Le 23 décembre 2024
Déjanté et sensible à la fois, ce premier long-métrage est un pur produit de la sélection ACID de Cannes.


- Réalisateurs : Marcia Romano - Benoit Sabatier
- Acteurs : Roxane Mesquida, John Arnold, Christophe Paou, Angèle Metzger
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Français
- Distributeur : JHR Films
- Durée : 1h35mn
- Date de sortie : 11 décembre 2024
- Festival : Festival de Cannes 2024

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Résumé : Raoul débarque à Marseille où sa fille est morte. Tout ce qu’elle lui avait raconté de sa vie ? Un tissu de mythos. En tentant de recoller les morceaux, il découvre qu’elle avait enregistré un disque avec une bande de filles. Il se met alors en tête de remonter ce groupe, coûte que coûte. Et en slip s’il le faut.
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Critique : Raoul a perdu sa fille, il y a presque un an et l’homme revient sur les pas de celle qu’il ne connaissait finalement pas si bien. Et c’est ainsi que, guidé par les traces qu’elle lui a laissées, le père en deuil découvre qu’elle faisait partie d’un groupe de filles, Fotogenico, qui donne son titre au film. Alors commence pour lui le projet de réunir de nouveau les musiciennes, comme un ultime souvenir de sa fille disparue.
- Copyright Envie de Tempête
Fotogenico est un vrai film déjanté qui refuse par tous les moyens de succomber aux sirènes du mélodrame. Et pourtant, tout s’y prêtait avec un pareil sujet. Sauf que les décors, conçus dans le Marseille psychédélique, la musique quasi permanente d’un bout à l’autre apportent à ce récit, triste en apparence, une dimension aérienne et franchement attachante. Les personnages qui composent ce drôle de conte moderne révèle un univers lesbien hors du commun, où la drogue, les disques, et les amours fugaces participent à son originalité. On rajoute à cette magie sociale les vêtements que portent les filles, hauts en couleur, où mettre par exemple un tee-shirt à l’envers est le must de la mode.
Fotogenico est le résultat de l’inventivité d’une scénariste importante et d’un critique de rock. Les deux réalisateurs s’amusent à augmenter la réalité dans un univers très coloré où les graffitis, mobiliers urbains et espaces abandonnés constituent sa matière première. Le héros principal, un pur dandy, ne se préoccupe guère des choses matérielles, se faisant voler à chaque baignade ses vêtements et préférant divaguer en slip dans les rues. Ce long-métrage demeure ainsi l’antithèse du capitalisme et de la société de consommation. Les individus évoluent dans des espaces dépouillés qui nourrissent leurs inspirations, quand la drogue ne vient pas chatouiller le moral précaire des habitants.
- Copyright Envie de Tempête
On est loin des images de Marseille, trop regardée à travers les crimes barbares de trafiquants et l’immigration dérégulée. Les cinéastes s’amusent à introduire dans la capitale provençale un retour du rock alternatif et de l’underground. Tout le monde se joue des normes, jusqu’aux émotions du père qui, bien qu’il ait perdu sa fille il y a près d’un an, semble habité d’une légèreté et d’une joie tranquilles. Tout le monde se régale de ces espaces décalés, des personnages perdus dans des délires inaccessibles, sans jamais céder à la moquerie ou au grotesque. En ce sens, Fotogenico n’est pas un film de Guignols. C’est une fable sensible, pétrie de musicalités hallucinogènes, à l’instar de ces produits terribles que consomme un dealer étrange, qui s’habille comme une femme.
Nous voilà donc devant un film qui est un pur jus de la sélection de l’ACID. On sourit souvent dans ces déambulations urbaines d’un père qui résiste aux larmes de peine. L’homme est prêt à renoncer à tout, qu’il s’agisse même des roues de sa voiture, pourvu qu’il retrouve dans ce disque de musique, la personnalité de sa fille qui l’a quitté.
Une mention spéciale s’impose au groupe de Stéphane Bodin et François Marché, Froid Dub, qui signe la bande originale de ce road movie urbain qui ne dit pas son nom. Ce Fotogenico est un ovni musical sur les écrans français, pour notre plus grand plaisir.