Frère et soeur
Le 14 mars 2013
Helma Sanders-Brahms trouve dans la biographie éclatée de Kleist le matériau romanesque qui lui permet de réaliser son film le plus abouti.
- Réalisateur : Helma Sanders-Brahms
- Acteurs : Heinz Hoenig, Heinrich Giskes, Grischa Huber, Hannelore Hoger, Lina Carstens
- Genre : Drame, Historique
- Nationalité : Allemand
- Durée : 2h08mn (DVD)
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– Tournage du 20 mai au 14 juin 1976 à Berlin, Paris, Lac de Brienz, Iselt Waldt (Suisse), Werder, Löcknitz (RDA).
– Festival de Cannes : 17 mai 1977, Cannes (Les Yeux Fertiles)
– Sortie en Allemagne : 14 octobre 1977
Helma Sanders-Brahms trouve dans la biographie éclatée de Kleist le matériau romanesque qui lui permet de réaliser son film le plus abouti.
L’argument : Tout au long de sa brève existence, l’écrivain allemand Heinrich von Kleist incarna au plus haut point la figure de l’insoumis. Après une jeunesse passée sous l’uniforme prussien, il quitte la carrière des armes à laquelle le prédestine sa naissance et se tourne vers l’écriture. Oeuvrant sans relâche pour surmonter, dans sa vie et dans son art, les déchirements de son âme tourmentée, cet éternel insatisfait se suicide à l’âge de 34 ans. (Programme de la rétrospective Helma Sanders-Brahms, Paris Cinéma 2005)
Notre avis : Bien que réalisé à l’occasion du bicentenaire de la naissance de Heinrich von Kleist, né en 1777, le film de Helma Sanders Brahms n’a rien d’une biographie commémorative solennelle et empesée à laquelle ne se prêtait d’ailleurs guère la figure de cet éternel inquiet, épris de mathématique, hanté par l’absolu, excessif dans la douceur comme dans la violence et poussant dans ses textes les mécanismes du langage et du raisonnement dans leurs derniers retranchements.
- Heinrich (Sanders-Brahms 1976/77)
La cinéaste, qui avait déjà adapté pour la télévision, en 1974, la nouvelle Das Erdbeben in Chili / Le tremblement de terre au Chili déclarait avoir été fascinée par cet homme : il a été la première personne à laquelle j’ai pu m’identifier. (…) Je m’en sentais proche parce qu’il a vécu sa création dans des conditions historiques semblables aux miennes, parce que j’ai le même désir d’absolu, de perfection. (extrait du programme de la rétrospective de 2005 dans le cadre de Paris Cinéma)
Ouvrant et concluant son film par le suicide de l’écrivain, soigneusement préparé et mis en scène le 21 novembre 1811 dans une clairière aux abords du Wannsee, elle s’appuie sur sa correspondance et des citations de son oeuvre pour esquisser un portrait rétrospectif en forme de puzzle dont elle accentue le caractère fragmentaire et discontinu en bousculant la chronologie et en soulignant les artifices de sa mise en scène plutôt que de tenter de les masquer.
- Grischa Huber et Heinrich Giskes dans Heinrich (Sanders-Brahms 1976/77)
Assistée du grand chef opérateur Thomas Mauch elle s’inspire de Caspar David Friedrich et d’autres peintre allemands du début du XIXème siècle pour composer de frémissants tableaux vivants en vastes extérieurs (Heinrich et son ami égarés sur le champ de bataille jonché de cadavres) ou en intérieurs éclairés à la bougie (comme l’avaient fait peu avant Rohmer et Almendros dans La Marquise d’O, tiré également d’une nouvelle de Kleist, rappelons-le).
- Heinz Hoenig dans Heinrich (Sanders-Brahms 1976/77)
Elle fait résonner, en voix off à peine audible, des passages de Penthésilée comme si la pièce s’écrivait dans la tête du protagoniste occupé pourtant à autre chose, et fait dire sous forme de dialogue des textes souvent conçus pour être lus en obtenant de ses acteurs un jeu à la fois distancié et fébrile, au bord du ridicule, de la pose et de l’auto-ironie, qui fait ressortir l’inadaptation au monde de leurs personnages tentant maladroitement de se conformer au jeu de rôles social.
- Heinrich Giskes dans Heinrich (Sanders-Brahms 1976/77)
Heinrich Giske est, avec son grand corps gauche, un Heinrich désarmant de fragilité, à la fois exalté et réflechi. Grischa Huber fait de la soeur adorée Ulrike*, souvent en habit masculins (notamment lors du voyage dans le Paris révolutionnaire), une fascinante figure androgyne dont l’indécision sexuelle est mise en avant par la cinéaste tout comme les élans amoureux de Kleist pour son ami Ernst von Pfuel (Heinz Hoenig).
Alors que ses autres films, souvent admirables pourtant, souffrent par moments d’une certaine raideur démonstrative, Helma Sanders-Brahms est parvenue ici à articuler de la manière la plus heureuse, et la plus stimulante, un matériau intensément romanesque à sa réflexion politique, intime, poétique.
- Heinrich Giskes dans Heinrich (Helma Sanders-Brahms 1976/77)
*Dans le texte théâtral Ulrike Mondzeit – Neonzeit, monté en 1998 avec l’actrice Eva Mattes, Helma Sanders-Brahms confrontera les parcours de Ulrike von Kleist et de Ulrike Meinhof.
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