Le 26 avril 2019
Un film qui traite de façon presque clinique la perte de mémoire et ses effets identitaires, sans jamais négliger la forme qui est d’une grande beauté. Saisissant et profond.
- Réalisateur : Agnieszka Smoczynska
- Acteurs : Łukasz Simlat , Gabriela Muskala, Malgorzata Buczkowska
- Genre : Drame
- Nationalité : Polonais, Suédois, Tchèque
- Distributeur : Arizona Distribution
- Durée : 1h40mn
- Titre original : Fuga
- Date de sortie : 8 mai 2019
- Festival : Festival de Cannes 2018, Semaine de la Critique 2018
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Résumé : Alicja a perdu la mémoire et ignore comment elle en est arrivée là. En deux années, elle parvient à se reconstruire et ne souhaite plus se remémorer le passé. Quand sa famille la retrouve enfin, elle est contrainte d’endosser les rôles de mère, de femme et de fille auprès de parfaits inconnus. Comment réapprendre à aimer ceux que l’on a oubliés.
Notre avis : La première séquence s’ouvre sur le dos d’une femme à laquelle on ne parvient pas à donner d’âge. La marche est hésitante. Très vite, on s’aperçoit qu’elle est perdue et avance sur des rails. Elle gravit les quais, et devant les regards médusés des voyageurs, s’agenouille pour faire ses besoins. Ainsi, ce film polonais donne le ton : dès les premières minutes, Agnieszka Smoczynska est déterminée à ne pas sombrer dans le psychodrame, mais à faire de cette histoire terrible, une occasion de penser une esthétique du cinéma. Car force est de constater que la réalisatrice accorde un soin particulier à la lumière et à la photographie. Parfois même, elle insère dans son récit de courtes animations, comme pour toujours rappeler à son spectateur qu’elle n’a pas l’intention de le perdre dans des sanglots sans fin, mais de donner chair à un personnage troublant et mystérieux, dans un écrin soigné et respectueux.
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- © Arizona Distribution
La réussite indéniable de ce long métrage est liée au jeu incroyable de la comédienne, Gabriela Muskala. Elle interprète d’une façon intense cette femme égarée au sens strict et métaphorique du terme, par une mémoire épisodique qui lui a fait oublier son passé et son identité. Non seulement, la comédienne s’investit véritablement dans ce rôle, mais elle a écrit tous les dialogues, à la suite d’une expérience personnelle avec une personne à la mémoire brisée. Cela explique d’autant plus la présence de l’actrice sur l’écran, qui donne de sa personne, de son corps, pour habiter son personnage. Pour autant, elle ne verse jamais dans le mélodrame. Elle incarne son héroïne avec une distance suffisante, qui la rend d’autant plus crédible et bouleversante.
- © Arizona Distribution
Tout le travail de direction d’acteurs est passionnant. Le performance de la mise en scène est particulièrement lisible dans l’interprétation du petit garçon sensé retrouver sa mère, après de deux ans de séparation forcée. Si au début, il montre les signes froids d’une certaine colère, il se laisse aller petit à petit à une relation plus sereine avec cette mère qu’il redécouvre. On a l’impression que la réalisatrice a installé sa caméra à l’insu de ses comédiens, et leur a donné le libre champ pour insuffler la vie à cette famille.
- © Arizona Distribution
On est naturellement loin d’un cinéma polonais parfois excessif façon Kieślowski, Wajda ou Żuławski. Il s’agit au contraire d’une œuvre dépouillée, naturaliste, sobre, qui préfère à une mise en scène criarde, une vision complexe de la réalité où le drame se joue dans les silences et les regards qui s’échangent au milieu de cette famille, totalement brisée. Voilà donc un très beau film, qui, en plus de valoriser le talent de la comédienne principale, donnera à comprendre les fils parfois impossibles à dénouer qui se trament au fond de notre mémoire.
- © Arizona Distribution
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