Autopsie d’une infamie
Le 3 juin 2008
Plus qu’une simple exposition des faits, Ezra effeuille avec une acuité singulière les aspects de ce qui est devenu un fléau africain : les enfants soldats.
- Réalisateur : Newton I. Aduaka
- Acteurs : Mamoudu Turay Kamara, Mariame N’Diaye, Mamusu Kallon, Emile Abossolo M’Bo
- Genre : Drame
- Nationalité : Français, Autrichien, Nigérian
- Date de sortie : 4 juin 2008
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– Durée : 1h42mn
Plus qu’une simple exposition des faits, Ezra effeuille avec une acuité singulière les aspects de ce qui est devenu un fléau africain : les enfants soldats.
L’argument : La guerre est finie en Sierra Leone. Ezra, l’ancien soldat a rejoint un camp de réinsertion de l’Unicef. Son procès en réhabilitation, durant lequel sa soeur Onitcha l’accuse d’avoir tué leurs parents, est un retour forcé vers un passé douloureux.
Notre avis : Un passé et un avenir en points de suspension. C’est tout ce qui reste à Ezra en plus de ce doute lancinant d’avoir commis un crime abominable. Un de plus dans sa jeune carrière d’ex-machine à tuer. L’ancien soldat apprend aujourd’hui un métier qui ne le passionne guère, fume un joint quand il peut, avant de se retrouver face à sa soeur qui l’accuse, estime-il, injustement. Le quotidien d’Ezra n’est plus rythmé par les combats, les attaques nocturnes dans des villages désarmés ; le retour à la vie civile n’est pas une sinécure. Elle s’apparenterait même à un nouveau cauchemar où il est obligé d’expliquer à des gens, qui ont tous les attributs de juges mais assurent ne pas l’être, son précédent cauchemar dont il se souvient par bribes. Et il compte bien se défendre : s’il a tué, il n’est pas pour autant le seul coupable.
Newton I. Aduaka dresse un portrait composite de la destinée d’enfants soldats africains inspirés des conflits en Sierra Leone, au Tchad, en Angola, au Rwanda ou encore en Côte d’Ivoire. Entre flash-back et images du présent, il raconte l’omniprésence de la violence dans la vie du jeune Ezra. Du moment où il se fera kidnapper dans la petite école de son village par des rebelles, à sa formation de futur "guerrier de la liberté" ou encore quand il reçoit, comme un mouton, la dose de drogue qui lui enlèvera toute conscience.
En reconstituant le puzzle de la vie du jeune homme et encore récemment de l’enfant, le cinéaste nigérian insiste sur la dimension psychologique de son héros et l’enfermement dans lequel son passé de soldat le maintient, en dépit de l’amour et du début de rédemption qui se profile. Sa rencontre avec Black diamond (Diamant noir), "une engagée volontaire", lui ouvre les yeux sur l’exploitation dont il est victime, avec ses petits et terrifiants compagnons d’armes, mais ne suffit pas à le libérer d’une certaine fatalité.
Aduaka adopte une démarche similaire à celle de la jeune combattante en nous invitant à dépasser l’ordinaire d’une analyse qui se limite simplement à condamner le phénomène, sans se préoccupper de son incidence à long terme et des solutions pour y faire face. Caméra au poing, le réalisateur pointe ainsi sans complaisance les failles d’une société qui peine à offrir aux enfants soldats de nouveaux horizons. Étalon de Yennenga 2007, la récompense suprême du Fescapo, la grand-messe du cinéma sub-saharien, Ezra est une réflexion inédite parce qu’elle aborde la question des enfants impliqués dans les guerres dans son aspect le plus ténu : leur futur. Newton I. Aduaka, lui-même rescapé du conflit biafrais (le Biafra est une région de l’Est du Nigeria dont les velleités sécessionnistes ont été matées à la fin des années 60), ne se contente pas de raconter leur tragédie. Il exhume les ombres qui pèseront à jamais sur leur existence et c’est cela qui donne chair à son oeuvre.
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