Harcelés

Un thriller domestique subtil et rondement mené pour traiter du racisme des Noirs envers les Blancs aux Etats-Unis.

L’argument : Chris et Lisa, un jeune couple mixte, emménage dans leur nouvelle maison de Lakeview Terrace, un joli quartier résidentiel de Los Angeles. Leur voisin, Abel Turner, est un flic noir qui élève tout seul ses deux enfants. Apparemment sans histoire, ce raciste insoupçonnable va bientôt faire de leur vie un enfer.

Notre avis : Dès les premières images de Harcelés, Neil LaBute (Nurse Betty, Entre amis & voisins) donne le ton : surprise et malaise autour d’une réalité à laquelle on n’est pas souvent confronté. Du moins au cinéma et ailleurs qu’aux Etats-Unis. Harcelés décline dans un thriller domestique l’un des nombreux visages de l’Amérique multiraciale : ces Noirs qui détestent les Blancs. Les Afro-Américains, principales victimes du racisme, peuvent s’avérer aussi teigneux que leurs bourreaux habituels. Constat évident - rien ne ressemble plus à un raciste qu’un autre raciste - mais qui mérite d’être souligné. Harcelés le fait admirablement bien en utilisant les codes classiques du thriller. Dans la résidence de Lakeview Terrace, le malaise s’installe progressivement entre Abel Turner, le policier noir, et le couple formé par Chris (Patrick Wilson est charmant) et Lisa (Kerry Washigton), ses nouveaux voisins. Chris est Blanc et Lisa est Noire.
Les petites insinuations aux connotations racistes d’Abel, le spot dirigé toute la nuit sur la chambre à coucher de ces nouveaux voisins, vont très vite faire place à une animosité qui se manifeste dans les actes. Les manœuvres d’Abel, incarné par Samuel L. Jackson, sont d’autant plus vicieuses qu’il est un représentant de la loi et qu’il s’est érigé en gardien de sa résidence. Le racisme du policier ne se résume pas seulement à des siècles de domination blanche et aux frustrations inhérentes partagées par l’ensemble d’une communauté, il prend aussi racine dans son vécu personnel.
On apprécie de découvrir cette fiction, produite entre autres par Will Smith, qui dépeint le courage qu’il faut encore aux Etats-Unis pour assumer un mariage interracial Noir - Blanc. Les pressions sont aussi bien familiales qu’externes. On se délecte de ce thriller de presque deux heures qui s’installe, s’étoffe et s’offre une véritable explosion finale. La dégradation de la situation entre les voisins n’est pas une surprise, mais elle évolue subtilement. Harcelés puise son originalité dans la façon dont Neil LaBute aborde un fait sociétal. On se réjouit alors de l’épaisseur du scénario, de la psychologie marquée des personnages justement campés et de la fluidité de la réalisation de Neil LaBute. Révélateur, divertissant et savamment distillé, Harcelés mérite bien un détour dans les salles obscures.