Le 17 août 2022
Cette honnête adaptation de Balzac vaut par son matériau littéraire original, la sobriété de son dispositif et le jeu de ses interprètes.
- Réalisateur : Marc Dugain
- Acteurs : Olivier Gourmet, François Marthouret, Joséphine Japy, Valérie Bonneton, Nathalie Bécue, Philippe du Janerand, Anne-Marie Philipe, Bruno Raffaelli, Michel Bompoil, César Domboy, Didier Sauvegrain, Pierre-Olivier Scotto
- Genre : Drame, Romance
- Nationalité : Français
- Distributeur : Ad Vitam
- Durée : 1h45mn
- Date de sortie : 29 septembre 2021
- Festival : Festival du film de Cabourg 2021
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Résumé : Félix Grandet règne en maître dans sa modeste maison de Saumur où son épouse et sa fille Eugénie mènent une existence sans distraction. D’une avarice extraordinaire, il ne voit pas d’un bon œil les beaux partis qui se pressent pour demander la main de sa fille. Rien ne doit entamer la fortune colossale qu’il cache à tous. L’arrivée soudaine du neveu de Grandet, un dandy parisien orphelin et ruiné, bouleverse la vie de la jeune fille. L’amour et la générosité d’Eugénie à l’égard de son cousin va plonger le père Grandet dans une rage sans limite. Confronté à sa fille, il sera plus que jamais prêt à tout sacrifier sur l’autel du profit, même sa propre famille...
Critique : Écrivain à succès (La chambre des officiers), Marc Dugain avait réalisé deux longs métrages qui avaient révélé son goût pour les narrations avec cadre historique. Après Une exécution ordinaire sur les méfaits du stalinisme et L’échange des princesses qui abordait les intrigues de cour, le réalisateur se penche sur la France rurale sous la Restauration. « Je trouve que reconstituer l’Histoire, ce voyage dans le temps, est une des magies du cinéma, qui a son esthétique propre. C’est aussi une façon de dialoguer avec les morts, de leur donner un supplément de vie. C’est une expérience presque spirituelle. Il y a aussi une vertu éducative à cela : les reconstitutions historiques sont une belle façon d’entrer dans l’Histoire pour les jeunes générations », précise le cinéaste dans le dossier de presse. Après s’être basé sur son propre roman puis celui de Chantal Thomas, Dugain se frotte ici à un monument de la littérature du XIXe siècle en adaptant Balzac. L’entreprise était périlleuse. D’une part, ce romancier n’a pas été très bien servi par le cinéma. On citera à titre d’exemples les académiques versions du Colonel Chabert signées René Le Hénaff (1943, avec Raimu) ou Marc Angelo (1994, avec Gérard Depardieu). La télévision a davantage rendu justice à l’écrivain avec le téléfilm Le curé de Tours de Gabriel Axel (1980, avec Jean Carmet) ou la mini-série Splendeurs et misères des courtisanes (1975-76).
- © Copyright Highsea Production-Tribus P. Films-2020
D’autre part, ce genre de projet, quand il n’est pas initié par Kubrick ou Jane Campion, risque de se heurter aux lourdeurs inhérentes du « film à costumes » à alibi culturel typique d’une certaine « qualité française ». Tout le mérite de Marc Dugain est d’éviter ces deux écueils et de présenter une transposition intelligente qui concilie respect de l’œuvre originale, liberté de choix narratif et bonne tenue du style, même si cette Eugénie Grandet ne révolutionne pas l’art cinématographique. Il faut dire que le matériau littéraire est sublime et profite forcément au scénario de Dugain. On est stupéfait par la finesse du portrait de la famille Grandet. La mère et la fille sont complètement aliénées par le comportement du patriarche, père de famille étriqué et autoritaire, d’une avarice redoutable. Bien que révolutionnaire et athée à la base, le père Grandet adopte l’attitude d’un chef d’entreprise cynique qui va jusqu’à exploiter ses proches et se servir de l’Église, afin d’accumuler un capital dont il cachera l’existence à son épouse et à sa fille. Dans l’attente du grand amour, Eugénie Grandet doit faire face à la mesquinerie de son père et ne pourra s’épanouir qu’à la mort de celui-ci. L’habileté de Dugain est d’avoir actualisé les motivations des personnages.
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Félix Grandet devient l’incarnation du capitaliste nullement régulé, quand sa fille est une victime de la domination masculine. Face à la rapacité de l’image paternelle, la jeune femme se veut davantage généreuse et protectrice de la nature, anticipant les luttes écologiques actuelles. D’aucuns ne manqueront pas de reprocher à Dugain d’être opportuniste et de surfer sur l’air du temps. Sa démarche est pourtant sincère et jamais surlignée, le métrage frappant par son dépouillement et le refus du dialogue démonstratif. Car, et c’est une autre qualité de l’œuvre, la mise en scène préfère l’épure, le non-dit et l’ellipse, misant sur la capacité du spectateur à cerner les motivations des protagonistes. Cette réalisation sans esbroufe est bien servie par la qualité des décors naturels de la région Pays de la Loire, magnifiée par la photo de Gilles Porte. Les interprètes, enfin, se meuvent avec bonheur dans le dispositif. La délicate Joséphine Japy campe avec finesse cette jeune femme, passant de la passivité à la révolte, quand Olivier Gourmet réussit sans cabotinage à donner ses traits à ce paternel si peu digne. En interprétant l’équivoque Madame Grandet, Valérie Bonneton casse son image d’actrice comique. Le trio est bien entouré de seconds rôles impeccables, de César Domboy en jeune premier ambigu à Nathalie Bécue en servante fidèle, en passant par Bruno Raffaelli en notable roublard.
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