L’amour a ses prisons
Le 13 juin 2015
Un film de prison hors les murs qui se révèle étouffant, par le réalisateur du Thé au harem d’Archimède et Miss Mona.
- Réalisateur : Medhi Charef
- Acteurs : Denis Lavant, Rossy de Palma, Claire Nebout
- Genre : Drame
- Durée : 1h38mn
- Date de sortie : 3 juin 2015
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Un film de prison hors les murs qui se révèle étouffant par le réalisateur du Thé au harem d’Archimède et Miss Mona..
L’argument : Il était projectionniste et avait le sentiment heureux de participer à la création des films. Elle était infirmière, et danseuse le soir... Avec son profil à la Picasso elle l’aimait, mais de loin sans y croire. C’était il y a 20 ans. Une autre vie.
Le hasard et la prison ont fini par les réunir au rythme cadencé d’Une Journée Particulière d’Ettore Scola. Sous le regard d’Alice, une ancienne prostituée, ils finissent leur peine le jour à Jeanne d’Arc, un grand pensionnat fermé pendant les vacances d’automne, et la nuit dans des cellules mitoyennes en prison. Mais l’enfer n’est plus la prison, "Sing Sing" comme ils disent, mais "les autres".
Graziella et Antoine sont alors prêts au pire des défis pour survivre.
Notre avis : Entre le pensionnat vide, le PMU du coin et l’extérieur de la prison, l’ensemble du film est curieusement daté. Le récit pourrait sans problème se dérouler il y a dix ans. La structure de l’intrigue est quasiment entièrement prise en charge par les commérages du personnage interprété par Claire Nebout - toujours en sur régime. Sa gouaille d’ex-détenue provoque tour à tour la gêne ou l’incompréhension du spectateur. Le film se balade d’ailleurs dans cet entre-deux permanent, qui va du drame social français rebattu au conte bizarroïde et glauque. La faute sans doute à un scénario démissionnaire, qui part en tous sens comme l’argument du film laissait présager.
Traversé par une journée particulière d’Ettore Scola - auquel il parvient tout juste à rendre hommage - le film ne se sert à aucun moment de cette référence qui finit par l’écraser de sa poésie. En contrepoint, Graziella paraît bien morne.
Les détenus, interprétés par Denis Lavant et Rossy De Palma, semblent condamnés à recroiser pour l’éternité les fantômes de leur passé. Au détour d’une course au supermarché, d’un achat de tabac, même d’une simple ballade, la haine des autres leur revient en pleine tête à tout moment. De fait, alors même que le film dispose de quelques scènes en extérieur, l’ensemble donne un sentiment d’enfermement total, probablement voulu par le réalisateur. On ne sort jamais vraiment de prison.
D’ailleurs, le plus fort de l’action se déroule en majorité hors champ, sans cesse commenté par le personnage de l’ancienne prostituée, supposée être une sorte de guide revêche dans la réinsertion des deux détenus. On assiste en conséquence à assez peu de véritables scènes fortes, entre les non-dits qui gangrènent le récit et les rappels incessants du passé. Face à cette absence, la mise en scène aussi s’efface, cernée par un scénario engoncé dans une tristesse infinie. En effet, à part pour l’ancienne prostituée pour qui c’est l’extrême inverse, l’histoire enferme à double tour ses personnages dans un mutisme compassionnel assez vite lassant.
La vraie bonne idée du film réside dans le contre emploi de Rossy de Palma, qu’on avait laissée chez Almodovar et qui nous apparaît ici sous un jour différent. L’actrice donne beaucoup à la caméra de Mehdi Charef, qui a écrit le rôle pour elle, en pensant à son visage que le personnage d’Antoine qualifiera de « Picasso ». Si on apprécie l’effort de casting, on se prend à rêver de ce qu’aurait pu être la relation De Palma/Lavant si elle avait été dessinée avec plus de générosité.
L’absence de toute séquence charnelle, à part la première scène du film - qui apparaît comme une étrange anomalie – ne rend pas service aux personnages dont les sentiments amoureux restent contrits, incapables de s’épanouir. Malgré la belle présence de Denis Lavant et les efforts de Rossy De Palma, ces ex-détenus taiseux peinent à nous faire accepter leur histoire d’amour, qui se se traduira que par quelques regards. Mehdi Charef confond discrétion et subtilité.
Las, ce pensum triste n’arrive jamais à nous faire adhérer aux émotions de ses personnages. Un film terne qui suggère au mieux une indifférence polie.
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