Un kilomètre à pieds, ça use, ça use
Le 22 mars 2015
Un "film de route" allègre et virtuose dont l’humour doucement absurde et la joyeuse légèreté savent laisser place à une fugace mélancolie. La quintessence du style Shimizu, tout près de Tati ou de Barnet.
- Réalisateur : Hiroshi Shimizu
- Acteurs : Chishū Ryū, Shuji Sano, Shin’ichi Himori, Tomio Aoki (Tokkan Kozō), Yoshiko Tsubouchi, Kenji Ôyama, Toshiaki Konoe
- Genre : Comédie
- Nationalité : Japonais
- Durée : 1h04mn
- Titre original : 花形選手 (Hanagata senshu)
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– Sortie au Japon : 9 octobre 1937
Un "film de route" allègre et virtuose dont l’humour doucement absurde et la joyeuse légèreté savent laisser place à une fugace mélancolie. La quintessence du style Shimizu, tout près de Tati ou de Barnet.
L’argument : Un peloton de cadets parcourt la campagne japonaise pendant deux jours d’étés, s’arrêtant dans une auberge pour la nuit.
Notre avis : Malgré un contexte propice à la glorification des valeurs militaires et au discours nationaliste (rappellons qu’en juin 1937 l’armée japonaise envahit la Chine septentrionale) cette comédie montrant un peloton d’étudiants en uniformes patrouillant dans la campagne un weekend d’été ne laisse guère de place à l’emphase martiale et à l’édification. Les soldats qu’on y voit défiler sur les routes en chantant, se reposer dans l’herbe à l’ombre des arbres ou s’amuser le soir dans une auberge ressemblent plutôt à de sympathiques boy-scouts attardés et un peu turbulents qu’à de féroces guerriers.
- SHIMIZU Hiroshi - 1937 - 花形選手 - Hanagata senshu
- SHIMIZU Hiroshi - 1937 - 花形選手 - Hanagata senshu
En s’attachant aux pérégrinations et aux incidents de parcours rencontrés par ce groupe mené par un capitaine un peu rondelet et bonhomme (Kenji Ôyama), Hiroshi Shimizu et ses scénaristes (Tokubei Kujiraya et Masao Arata) nous convient, au fil de plusieurs épisodes plus ou moins autonomes, à une espèce d’allègre road movie choral mais privilégient néanmoins deux duos d’amis, l’un franchement comique, style Laurel et Hardy (Mori et Kimura, interprétés par Shin’ichi Himori et Toshiaki Konoe), l’autre plus sexy et aux relations plus complexes, l’attachement réciproque étant cimenté par la rivalité sportive entre Seki (Shûji Sano), l’athlète vedette, indolent mais réussisant tout sans efforts, et Tani, le bosseur acharné, qu’interpréte un Chishû Ryû de 33 ans à l’allure encore très juvénile.
- SHIMIZU Hiroshi - 1937 - 花形選手 - Hanagata senshu
- SHIMIZU Hiroshi - 1937 - 花形選手 - Hanagata senshu
Moine charlatan, dur à cuire poltron, jeunes randonneuses ou gamins s’attachant aux basques des étudiants-soldats : les autres personnages croisés au cours de ces deux jours (plus une nuit) sont d’amusantes silhouettes à peine esquissées. Seule se détache du lot la figure touchante de la musicienne ambulante (Yoshiko Tsubouchi) accompagnée de ses deux enfants pour laquelle Saki, enfreignant la règle, quitte un moment le groupe et qu’il prend sous sa protection (quand il fait le tour de l’auberge pour enjoindre aux fêtards de faire moins de bruit, un des enfants étant malade).
Mais elle est rapidemment remise à sa place, marginale, lorsque Tani, corrigeant ostensiblement son ami devant ses camarades rassemblés pour lui éviter une sanction plus sévère, la pousse de côté sans ménagement. Shimizu, soucieux de rester dans le registre de la légéreté, se garde de souligner la portée dramatique de cette scène mais il a laissé à ce personnage le temps d’imposer au film sa présence discrète et émouvante.
- SHIMIZU Hiroshi - 1937 - 花形選手 - Hanagata senshu
- SHIMIZU Hiroshi - 1937 - 花形選手 - Hanagata senshu
Cette note plus grave, mélancolique, est indissociable de la touche Shimizu. Elle s’intègre tout naturellement dans un ensemble qui privilégie un comique de répétition teinté de douce absurdité et pas très éloigné de celui d’un Tati ou d’un Barnet, ainsi que l’allant irrésistible de virtuoses enchaînements de travellings qui font du film une véritable célébration du déplacement, la caméra ne cessant de précéder ou de suivre le groupe en mouvement en une chorégraphie allègrement jubilatoire.
- SHIMIZU Hiroshi - 1937 - 花形選手 - Hanagata senshu
La séquence avec les randonneuses offre un exemple particulièrement éloquent de ce brio parfaitement grisant pour le spectateur transporté : la dernière s’arrêtant, se retournant surprise, puis courant rattraper celle qui la précède et qui se retourne à son tour, et ainsi de suite jusqu’à ce que toutes, enfin réunies, ne s’écartent pour laisser passer les soldats, puis les suivre en courant, puis monter sur un camion qui va traverser le peloton s’écartant à son tour pour le laisser passer, puis redescendre presque aussitôt pour attendre à nouveau !
Bref : c’est la quintessence du cinéma de Shimizu qui est à l’oeuvre dans ce petit film en état de grâce et sans autre prétention que celle de capturer au vol des instantanés de joie ou de tristesse. Est-ce si peu ?
- SHIMIZU Hiroshi - 1937 - 花形選手 - Hanagata senshu
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