant synthétiseurs atmosphériques, notes de piano minimalistes, percussions crépusculaires et soupirs menaçants. Le film, quant à lui, est visible en version française ou en version originale sous-titrée, bien mieux pour se laisser envoûtant par l’accent sudiste et le timbre très bas de Michael Rooker
Galerie Photos
Le choix du rédacteur
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.