Have a nice day - la critique du film

Notre avis : Le cinéma indépendant chinois peine de plus en plus à se frayer un chemin dans sa production nationale tant le désir de la République Populaire de concurrencer les blockbusters américains (qui connaissent un succès sans précédent sur son territoire) est important. C’est l’une des raisons pour lesquelles Have a nice day, second long-métrage du réalisateur Liu Jian, fut interdit de projection au Festival d’Annecy de 2017 sur ordre du gouvernement. Pourtant, fort de son passage dans la compétition officielle de la 67ème Berlinale (où il fut salué par la critique et le public), le film arrive ce mois de juin sur les écrans français. Ce film d’animation singulier, narrant la course de divers malfrats après un sac rempli d’argent, revisite audacieusement les codes du film de gangster… et de l’animation.

® 2017 Nezha Bros Pictures Company Limited, Le-joy Animation Studio

Le sujet est simple et commun à nombre de films du genre : Xiao Zhang est convoyeur pour Oncle Liu, un mafieux très calme mais pas tendre, qui n’hésite pas à vous mettre la gueule en sang si vous contrariez ses plans. Qu’à cela ne tienne, Xiao Zhang trahit son patron et s’enfuit avec l’argent dans l’espoir que la somme dérobée pourra financer la chirurgie réparatrice dont sa sœur a besoin. Mais c’était sans compter sur la menace de Skinny, un tueur à gages engagé par Oncle Liu pour récupérer le sac volé, ni sur un petit couple de commerçants, Yellow Eyes et Second Sister, bandits à leurs heures perdues. Ajoutez à cela le découpage du film en quatre chapitres et vous obtiendrez la structure la plus classique et la plus efficace pour un film de brigands. L’originalité et l’innovation se jouent, elles, dans l’utilisation même de la technique de l’animation et dans l’esthétique visuelle générale de l’œuvre.

Dès les premiers plans de Have a nice day, le spectateur est dans le bain : la petite ville du sud de la Chine gangrené par le grand banditisme et la soif de l’argent facile apparaît sous son jour le plus sombre. Le soir tombe, puis la nuit qui verra se dérouler tout le récit, échelonné sur quelques heures dans le temps diégétique. Liu Jian privilégie de fait les couleurs froides, du bleu au gris en passant par le noir. Les personnages ont le teint pâle comme des cadavres, tout ressemble à une ville fantôme, des bâtiments aux habitants en passant par l’asphalte défoncé et les chantiers publics.

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® 2017 Nezha Bros Pictures Company Limited, Le-joy Animation Studio

Si l’animation est l’art de la mise en mouvement, le mouvement brille ici par sa pudeur, sa quasi-absence, laissant la musique, les voix se substituer à lui durant de longs plans fixes. C’est là que le terme Audiovisuel prend tout son sens : ici, c’est le son (l’audio) qui appelle le mouvement des images (le visuel). La courte durée du film, 1h17, passe bien aux yeux du spectateur, car malgré un rythme lent (qui en rebutera sans doute quelques-uns), le récit, la tension, le suspense, ne s’arrêtent jamais.
Audacieux et original, riche de partis pris artistiques et esthétiques clairs et assumés, Have a nice day prouve une fois encore que le cinéma chinois, aussi indépendant qu’il soit, n’a pas fini de nous surprendre.