Un poisson hors de l’eau
Le 5 février 2014
Tissant le mythique et le social dans cette fable côtière, le premier long-métrage du cinéaste britannique Paul Wright propose un collage intéressant de genres et de formes, mais peine à nous emporter dans sa vision épique et fantastique.
- Réalisateur : Paul Wright
- Acteurs : Kate Dickie, Nichola Burley, Conor McCarron, George Mackay, Michael Smiley
- Genre : Drame
- Nationalité : Britannique
- Distributeur : Distrib Films
- Durée : 1h32mn
- Date de sortie : 12 février 2014
- Plus d'informations : Le site du distributeur
- Festival : Festival de Cannes 2013
L'a vu
Veut le voir
Résumé : Aaron, un jeune marginal vivant dans une communauté isolée en Écosse, est le seul survivant d’un accident de pêche ayant coûté la vie à cinq hommes dont son frère aîné. Poussés par les vieilles légendes et superstitions du coin, les habitants du village le blâment pour cette tragédie et le rejettent.
Critique : Un village côtier, isolé. Deux frères ; l’un a péri dans un naufrage, et l’autre en a réchappé. Une légende macabre qui entoure la mer, et aide les rescapés et les familles à terre à accepter la mort de ceux qui bravent les flots. Dès ses premières minutes, l’univers et l’esthétique de For Those in Peril tissent leurs racines dans la fable – une fable qui se développe plus ou moins ouvertement tout au long du film, pour atteindre son apogée dans l’image finale. La particularité du long-métrage, cependant, est de croiser un onirisme assumé avec la veine la plus récente du cinéma social britannique (de Fish Tank au Géant égoïste). En résulte un patchwork abondant de gestes formels très appuyés (voix off, caméra à l’épaule, images en vidéo, visions nocturnes…) qui s’accumulent comme autant de pistes potentielles pour explorer la complexité du monde intérieur du personnage principal.
Si cette richesse séduit dans la première partie du film – car elle déroute les attentes liées aussi bien au sujet qu’à son traitement réaliste –, son systématisme entraîne pourtant une lassitude bien réelle qui, malgré la courte durée du film, donne le sentiment que le propos s’épuise rapidement, faute de nourrir d’une matière plus profonde un mélange des genres trop évidemment séduisant. For Those in Peril n’est jamais plus intéressant que lorsqu’il se refuse à toute psychologie, tenant au corps (et dans une pure logique d’observation) le protagoniste, Aaron, dont l’obsession morbide est tour à tour fascinante et terrifiante. Héros possiblement déplacé d’un film de Lars von Trier, Aaron reprend dans un contexte contemporain la figure du marginal solitaire, idiot du village involontairement touché par la grâce, et tour à tour béni et maudit comme tel.
La manière dont le récit distille les informations sur la relation avec son frère aîné, disparu dans un naufrage, offre un jeu de points de vue habile, qui nous laisse en tension et nous fait pressentir la crise. Pourtant, d’une épopée solitaire et métaphysique, teintée de cauchemars intérieurs, la promesse du film dérive vers le conte grotesque, culminant dans le sang et les larmes. À force de sur-signifier chaque élément, de napper chaque plan d’une couche formelle supplémentaire, le cinéaste finit par nous désolidariser du personnage principal, qu’il nous invite non plus à tenir par la main, mais à considérer comme une créature hors de contrôle, dans une représentation graphique, mais somme toute assez banale et désincarnée, de la folie. Ce qui passionnait finit par ennuyer, le matériau mythique perd de sa chair et redevient une idée parmi d’autres. Dommage pour un premier long-métrage indéniablement ambitieux, mais dont le désir de s’élever jusqu’à l’épique a manqué de découvrir son véritable souffle.
– Sortie VOD : 22 janvier 2014
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.