Le 21 octobre 2016
- Plus d'informations : Le site officiel du fifib
Festivals/événements : FIFIB
Le Festival International du Film Indépendant de Bordeaux, c’est fini. Retour sur une semaine riche en découvertes et en surprises.
Cette année encore, le fifib est apparu comme un véritable festival des curiosités. AVoir-aLire était sur place et a vécu de bien étranges moments cinématographiques. Il faut dire que la sélection des films en compétition était surprenante. Pendant une semaine, un vent de liberté a soufflé sur Bordeaux et le cinéma l’Utopia. Qu’il s’agisse des sujets abordés, des partis pris narratifs ou de mise en scène, l’originalité et la prise de risque étaient bel et bien au rendez-vous. Un programme vivifiant qui nous amène à repenser l’idée que l’on se fait de ce qu’est un "bon film". Focus sur quelques uns des longs métrages en compétition qui ont marqué le festival.
Animal político, de Tião - compétition longs métrages
C’est l’ovni de la sélection. Dès la première scène, le spectateur est plongé dans une ambiance surréaliste avec la présence de deux géants sans tête qui avancent l’un vers l’autre dans un paysage désertique digne d’un décor de science-fiction. Très vite cependant, le personnage principal apparaît et n’est autre qu’une vache. Une succession de plans s’enchaînent alors, à travers lesquels le spectateur est invité à suivre le quotidien de ce protagoniste improbable. En effet, on se trouve face à une vache qui a des amis (humains), qui va au restaurant, à la plage et qui nous livre ses pensées intimes, par le biais d’une voix off. Ces scènes de la vie quotidienne soulignent surtout toute l’habileté et la persévérance du réalisateur, qui parvient avec brio à mettre en valeur son personnage et à susciter l’adhésion et l’attachement envers cet animal flegmatique. Si bien que l’on s’émeut face à la crise existentielle qu’il traverse et le pousse à entamer une sorte de voyage initiatique dans des contrées sauvages. A partir de là, on perd le fil de l’histoire, qui se brouille de plus en plus et emprunte des chemins métaphoriques qui poussent à s’interroger sur le sens de la vie. Égaré dans un univers de non-sens absolu, le spectateur n’a d’autre choix que la contemplation des plans qui se succèdent et ne se ressemblent pas. Animal politico est un film très visuel, qui présente des idées de mise en scène intéressantes et originales qui font vraiment sa force. On pourra tout de même reprocher au réalisateur d’avoir parfois inclus des séquences dont l’intérêt et la légitimité restent à démontrer.
Nelly, d’Anne Émond - compétition longs métrages
Avec ce long-métrage autour de la vie et de l’œuvre de la sulfureuse auteure québécoise Nelly Arcan, la réalisatrice réussit le pari de traduire à l’écran ce qu’est l’autofiction sur le papier. Très fragmenté, le film est à l’image de son œuvre la plus célèbre, Putain, un roman d’autofiction qui mêle des fragments de vie de Nelly Arcan à des éléments issus de son imagination. Le procédé est ainsi d’autant plus intéressant qu’il a pour objectif non seulement de rendre compte de la complexité de cette femme aux multiples personnalités, mais aussi de donner un aperçu de son œuvre littéraire. De nombreuses citations de ses romans sont d’ailleurs récitées en voix off par l’actrice Mylène Mackay, qui incarne à merveille Nelly Arcan. Anne Émond a effectué un véritable travail de composition du personnage et avoue avoir suivi la recette suivante pour aboutir à son film : 1/3 de l’œuvre de Nelly Arcan, 1/3 de sa vie selon les informations obtenues auprès de ses proches et 1/3 d’imagination. Une recette qui fonctionne bien et donne lieu à un montage très spécifique, caractérisé par une suite de séquences désordonnées, qui donnent à voir les quatre personnalités de Nelly : la putain, l’amoureuse junkie, la star et l’écrivain. Les scènes se répètent et donnent une impression de déjà vu, mais ce n’est que pour mieux rendre compte de ce qui constituait le quotidien de celle qui voulait qu’on l’aime à tout prix. A travers ses différentes facettes, Nelly Arcan nous apparaît tantôt détestable, tantôt touchante, mais toujours égocentrique et pleine de contradictions. Le mystère Nelly Arcan reste entier.
