Le 18 avril 2017
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Une journée de haute volée avec deux œuvres fondamentales du cinéma (Soy Cuba en 35 mm !) et une nouvelle avant-première avec le premier film d’Alice Lowe
Soy Cuba de Mikhaïl Kalatozov (1964) :
Mis en scène par Mikhaïl Kalatozov, Palme d’Or à Cannes en 1958 pour Quand passent les cigognes, Soy Cuba est un poème dédié à Cuba (Soy Cuba signifie Je suis Cuba) divisé en quatre parties qui se répondent.
Le film s’ouvre sur un plan-séquence hallucinant, sans doute l’un des plus beaux vus au cinéma. La première partie confronte le regard des touristes étrangers sur Cuba et notamment sur la sensualité de ses femmes, de la musique, de l’argent facile. On y retrouve d’ailleurs très curieusement l’acteur Jean Bouise dans le rôle d’un notable étranger qui vient s’amuser à Cuba pour profiter de la vie. Il y découvre l’envers du décor. C’est à partir de ce moment que démarre la deuxième histoire avec un paysan qui dévoue sa vie à la culture de la canne à sucre et est exproprié. Il se livre alors à un acte révolutionnaire. Débute ensuite la troisième partie où l’on suit les pérégrinations d’un étudiant révolutionnaire. Ce dernier comprend que le fait de tuer un oppresseur n’est pas si simple. Dès lors, il choisit de devenir un meneur et d’infuser les idées révolutionnaires à la société toute entière. Kalatozov en profite pour évoquer la présence américaine à Cuba dont des marins, tout droit sortis du film Un jour à New York, s’imposent ici en colonisateurs. La quatrième histoire clôt le film avec le combat pur et dur : comment un paysan en vient à prendre les armes.
Soy Cuba, produit notamment par des capitaux russes et cubains, est clairement une œuvre militante qui n’en demeure pas moins un film majeur du septième art à la mise en scène majestueuse, notamment par des plans-séquences de haute volée.
Prevenge d’Alice Lowe (2016) :
Prevenge est le premier film derrière la caméra d’Alice Lowe, qui est également ici l’interprète principale. Dans cette œuvre, on retrouve cet humour noir cher à nos voisins britanniques, vu notamment dans Touristes (2012) de Ben Wheatley qu’Alice Lowe avait co-scénarisé.
On sent clairement que le film est réalisé par une femme car son côté féministe est prégnant. Dans Prevenge, Alice Lowe joue le rôle d’une femme enceinte ayant vécu un drame - lequel est révélé progressivement au spectateur - et n’a qu’une idée en tête : se venger des responsables de ce drame.
Là où le film se démarque, c’est dans la galerie de personnages détestables qu’il met en scène : un homme fasciné par des animaux prédateurs (des serpents, des mygales, etc.) ; un DJ assez beauf qui ne pense qu’à coucher avec des filles ; une DRH qui refuse d’embaucher notre héroïne en raison de sa grossesse, etc.
Dans Prevenge, les situations et les dialogues sont bien écrits et participent à la réussite du film. Ce dernier vaut également pour sa critique de la société contemporaine et pour cette réflexion des angoisses d’une femme face à la maternité.
Outre ces éléments, Prevenge constitue un slasher classique qui sort du lot par des scènes de meurtres décalées.
Voilà en somme une première œuvre tout à fait plaisante à regarder.
Marketa Lazarova de František Vláčil (1967) :
Adapté d’un roman éponyme, Marketa Lazarova de František Vláčil est un véritable poème visuel, considéré comme l’un des meilleurs films tchèques de tous les temps.
Le film se déroule au Moyen-Age. Il oppose trois clans dans une période troublée : le clan du Bouc qui est païen ; le clan de Lazare d’obédience chrétienne avec notamment sa fille, Marketa Lazarova, qui doit entrer au couvent ; le clan du roi qui hésite entre chrétienté et paganisme. Au moment où le clan du Bouc veut rattacher Lazare à sa cause et que celui-ci refuse, il kidnappe sa fille, la virginale Marketa Lazarova.
Dans cette œuvre très picturale, on évolue sans cesse entre trivialité, réalisme et abstraction. Le réalisateur oppose la rugosité des hommes au côté très lumineux de la belle Marketa Lazarova, qui finit par envoûter le fils préféré du Bouc. Tout cela rend le film assez fascinant.
Marketa Lazarova s’autorise des audaces assez étonnantes, notamment quand une vieille dame raconte une légende, comparant les hommes aux loups, qui finit par infuser tout ce film. Cela n’est pas un hasard si la deuxième partie du film s’intitule l’agneau divin. L’agneau est évidemment Marketa qui est confronté à l’un des loups.
Au niveau de la mise en scène, le film est tout à la fois épique et intime mais aussi contemplatif et dynamique (les scènes de bataille).
Notons également que la musique polyphonique apporte un côté divin à cette œuvre singulière et d’une force symbolique peu commune.
Quel plaisir d’avoir pu découvrir sur grand écran cette pépite du cinéma mondial !
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