Le 6 octobre 2021
Si parler de la question palestinienne est complexe, les frères Nasser mélangent subtilement récit personnel, romance en temps d’occupation et mythe dans une comédie délicate et subtile. Aki Kaurismäki a trouvé dans ce film son pendant palestinien.
- Réalisateurs : Arab Nasser - Tarzan Nasser
- Acteurs : Hiam Abbass, Hitham Omari, Maisa Abd Elhadi, Manal Awad, Salim Daw, George Iskandar
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Français, Allemand, Portugais, Palestinien, Qatarien
- Distributeur : Dulac Distribution
- Durée : 1h28mn
- Date de sortie : 6 octobre 2021
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Résumé : Issa, un pêcheur de soixante ans, est secrètement amoureux de Siham, une femme qui travaille comme couturière au marché. Il souhaite la demander en mariage. C’est alors qu’il découvre une statue antique du dieu Apollon dans son filet de pêche, qu’il décide de cacher chez lui. Quand les autorités locales découvrent l’existence de ce mystérieux trésor, les ennuis commencent pour Issa. Parviendra-t-il à déclarer son amour à Siham ?
Critique : Notre regard occidental sur Gaza est trop souvent occulté par la vision de la presse. Le cinéma a de génial qu’il offre une couleur nouvelle à des paysages urbains tristement mis en scène dans les journaux de télévision. La capitale palestinienne apparaît ici sous tous les feux qu’on imagine de la ville, qu’il s’agisse des coupures d’électricité quotidiennes, des difficultés pour les familles à équilibrer leur budget, du désir ardent des hommes à regagner l’Europe, mais aussi des pêches miraculeuses qui s’extraient de la mer et des amours qui naissent. En 2018, Nicolas Wadimoff entreprenait un documentaire fascinant sur ce fameux Apollon de Gaza, trouvé miraculeusement par un pécheur et disparu tout aussi mystérieusement, faisant ainsi sonner le doute de la vraisemblance de ce récit mythique. Les frères Nasser s’approprient cette légende urbaine à travers la figure d’un homme célibataire, Issa, pêcheur de son état, qui n’est en réalité que la transfiguration métaphorique ou pas de leur propre père. Toujours est-il que que le générique final adresse un salut non dissimulé à Issa Nasser, le père réel des deux cinéastes, après avoir offert au public une page facétieuse et poétique d’une certaine Palestine.
Il y a du rire drapé d’intelligence dans ce joli portrait de sexagénaire amoureux. L’homme regarde sa Palestine natale avec à la fois cruauté et attachement. Il finira ses jours à Gaza, malgré la pluie sale qui inonde les places de marché, le coût exorbitant de l’électricité en dépit des coupures quotidiennes, et les mortiers que l’armée arabe dresse dans le ciel comme des trophées de rage et de manipulation du peuple. La Dolce vita s’invite dans cette capitale malheureuse, assombrie par une guerre qui ne se termine jamais et des barrages policiers entre les quartiers. L’amour surtout s’invite dans la rencontre entre ce célibataire endurci et cette femme veuve, courageuse et lumineuse.
- Copyright Les Films du Tambour
La poésie est le média premier de Gaza mon amour. La référence à Resnais est évidente dans cette ville ravagée par les conflits et la pauvreté, devenant pourtant, à l’instar d’Hiroshima, le théâtre d’un amour merveilleux. Mais on retrouve surtout la patte d’Aki Kaurismäki dans cette façon si jolie et tendre de filmer l’horreur quotidienne des habitants de Gaza. Les frères Nasser se s’apitoient pas sur la situation des personnes. Ils dénoncent une police des plus controversées, une économie mise à l’arrêt, en prenant le parti de la comédie et du détournement. La mise en scène manie avec subtilité les variations amoureuses, la critique de la famille omniprésente, et de tout un pays qui se crispe dans des radicalismes religieux et des archaïsmes politiques. Cet Apollon de Gaza, tout droit sorti de filets d’Issa, ravive les champs du possible dans une terre qui s’abandonne à la colère, au déterminisme et aux dialogues rompus avec le voisin immédiat.
En ce sens, Gaza mon amour brille d’une belle intelligence. La musique classique, résolument occidentale, parvient à trouver sa place dans ces décors orientaux, rajoutant au miracle des rencontres interculturelles. Le spectateur a plaisir à découvrir une ville que l’actualité ne cesse de réduire au chaos. Le peuple palestinien vit, s’adapte à la pénurie, les familles s’entraident ou se rejettent. Bref, la vie et l’amour gagnent toujours contre l’épouvante et les réflexes guerriers ou réactionnaires. La comédie est remplie d’espoir, de joie, grâce au point de vue délibérément décalé et jovial des deux cinéastes. C’est un film conçu pour s’émerveiller à travers les yeux de ce pêcheur vieillissant et réfléchir aux enjeux complexes qui pèsent en Israël et en Palestine.
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