Le 21 novembre 2006

Soyons clairs : Gianmaria Testa a livré un bon concert, plein d’humanité et de désespérance.
Soyons clairs : Gianmaria Testa a livré un bon concert, plein d’humanité et de désespérance. Maintenant vous pouvez lire ce qui suit.
Gianmaria Testa entame son concert par la lecture d’un poème d’Erri De Luca, Valeurs, aux vers légers et à la chute brutale. Testa n’est pas quelqu’un de drôle, ce n’est pas Begnini, si on devait le rapprocher d’un membre de la grande famille italienne du cinéma, il faudrait plutôt chercher du côté de Moretti : le visage impassible, le poil avenant, l’élocution parfaite de ceux qui sont conscients de dire des choses importantes et qui souhaitent les faire entendre. Du coup, le public n’a qu’à bien se tenir, et s’il émet le souhait de rythmer une chanson par quelques claquements de mains timides, le chanteur les coupe volontiers dans leur élan en grognant : "Non non non, déjà qu’on [le groupe et lui-même)] a du mal à suivre le rythme..." Le rappel sera encore l’occasion d’une assignation au silence : au retour de Gianmaria Testa sur scène, le public lance des titres de chansons désirées et de sa voix cassée, le chanteur déclare : "On va arrêter ça, je ne suis pas un juke box." Puis, il se lance dans une version italienne du Gorille de Georges Brassens.
Une reprise révélatrice. Le malaise de Gianmaria face à son public rappelle celui du grand Georges en pareille situation. Le regard dans les souliers, la volonté de se faire oublier derrière la musique et les mots. Avant chaque chanson, Testa explique au public dans un français impeccable, le thème de ses textes : les migrations, le traumatisme du déracinement, l’accueil hostile des immigrés par ses compatriotes, l’amnésie des Italiens en tant qu’anciens migrants. Face à des sujets aussi lourds, il reste peu de place pour la farce. Malgré tout, il essaie, et échange quelques plaisanteries avec son guitariste, ou le temps d’une anecdote, mais on le devine, sa présence a un autre but. Étonnant, du coup, ce choix de Gianmaria dans le répertoire de Brassens : une chanson amusante, entraînante, d’ailleurs le public enhardi participe sur le refrain, on se détend, le verbe est italien jusqu’au dernier couplet... que Testa fait le choix de chanter en français, parce qu’il est terrible ce couplet/couperet, comme un ultime vers de De Luca. Le rideau tombe sur une salle refroidie.
Gianmaria Testa sera en concert dans le cadre festival Chorus des Hauts-de-Seine à Meudon le 28 novembre 2006.