Sans foi ni loi
Le 15 janvier 2011
Un western urbain sombre et socialement engagé, mené de front par un Michael Caine magistral.
- Réalisateur : Daniel Barber
- Acteurs : Michael Caine, Emily Mortimer, Charlie Creed-Miles
- Genre : Thriller
- Nationalité : Britannique
- Date de sortie : 12 janvier 2011
– Durée : 1h43min
– Année de production : 2009
Un western urbain sombre et socialement engagé, mené de front par un Michael Caine magistral.
L’argument : Ancien marine à la retraite, Harry Brown vit dans un quartier difficile de Londres. Témoin de la violence quotidienne engendrée par les trafics de toute sorte, il évite soigneusement toute confrontation et invite son vieil ami Leonard à en faire de même. Le jour où l’inspectrice Frampton lui annonce le meurtre de Leonard, Harry, dévasté, ne peut que constater l’impuissance de la police. Un soir, en rentrant du pub, il se retrouve face à un junkie qui le menace d’un couteau. Malgré les effets de l’alcool, Harry retrouve d’anciens réflexes.
Notre avis : Harry Brown est un ancien Marine mais cette vie-là est derrière lui : il a décidé qu’il ne se servirait plus jamais d’une arme. Harry Brown, c’est aussi Michael Caine au top de sa forme. Impérial et fier, ne laissant pas transparaître expressément les émotions de son personnage. L’acteur s’introduit sans peine dans l’univers urbain, sombre et violent qui définit le film. Et c’est là tout le paradoxe ; alors qu’Harry Brown traite de la violence des banlieues en Angleterre, le personnage principal se démarque de son environnement par une tenue toujours tirée à quatre épingles. Pourtant, il se fond dans le décor par une démarche féline et une hargne qui va ressortir malgré tout, malgré lui.
- © Marv Films
Harry Brown, c’est le Clint Eastwood de l’Angleterre. Un cow-boy solitaire qui se bat pour ses valeurs et faire régner la justice. Mais il n’est pas un super-héros ; ses failles transparaissent. Le doute l’envahit en permanence, écartelé entre ses convictions pacifistes et le contexte destructeur dans lequel il évolue. Pendant quelque temps, il ne sait que faire pour régler ses angoisses. Et lorsqu’il les transcende, cela fait mal. Très mal. Daniel Barber filme Michael Caine en plans américains face à ses ennemis. Les mains sur les poches, son regard agit comme des balles. Sans attache et volontaire, ce personnage a tout des héros de Sergio Leone.
- © Marv Films
Cette violence omniprésente dans Harry Brown s’inscrit dans une réflexion politique et sociale contemporaine. Que l’on soit anglais ou non, les évènements décrits dans le long-métrage (guerre de gangs) rappellent inévitablement notre actualité. Difficile de savoir ce que défend le cinéaste : la lutte armée est-elle la seule solution ? Le recul d’opinion du héros nous invite spontanément à répondre oui. Mais il n’en n’est pas heureux ; ce choix est fait à contrecœur. Que comprendre alors ? Si cette valse hésitation peut agacer, le procédé a le mérite de laisser le spectateur libre d’interpréter les évènements comme il le souhaite. Evidemment, Harry Brown ne laisse pas indemne. Parce qu’il est puissamment ancré dans la réalité. Parce qu’il nous met face à des faits que l’on ne veut ou ne peut pas toujours voir ou accepter. Parce qu’il est réussi.
- © Marv Films
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Sébastien Schreurs 8 septembre 2012
Harry Brown - La critique
« Justice est faite »
Récemment veuf, la vie de Harry Brown (retraité de l’armée) n’est plus rythmée que par les parties d’échecs partagées avec son meilleur ami, seules réjouissances qui le retiennent sur Terre. Quand il apprend que de jeunes délinquants de la cité l’ont sauvagement abattu, son sang ne fait qu’un tour, si bien qu’il se décide de mettre à feu et à sang le quartier général de cette racaille...
La référence à "Un justicier dans la ville" vient directement à l’esprit, mais de manière plus nuancée en la focalisant sur cet homme au bout du rouleau, rebuté par l’inertie des forces de l’ordre. D’autant plus que cette fiction est tout à fait ancrée dans la réalité sociale que connaît l’Angleterre depuis quelques années déjà, traitée tacitement dans "Eden Lake" et anticipée dans le cultissime "Orange mécanique" (avec la scène dans le tunnel qui est une marque de révérence à Stanley Kubrick). "Harry Brown" marque le retour au premier plan de Michael Caine, à la présence écrasante comme à l’époque du "Limier" ou de "Get Carter", avec lequel il est impossible de ne pas faire le rapprochement. L’action de ce western urbain est menée tambour battant par Daniel Barber, dont c’est le premier film, qui ne craint pas le parti pris d’une représentation très manichéenne des personnages, quelque peu tempérée par l’inspecteur de police (campée par l’attachante Emily Mortimer, vue dans "Shutter Island" qui a flairé l’imposture de Harry Brown mais qui le préserve par commisération. Soyons clair, son propos va à l’encontre d’une certaine morale éthique tolérée par notre société, ici, l’auto-justice. Mais, de même que "A vif" ou "Gran Torino" récemment, il possède, en plus de ses qualités cinématographiques, une liberté de ton courageuse (car osée) face aux incompétences institutionnelles de l’État (ici, la justice). Vous l’aurez compris, "Harry Brown" a le mérite de déranger pertinemment ceux qui ne l’interpréteront pas au pied de la lettre, d’autant plus que ce vigilantisme est dû à un citoyen respectable (mais usé par la vie).