Le 15 août 2019
Pour son premier teen show, HBO accorde sa confiance à Sam Levinson, afin de donner un souffle nouveau à un genre pas toujours très intéressant à regarder. Pur produit réussi dudit genre, Euphoria appuie où ça fait mal, en évoquant sans filtre une génération d’adolescents désabusés et brisés de l’intérieur.
- Acteurs : Zendaya , Jacob Elordi, Hunter Schafer, Alexa Demie, Sydney Sweeney
- Genre : Drame
- Nationalité : Américain
- Durée : 55mn
- Date de sortie : 16 juin 2019
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Résumé : A 17 ans, Rue Bennett, fraîchement sortie de désintox, cherche à donner un sens à son existence. Elle se lie très vite à Jules Vaughn, une fille trans récemment arrivée en ville après le divorce de ses parents. Dans leur sillage gravitent Nate Jacobs, un sportif dont les problèmes de colère masquent des complexes sexuels ; Maddy Perez, la petite amie de Nate ; Chris McKay, star de l’équipe de football qui peine à suivre les cours ; Cassie Howard, dont le passif sexuel continue de la poursuivre ; Lexi Howard, jeune sœur de Cassie et amie d’enfance de Rue ; et Kat Hernandez, en pleine exploration de sa sexualité.
- Copyright : HBO
Notre avis : Que HBO accepte de mettre la main à la patte à la production d’une série teen a de quoi surprendre au premier abord. La mère d’œuvres cultes telles que The Wire, Les Sopranos, Six Pieds sous Terre, Game of Thrones et un paquet tout autant acclamées, n’avait jusque-là pas vraiment proposé de regard sur la jeunesse américaine des banlieues, souvent au centre des teenage movies et teenage series. On imagine aisément que la figure maintenant remarquée de Sam Levinson a amplement contribué à ce que la chaîne se jette dans le grand bain. On devine également, comme argument pour convaincre HBO, la popularité de ce genre depuis quelques années, grâce aux propositions de Netflix (Riverdale, 13 Reasons Why, Stranger Things, The End of the F***ing World, Les Nouvelles Aventures de Sabrina, Elite, Instatiable, Sex Education, How to Sell Drugs Online, Baby, On My Block, Everything Sucks. De là à dire que c’est une bonne partie de leur fond de commerce...). Certes, HBO n’a pas volé sa réputation élogieuse qu’elle entretient depuis des années. Il n’en reste pas moins qu’elle doit se donner comme objectif d’être rentable, par conséquent de se diversifier, pour toucher de nouvelles générations et donc pouvoir perdurer. Pari réussi, Euphoria, premier teen show de HBO donc, s’est largement distingué du lot de séries estivales et se démarque en plus du lot de toutes les autres séries sur adolescents de ces dernières années.
- Copyright : HBO
Sam Levinson et le network américain semblent s’être très bien trouvés, tant la série s’inscrit dans une certaine tradition de la chaîne télévisée ; autant qu’il prolonge le travail entrepris par le réalisateur, depuis son Assassination Nation sorti l’année dernière. Le bénéfice est double : HBO explore un nouvel horizon quand Sam Levinson développe sa vision d’une jeunesse plus paumée qu’Heather, dans la forêt de Black Hills. Euphoria cristallise une Amérique haute en couleurs, la peau marquée par les multiples teintes que peut revêtir un hématome. Sur une longue durée, un peu moins de huit heures, le jeune réalisateur trouve la justesse qui faisait défaut à son dernier long métrage, au propos finalement ankylosé à force d’enchaîner les raccourcis et effets esthétiques classe, mais tout compte fait un peu contre-productif. Moins dans la provocation directe, mais plus dans l’excès, Euphoria présente un microcosme d’adolescents totalement cassés par une société américaine, qui sert de contexte au monde malade présenté. La voix off caractéristique des œuvres teen sert ici de miroir au cynisme pince-sans-rire du réalisateur, posant à travers les yeux de Rue un regard sur chaque personnage majeur, chaque épisode se focalisant sur un d’entre eux en particulier (avant que le final ne les réunisse tous dans un lieu unique).
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Euphoria est une pure teen serie. Mais à la différence de la masse du genre, elle adopte une posture très consciente d’elle-même. Sam Levinson connaît les nombreux poncifs des œuvres sur les adolescents et au lieu de les laisser tirer son show vers le bas, il les accumule pour mieux les détourner et les interroger. Le quaterback populaire et fort, check, le bal de fin d’année en fin de saison, check, la protagoniste mal dans sa peau trop bresom t’as vu, check, le groupe de meufs populaires, check ; voilà pour les quelques clichés. Le quaterback est un sévère frustré, victime d’un lourd refoulement, le bal de fin d’année est globalement déprimant, la protagoniste plus chargée que Luv Resval, Freeze Corleone et L’Ordre du Périph réunis, est finalement la moins malade dans ce monde de malades, le groupe de meufs populaires n’a pas énormément d’estime de lui-même (héritage d’une mentalité de femmes-objet) : voilà pour le détournement des clichés. Euphoria creuse ce qui se trouve derrière les stéréotypes, souvent avec empathie, souvent sans jugements, ce qui fait d’elle l’œuvre qui renouvelle enfin le genre teen, tout en revendiquant totalement son appartenance à ce dernier.
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Dans les poncifs utilisés, la série n’échappe cependant pas à une certaine lourdeur. La volonté de présenter des situations et des personnages aux comportements plus extrêmes les uns que les autres, ne participe étonnamment pas à la surenchère que privilégie parfois la série, ou en tout cas n’en sont pas le plus grand responsable. Il faut plutôt aller le chercher dans les recoins de l’écriture, des dialogues notamment, trop fabriqués, trop "écrits", pour réellement produire le sentiment d’instantanéité et de naturel parfois recherché entre plusieurs personnages. L’habillage, fait d’une esthétique artificielle, lorgnant du côté d’un psychédélisme désabusé, peut donner à Euphoria un aspect déréalisant. Malgré tout, la série cherche à s’ancrer dans une réalité difficile à avaler et cette esthétique lui permet justement de se montrer fréquemment percutante dans son propos. Le parti pris d’arborer une dimension aussi "théâtrale" et orchestrée est à double tranchant, souvent capable de distribuer des claques aux spectateurs, comme il est parfois capable de le sortir de la série par des personnages qui peuvent sonner un peu faux. Assassination Nation rencontrait déjà ce problème, important dans le film ; Euphoria est parcouru par des réminiscences de ce dernier, preuve que Sam Levinson est malgré tout en train de creuser et de perfectionner une voie particulièrement intéressante pour parler de cette jeunesse américaine.
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