Le 24 août 2021
Un documentaire intéressant, quoiqu’un peu trop biographique, sur une figure majeure de la pédiatrie en France.
- Réalisateur : Virginie Linhart
- Genre : Documentaire
- Date télé : 24 août 2021 23:10
- Chaîne : France 2
L'a vu
Veut la voir
Résumé : La psychanalyste Françoise Dolto a révolutionné l’approche de l’enfance, jusqu’alors méconnue et peu étudiée. C’est elle qui découvre l’importance de la parole de l’enfant, dès le stade de nourrisson. Dans les années 1970, elle devient une star de la radio grâce à son émission quotidienne, en direct de son cabinet, « Lorsque l’enfant paraît », où elle répond au courrier, souvent inquiet, des parents comme des jeunes. Grâce à des archives inexplorées jusqu’alors, ce documentaire révèle quarante ans de pratique thérapeutique basé sur l’écoute et la parole et retrace la vie et le génie clinique d’une femme qui s’est toujours battue « au nom de l’enfant ».
Critique : Le documentaire débute par l’émission Lorsque l’enfant paraît, qui révéla la pédiatre au grand public : chaque semaine, Françoise Dolto répondit à des lettres de parents, relayées par Jacques Pradel, qui était alors un bon journaliste, avant de s’égarer dans la télé-poubelle. Le film revient de manière éclairante sur le parcours de la psychanalyste, laquelle changea à jamais le regard que les adultes portent sur les enfants. De ses premières années passées dans une famille bourgeoisie très traditionnelle, où les moins âgés n’avaient pas la parole, à son itinéraire professionnel, cette évocation constitue un très bon digest d’une pensée toujours actuelle. Quelques traits saillants émergent de cette réflexion qui affirma, à rebours d’une époque bien ignorante, qu’un nourrisson n’est pas un tube digestif (Dolto se souvient qu’au moment où sa nurse fut renvoyée, elle développa une broncho-pneumonie à l’âge de six mois), qu’aux enfants on doit toujours la vérité, que l’inceste constitue un tabou anthropologique majeur et que l’on doit laisser les plus jeunes tranquilles, sans pour autant satisfaire tous leurs désirs.
S’émancipant par les études de la tutelle maternelle, échappant au destin de toutes ces femmes assignées à la domesticité, Dolto entame des études médicales, avant de sombrer dans la dépression. Un travail avec le célèbre psychiatre René Laforgue lui permettra de se délier d’une culpabilité : celle qui la relie à la fois à sa mère et à la mort prématurée de sa sœur aînée. L’externat en médecine effectué en pédiatrie, le contact avec ceux qu’on appelait alors des "enfants arriérés", la rencontre déterminante de Sophie Morgenstern, pionnière de la psychanalyse infantile, constitueront des événements majeurs qui détermineront le travail d’une vie, au service d’une "cause", pour reprendre le mot d’un célèbre livre de Dolto. Le réflexe est simple, appris auprès de Morgenstern : écouter, lire le langage, même lorsqu’il n’est pas verbalisé. A travers les dessins, par exemple, dont la pédiatre elle-même fera un usage répété, pour communiquer avec les enfants. Ou par le truchement d’un objet-relais, par exemple une "poupée-fleur", construite par l’une de ses jeunes patientes.
Loin de l’icône réduite à quelques caricatures, décriée par ceux qui l’ont associée aux dérives de l’"enfant-roi" (expression qu’elle n’a jamais cautionnée), la parole de Dolto prend des accents parfois subversifs : ainsi, répondant à une petite fille de huit ans qui lui écrit une lettre, parce que sa grand sœur l’embête, elle formule un jugement très proche du propos que le médecin et éducateur polonais Janusz Korczak développa dans son texte Les bagarres : l’enfant ne doit pas se laisser faire, répliquer à la mesure de la contrariété subie.
Au service des jeunes qu’elle entendit pendant plusieurs décennies à l’hôpital Trousseau, Dolto fut révolutionnaire. Si la forme du documentaire s’avère classique avec une perspective nettement biographique, le film constitue une bonne introduction à l’œuvre de cette femme à bien des égards extraordinaire, quoique critiquable, relativement au modèle familial qu’elle défendit, où un certain ethos de la matrice hétéronormée assigne l’homme et la femme à des places socialement genrées.
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.