Satan Said Dance, de Kasia Roslaniec - compétition longs métrages
Ce long-métrage polonais avait de quoi séduire sur le papier. La jeunesse, l’excès, l’autodestruction et surtout la liberté sont les thématiques abordées par ce film qui s’annonçait très punk et insolent. Pourtant, très vite on se perd, on s’ennuie et le film nous file entre les doigts. Les scènes se répètent encore et encore à n’en plus finir, jusqu’à saturation. Finalement, la protagoniste, une jeune femme rebelle, droguée et nymphomane est peu digne d’intérêt. Omniprésente, elle semble n’être qu’une machine à se droguer et à faire l’amour. Son histoire nous traverse sans nous toucher. Le problème, c’est que tout est brouillon, que rien ne va jusqu’au bout et que l’on perd le sujet initial, noyé dans un amas de scènes entrecoupées de passages racontés, dans lesquels une voix off nous explique ce que l’on ne comprend pas sur une image fixe en arrière-plan. Toutes les séquences sont interchangeables car le film est construit comme un Rubik’s cube, explique la réalisatrice. Chaque spectateur peut ainsi construire son propre film en réinventant l’ordre des séquences. Une marque d’originalité dans le montage qui peut très vite agacer, à l’image du Rubik’s cube dont on peinerait à reconstituer les six faces.
Lettres de la guerre, d’Ivo M. Ferreira - compétition longs métrages
En 1971, la vie de l’écrivain portugais António Lobo Antunes bascule lorsqu’il est appelé à servir en tant que médecin lors du conflit colonial. Loin de tout, il entame une correspondance passionnée avec sa femme. Lettres de la guerre retrace l’histoire de cette séparation couplée à la grande Histoire, à travers la correspondance entre le médecin et sa femme. Dans un magnifique noir et blanc qui rend hommage au protagoniste, le film donne à voir le quotidien des hommes pendant la guerre. Spontanément, le spectateur assiste à la lecture des lettres par la femme du héros - en voix off - et à la transcription sur l’écran de ce qui est raconté dans les lettres. Le procédé est intéressant et les lettres sont puissantes et touchantes mais l’omniprésence de cette voix féminine qui lit les lettres tend à agacer quelque peu et à déplacer l’attention sur ce que l’on nous raconte, au détriment de ce qui se passe à l’écran. C’est dommage parce que les scènes sont vraiment belles et l’image est d’excellente qualité. On aurait aimé avoir un peu plus le loisir de se laisser aller à la contemplation.
Bonheur Académie, d’Alain Della Negra et Kaori Kinoshita - compétition longs métrages
Bonheur Académie est réellement ce que l’on peut appeler un film culotté. Avec leur projet de fiction ancrée dans la réalité, les deux réalisateurs ont réussi à s’intégrer et à intégrer leurs quatre comédiens dans un stage d’été au sein de la communauté raëlienne. Dans un hôtel paradisiaque en Croatie, les disciples de Raël ont une semaine pour apprendre à être heureux en suivant les trois préceptes dispensés par leur grand maître : rire, jouir et méditer. Une curieuse recette du bonheur, qui ne peut aboutir que si l’on parvient à totalement lâcher prise. "Je ne pense pas donc je suis", affirme Raël. Bonheur Académie est un film très réussi, non seulement parce qu’il évoque un sujet très controversé - le mouvement raëlien est considéré comme une secte en France - mais aussi parce qu’il parvient à ne pas prendre parti. Il ne s’agit là ni de faire l’apologie du mouvement raëlien, ni de railler ceux qui pourraient nous apparaître comme des illuminés. Avec beaucoup d’humour, mais aussi dans un constant souci de réalisme (c’est le vrai Raël qui s’exprime face à ses fidèles !), ce long métrage rend compte de ce qu’est ce mouvement aux préceptes si éloignés de ceux que notre société nous inculquent. La fiction se fond parfaitement dans le décor réel de ce stage et si le sujet nous capte totalement, la forme apparaît aussi très travaillée et le tout donne à voir un bel objet cinématographique.
Galerie Photos
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