Le 1er mars 2024
Un vaste voyage dans l’imaginaire d’un réalisateur qui passe du western fantasque à la forêt amazonienne en passant par le polar, où il faut peut-être renoncer à tout comprendre.


- Réalisateur : Lisandro Alonso
- Acteurs : Chiara Mastroianni, Viggo Mortensen, José Maria Yazpik, Rafi Pitts, Viilbjørk Malling Agger
- Genre : Drame, Expérimental
- Nationalité : Français, Allemand, Argentin, Portugais, Mexicain
- Distributeur : Le Pacte
- Durée : 2h06mn
- Date de sortie : 28 février 2024
- Festival : Festival de Cannes 2023

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– Festival de Cannes 2023 : sélection officielle, Cannes Première
Résumé : Un voyage dans le temps et l’espace, entre 1870 et 2019, entre les États-Unis, le Mexique et la forêt amazonienne, à la découverte de la culture amérindienne. Pour faire le lien entre les époques et les continents, le récit est porté par Eureka, femme devenue oiseau migrateur...
Critique : "Euréka j’ai trouvé !" dit la fameuse formule quand on a percé enfin un mystère. Et bien en sortant de ce film, le déclic est loin d’être évident. On comprend bien que les premières séquences de ce western en noir et blanc où les religieuses sont ivres, les femmes font l’amour dans la rue, et tout le monde se tire dessus, engagent dans un univers décalé, assez semblable à un rêve. Et heureusement, cette drôle d’aventure où un cowboy vient chercher sa fille dans un village reculé de l’ouest américain n’est qu’un film qui passe à la télévision, d’où une nouvelle séquence va démarrer, en l’occurrence d’une femme flic occupée à arrêter des gens non coupables apparemment. Bref, tout le film est ainsi conçu : une juxtaposition de courts-métrages qui se relient les uns les autres par un détail du propos mais n’ont pas grand-chose à voir les uns avec les autres, à l’exception peut-être de cette jeune fille qui demande à son grand-père de la transformer en oiseau migrateur.
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Eureka est un film absurde. On aime ou on n’aime pas le genre. En tous les cas, dans le registre, il faut reconnaître que le réalisateur s’est plutôt bien appliqué. On est face à un film absolument baroque qui passe par toutes les époques et tous les espaces du vaste continent américain. Même les époques se mélangent et se raccrochent les unes aux autres, au point qu’à la fin, on ne sait plus où et quand le récit a lieu. Alonso se plaît à fabriquer des films de l’errance, aux frontières du réel et de l’imaginaire. Il brouille les pistes, et impose à son spectateur de lâcher prise et de se laisser porter par les méandres de ses rêves. D’ailleurs, l’oiseau migrateur finit par arriver au cœur de la forêt amazonienne où les Indiens racontent à leur chef leurs périples nocturnes. L’amour s’en mêle et l’on parvient à un patchwork baroque et insensé qu’il faut appréhender pour ce qu’il est : le plumage bigarré de cet oiseau migrateur.
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Lisandro Alonso sait filmer. Son œil argentin pourrait être celui d’un certain Wes Anderson tant il aime à perdre son spectateur, à en rajouter dans le grotesque et l’absurde. Mais curieusement, si l’on passe l’épreuve de l’ennui, on ressort avec l’impression miraculeuse d’une unité cinématographique, d’un récit initiatique où l’on a pris conscience des voyages culturels et physiques auxquels les colons espagnols et portugais ont contraint les Amérindiens. Plus que jamais, Eureka aborde la question complexe et profonde du massacre des Indiens d’Amérique, ou du moins de leur exploitation au seul bénéfice des Européens qui étaient venus s’enrichir de l’or de leurs rivières.
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Eureka apparaît donc comme un objet de cinéma hybride et envoutant. Pour sûr, on n’aura pas tout compris, mais est-il nécessaire de tout maîtriser dans une œuvre d’art ?