Génie compris
Le 31 juillet 2016
Le premier film de Michael Grandage dépasse son statut de biopic ultra-classique pour offrir à ses interprètes, tous éblouissants, un écrin de velours et un bel hommage à la littérature américaine.


- Réalisateur : Michael Grandage
- Acteurs : Nicole Kidman, Guy Pearce, Jude Law, Colin Firth, Laura Linney
- Genre : Biopic
- Nationalité : Américain, Britannique
- Durée : 1h44mn
- Date télé : 7 décembre 2021 21:00
- Chaîne : CStar
- Titre original : Genius
- Date de sortie : 27 juillet 2016

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Résumé : Maxwell Perkins, éditeur à New-York, a le don pour flairer les grands auteurs. Il publie Francis Scott Fitzgerald, puis Ernest Hemingway. Un jour, le jeune Thomas Wolfe franchit sa porte avec un imposant roman. Une amitié inattendue va naître entre ces deux hommes qu’une seule chose rassemble : l’amour des mots.
Critique : Classique, Genius l’est assurément. L’œuvre de Michael Grandage est celle d’un artisan qui maîtrise sa technique et respecte son sujet, jamais pris à défaut par une réalisation impeccable. Tout y est beau et judicieusement éclairé par le directeur de la photographie Ben Davis (il a mis en lumière Avengers et Les Gardiens de la Galaxie pour Marvel, avant de s’attaquer au très attendu Docteur Strange). Le script a l’intelligence, à l’instar du récent Steve Jobs de Danny Boyle ou du Ali de Michael Mann, de circonscrire son récit à un angle que le réalisateur ne perd jamais de vue, évitant les digressions malvenues et autres flashbacks sur les traumas de l’adolescence pour se concentrer sur ce qui fait le sel du cinéma selon Gabin : une bonne histoire. L’amitié, en l’occurrence, entre l’écrivain Thomas Wolfe et son éditeur Maxwell Perkins. Deux hommes que tout oppose, comme dans un buddy-movie où la plume remplacerait les flingues.
- Riverstone Pictures ©
Thomas Wolfe, c’est Jude Law, qui délaisse le flegme britannique pour s’approprier le parler si particulier du sud des États-Unis. L’acteur impressionne en cabotin virtuose des mots, agaçant narcissique romantique, aussi génial à coucher les lettres sur le papier qu’incapable de communiquer avec ses semblables. Face à lui, Colin Firth (encore un Anglais), sobre et pas moins bouleversant, trouve là un de ses plus beaux rôles. Il oppose à l’irascible Wolfe la bienveillance dont faisait preuve Maxwell Perkins à l’égard de ses protégés (il a édité et soutenu contre vents et marées Fitzgerald et Hemingway). La relation entre les deux hommes, professionnelle d’abord, se mue en un rapport père-fils conflictuel où l’admiration réciproque est toujours parasitée par l’incapacité de Wolfe à communiquer sans s’opposer. Entre ces deux-là, l’émotion passe plus d’une fois, lors d’un aparté sur les toits de New-York, à l’occasion d’un hommage inattendu, ou par un regard qui remplace tout les mots.
- Riverstone Pictures ©
Bel hommage aussi, au métier d’éditeur. Qui est vraiment le génie du titre ? Le grand écrivain ou celui qui le déniche et le porte jusqu’à la consécration ? Et Michael Grandage, en filmant les deux hommes au travail, de donner sa réponse : les deux mon capitaine.
A ce beau "couple" de cinéma vient s’ajouter un troisième personnage, celui d’Aline Bernstein, amante et soutien indéfectible (ou presque) de Thomas Wolfe. C’est Nicole Kidman qui l’interprète, bouleversante, idéale en femme blessée et malheureuse par amour. Elle est magnifique comme elle le fut quand elle interprétait Virginia Woolf dans le sublime The Hours de Stephen Daldry, et l’on se dit que son personnage aurait mérité un film à lui tout seul.
D’aucuns, alors, jugeront le film académique et sage comme ne l’était pas Thomas Wolfe. On préfèrera leur dire qu’il fallait, sans doute, une rivière sans vague pour mieux charrier le tumulte des mots. La sagesse d’un éditeur pour faire éclater au grand jour un auteur aussi brillant qu’indomptable. De la sagesse, Michael Grandage en a déjà beaucoup.