Sur tous les formats VOD et les écrans de cinéma
Le 3 mai 2020
Green Boys est le récit poétique d’une rencontre interculturelle, loin du tapage politique sur les mouvements migratoires en France, entre deux adolescents, avec la nature et la mer qui font figure de trait d’union entre les cultures normande et guinéenne.
- Réalisateur : Ariane Doublet
- Genre : Documentaire
- Distributeur : JHR Films
- Durée : 1h11mn
- Date de sortie : 22 juin 2020
- Festival : Cinéma du réel
L'a vu
Veut le voir
Résumé : Green Boys pourrait être un " Petit Prince " du millénaire de l’exil. Alhassane, 17 ans, a quitté la Guinée et arrive seul en France après un éprouvant périple. Accueilli dans un village en Normandie, il rencontre Louka, 13 ans. Entre les deux garçons une amitié naît et s’invente jour après jour. Ce qui les sépare les lie tout autant que ce qui les unit. Durant l’été, ils construisent une cabane sur la falaise qui surplombe la mer. Comme une zone de liberté, elle sera un lieu secret de l’enfance et le refuge des blessures.
Critique : L’un a treize ans et vit au milieu des plaines bucoliques de Normandie. Le second a dix-sept ans et fleurit le cortège tragique des exilés d’Afrique. Théoriquement, ces deux destins juvéniles n’auraient pas dû se rencontrer, mais, grâce à la magie du cinéma, Ariane Doublet les fait se croiser le temps d’un été, dans un espace idyllique de verdure et de mer. La réalisatrice, qui demeure l’une des plus importantes documentaristes françaises, sait installer sa caméra qui, soudain, donne libre court au miracle de la relation humaine au milieu de la campagne normande. On voit les lapins affleurer sur le dos de la colline et le soleil crever la surface du ciel, on entend le vent remuer les feuillages, et on découvre la mer immense qui coule le long de la falaise. Nous voilà donc plongés dans la pure tradition française du romantisme, à la façon d’une page de Flaubert, sauf qu’il ne s’agit pas des émois sulfureux d’une Emma Bovary, mais de la tragédie économique qui a poussé un jeune Guinéen à fuir son pays, pour trouver un sens à son existence.
- Copyright JHR Films
Alhassane raconte son arrivée en France, les premières nuits dans la rue, son hébergement dans des familles d’accueil. Il raconte surtout la contradiction des regards, le conflit interculturel inhérent à tous les parcours migratoires, l’incompréhension parfois, la reconnaissance aussi pour un pays, la France, qui lui a offert un toit et de la nourriture. Il raconte deux années de traversée entre la Guinée et l’Europe, la façon dont il a bravé les dangers, le dénuement le plus total ; il raconte la peur, la solitude, le rejet, et l’espoir aussi de devenir quelqu’un. Le film va à l’encontre de tous les stéréotypes sur la migration. Il n’est pas question de passeurs, de la volonté malhonnête d’un jeune homme de faire fortune sur le dos d’un pays qui l’accueille. Il s’agit en réalité du parcours personnel d’un garçon de quinze ans, que chacun d’entre nous aurait choisi s’il nous était impossible de construire un avenir durable. Le film échappe formidablement au creuset du misérabilisme, en mettant l’un en face de l’autre le tout jeune Louka, au visage barré d’une minuscule cicatrice, et Alhassane, tout autant fracturé par la solitude et l’exil.
- Copyright JHR Films
Ariane Doublet saisit chaque moment qui va permettre aux deux protagonistes de se construire ensemble. Ils bâtissent une sorte de cabane africaine, perchée dans la nature, comme un symbole à la rencontre des cultures et du vivre-ensemble. La caméra est patiente. Elle capte des moments qui, grâce au pouvoir de l’image, se déroulent à la façon d’un récit champêtre. On pense à la simplicité évocatrice de George Sand. La réalisatrice n’a pas fait un film coup de poing qui viendrait donner raison ou tort au débat politique sur l’immigration. Elle décrit une rencontre, la naissance d’une amitié, un compagnonnage respectueux qui ne s’encombre pas de contraintes administratives. Le regard presque candide de Louka participe à ce récit de la découverte de l’Autre, dans ce qu’Il peut avoir de différent et de semblable à la fois. La rencontre interculturelle a lieu, particulièrement quand les deux garçons enroulent du foin pour coiffer leur cabane, au milieu d’étendues immenses qui font penser à un paysage africain.
- Copyright JHR Films
Il faut saluer le travail méticuleux de la photographie. Le soin qu’Ariane Doublet met à saisir la mer (qui, est sans doute l’un des éléments naturels les plus difficiles à filmer) participe à un sentiment de poésie et de quiétude. Quand Alhassane tremble en soulevant un rocher de peur de trouver un serpent, Louka lui montre les poissons ou les crabes qui filent dans l’eau claire. La littéralité du propos est indiscutable. La réalisatrice invite à ce récit sensible un pécheur, une campagnarde, un garagiste ou un passant un peu perdu, donnant alors vie au miracle de l’échange interculturel et de la découverte de soi à travers l’autre. L’apparente simplicité des images et des dialogues dénote chez la réalisatrice une maîtrise absolue de l’art du documentaire. S’ajoute à cela un travail incroyable sur le son, qui permet de saisir le bruit infime du vent ou des mouches dans l’air, les rouleaux de la mer, et les accents particuliers de ces gens qui se rencontrent dans la cabane. Green Boys donne surtout l’espoir d’un pays, la France, où il est possible de se parler, de s’émerveiller de la différence de l’autre, grâce à ces gens de peu qui habitent magnifiquement le film.
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.