Le 10 mars 2021
Alanguie par la lourdeur aoûtienne, Eva paresse dans les rues madrilènes, s’y perd et pérégrine, au gré du hasard, du vent et des rencontres. Cette réalisation rohmérienne souffre de quelques longueurs, mais son esthétique gracile et féminine la transforme en parfait film estival.
- Réalisateur : Jonás Trueba
- Acteurs : Isabelle Stoffel, Itsaso Arana, Vito Sanz
- Genre : Drame
- Nationalité : Espagnol
- Distributeur : Arizona Distribution
- Durée : 2h09min
- Date télé : 10 mars 2021 22:10
- Chaîne : OCS City
- Titre original : La virgen de agosto
- Date de sortie : 5 août 2020
- Festival : Festival de La Rochelle 2022
L'a vu
Veut le voir
Résumé : Madrid, en août. Les rues sont désertées, la chaleur pèse sur les membres mais ne prive jamais les quelques téméraires flâneurs d’une danse. Eva, trente-trois ans, profite de la douceur de vie à l’espagnole, prise d’une torpeur collante quand ce n’est pas dans le tourbillon de rencontres nouvelles.
Critique : Eva en jupe, en chemise, déambule avec insouciance dans les rues madrilènes – ses cheveux réunis en queue de cheval qui dansent sur son cou blanc, ses lèvres rougies par un maquillage léger qui sourient, ses yeux sombres toujours surpris. Il fait chaud, le soleil brille, parsème sa peau pâle d’éclats dorés. Pour elle, la première quinzaine d’août ne sera pas propice au voyage, mais davantage à l’échappée intellectuelle, au détachement indolent et à la flânerie. Contrairement à la Marie Rivière de Rohmer dans Le Rayon vert, elle est heureuse d’être seule, de se perdre dans les rues ensoleillées, de se laisser aller, de s’en remettre à son sort et à sa foi dans le destin et l’incertain. Elle découvre sa ville à la manière d’une touriste, s’imprègne de son atmosphère si particulière en ce cœur d’été, bat au rythme des fêtes religieuses et des soirées rieuses. Tantôt silhouette isolée au rythme tranquille, tantôt ombre qui se confond dans la foule dansante, Eva vit dans le présent, comme une incarnation qui disparaîtrait au bout des quelque deux heures que dure le film, fantôme sans passé connu, apparition spectrale sans futur prévisible. Puis, à mesure que les minutes s’égrènent, engourdies, le corps devient visage, les formes deviennent un regard – alors que la jeune femme est moins mystérieuse, au spectateur et au réalisateur lui-même, elle devient un vivier d’émotions lisibles sur ses traits blêmes, soulignées par la lumière fragile ou par le reflet d’un miroir.
- © Arizona Distribution
Fragmentée, la réalisation s’attarde sur les balades de la trentenaire, sur ses rencontres et ses retrouvailles, sur le hasard qui mène sa vie estivale. Du musée d’archéologie à un bar, d’un parc à un patio, d’une scène de concert à un spectacle de rue étrange, de la berge d’une rivière à la balustrade d’un pont, elle pérégrine et volette d’une personne à l’autre, au gré du vent chaud, au rythme de l’imprévu qui la guide. La caméra est très statique et ce sont davantage les acteurs qui se meuvent lentement, la lourdeur moite de l’atmosphère pesant sur la peau du spectateur autant que sur la leur. Les personnes que croise Eva transforment son visage gracile et pensif, le fendent d’un sourire blanc et sincère. Toujours ravie de découvrir de nouvelles personnalités, que son chemin se mêle à un autre, elle s’égaye au contact de ceux qui hantent les rues désertées de la capitale espagnole. Hommes et femmes, tous paraissent capables de l’enrichir d’une quelconque manière, de remplir son quotidien et de faire prendre une nouvelle direction à son mois d’août tranquille et solitaire. Elle écoute bien plus qu’elle ne parle, mais quand sa voix se fait entendre, c’est pour philosopher sur les choses de la vie, d’une manière animée, espagnole, mais toujours un peu enrobée d’une certaine torpeur collante.
- © Arizona Distribution
Très lent, ce film a des accents rohmériens. Conte d’été et son inévitable langueur ne sont jamais loin, la paresse alourdissant les membres, mais n’empêchant jamais une danse. Une rencontre en entraîne une autre, un regard rappelle des jours passés, une péripétie permet de renouer avec une vieille amie, et tout s’enchaîne donc dans une logique bien propre au film, désincarnée et désarticulée, reflet de la nonchalance aoûtienne qui imprègne chaque plan. Le silence remplit les rues puis, soudain, une conversation s’éternise. Eva en août se rapproche d’une œuvre verbeuse et presque un peu laborieuse, avant de renouer avec sa nonchalance.
Réalisée à quatre mains, cette nouvelle œuvre de Jonás Trueba est empreinte d’une touche délicate et sensible, celle d’Itsaso Arana, également actrice principale de ce film. Les deux artistes n’en sont pas à leur première collaboration, même s’ils n’avaient jamais coécrit un long-métrage. La scénariste, également comédienne et metteuse en scène, permet à Jonás Trueba de mieux adopter une perception féminine, lui qui se heurtait jusqu’alors à l’inconnu sans parvenir à l’épouser. Ce désœuvrement est aussi propice à des questionnements plus métaphysiques, la maternité et la construction de soi étant autant de thèmes effleurés par le même hasard, semble-t-il, que celui qui pousse Eva à la confluence d’autres routes que la sienne.
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.