Le 21 mai 2021
Falling se veut comme une synthèse mémorielle insoluble et insaisissable, le spectre d’une vie passée avec ses envolées lyriques et ses déchéances. Viggo Mortensen signe un premier film dur et âpre sur la tragédie d’un homme refusant de vivre, refusant de mourir.


- Réalisateur : Viggo Mortensen
- Acteurs : Viggo Mortensen, Lance Henriksen, Laura Linney, Hannah Gross, Sverrir Gudnason, Terry Chen, William Healy, Etienne Kellici
- Genre : Drame, LGBTQIA+
- Nationalité : Britannique
- Distributeur : Metropolitan FilmExport
- Durée : 1h52mn
- Titre original : Falling
- Date de sortie : 19 mai 2021
- Festival : Festival de Cannes 2020

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Résumé : John (Viggo Mortensen) vit en Californie avec son compagnon Eric (Terry Chen) et leur fille adoptive Mónica (Gabby Velis), loin de la vie rurale conservatrice qu’il a quittée voilà des années. Son père, Willis (Lance Henriksen), un homme obstiné issu d’une époque révolue, vit désormais seul dans la ferme isolée où a grandi John. L’esprit de Willis déclinant, John l’emmène avec lui dans l’Ouest, dans l’espoir que sa soeur Sarah (Laura Linney) et lui pourront trouver au vieil homme un foyer plus proche de chez eux. Mais leurs bonnes intentions se heurtent au refus absolu de Willis, qui ne veut rien changer à son mode de vie...
Première incursion en tant que réalisateur pour Viggo Mortensen après une filmographie prolifique ponctuée de performances inoubliables, Falling est également le premier film de l’acteur en tant que scénariste. Vraisemblablement inspiré de ses souvenirs d’enfance au vu des différentes interviews françaises que l’acteur a accordées, Falling se veut comme une synthèse mémorielle insoluble et insaisissable, le spectre d’une vie passée avec ses envolées lyriques et ses déchéances. L’on suit donc la lente agonie, autant physique que psychique, de Willis Paterson, un homme à première vue détestable qui n’aura su traverser les torrents impétueux de la vie, demeurant le dernier représentant de l’Amérique rurale et quelque peu ordurière qu’affectionnait tout particulièrement le prédécesseur du président américain Joe Biden. De fait, au delà de toute analogie, Falling cristallise deux faces d’une même Amérique en perpétuelle conflit idéologique, relationnel et humain, l’une étant revancharde et intrinsèquement xénophobe, l’autre cherchant une forme de rédemption.
Falling est aussi l’histoire d’une réconciliation impossible, de l’échec d’une vie de souffrances, de la confrontation entre deux masculinités incompatibles, deux spectres qui se cherchent, se croisent sans se voir. L’écriture n’aura de cesse d’épouser le regard de ce père de famille blessé que le monde ne comprend plus tel un être perdu dans les abîmes du temps, incapable de saisir l’essence même de l’existence. Bercée par l’élégante réalisation de Mortensen, troublante et anxiogène, ainsi que sa narration, entre visions subliminales du passé, montage nerveux, retranscrivant à merveille les joutes verbales d’un parricide symbolique, et bande-son hypnotique, Falling n’a rien d’un drame familial aux mécanismes grossiers et racoleurs comme on en voit naître à la pelle ces temps-ci. Il s’agit plus d’une plongée tortueuse dans la psyché des personnages qui composent cette famille malmenée par un patriarche en décrépitude, refusant de mourir, refusant de vivre.
Dépourvu d’artifices, Falling préfère se concentrer sur son ambiance poisseuse et crépusculaire, enchaînant mouvements de caméra amples et paysages déserts à la photographie mortifère. Mortensen incorpore dans son montage des fragments de mémoire, tels des micro-souvenirs intrusifs, afin de nous rapprocher au plus près de notre (anti)héros, tentant désespérément d’y recomposer un sens, comme nous, spectateurs. Au cours de l’intrigue est dépeint un univers emprunt de secrets et de non-dits. Retranscrivant avec acuité les rapports humains et toutes les nuances qui puissent exister au sein de la relation père-fils, Falling est une expérience avant tout sensorielle où chaque acte ou parole peut se révéler être à double tranchant.