Le 15 avril 2018
Un documentaire instructif sur un art éternellement insaisissable.
- Réalisateur : Arthur Borgnis
- Genre : Documentaire
- Distributeur : Les films d’un jour
- Durée : 1h20min
- Date de sortie : 18 avril 2018
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Résumé : L’art brut regroupe des œuvres de malades mentaux, mais aussi d’adeptes du spiritisme et d’autodidactes inspirés. Grand absent de l’histoire de l’art, il bouleverse nos critères esthétiques et culturels, révolutionne notre rapport à la folie. Ce film nous invite à nous perdre dans des univers à la beauté insensée, dans les œuvres d’ Adolf Wölfli, Aloïse Corbaz, Augustin Lesage, August Natterer… « Eternity Has no Door of Escape » qui est le premier film consacré à l’histoire de l’art brut, nous permet d’aller à sa rencontre, et de nous interroger sur les mystères de la création.
Notre avis : Ce passionnant documentaire privilégie une perspective chronologique, pour retracer l’histoire d’un art longtemps condamné à la marge. Produits par des créateurs qui l’étaient eux-mêmes et venaient d’asiles, ces gestes artistiques, libérés des contraintes formelles et des influences culturelles, durent attendre des décennies pour intégrer les endroits autorisés de la république. La consécration advint lors d’une exposition au musée Beaubourg en 1989. Or, on se demande bien ce que ces œuvres uniques, émancipées de la dictature du sens, font dans le cadre solennel d’un lieu d’Etat. On désespérerait presque qu’une production artistique existe, qui ne puisse être accueillie par aucun discours susceptible de la lisser, en posant sur sa matière la douce patine de l’exégèse. Heureusement, les différents intervenants nous épargnent des analyses qui, en la circonstance, sonneraient comme de magnifiques paradoxes : spécialistes de l’art brut, commissaires d’exposition, psychanalystes ou simples passionnés soucieux de prolonger l’action de Dubuffet, ce formidable défricheur, ils témoignent simplement d’une révolution artistique, sans doute plus radicale que le surréalisme, parce que plus intensément réduite à la fusion entre son créateur et sa création. Peut-être que Breton comprit qu’il ne serait jamais de ces fous qu’il singeait, en les réduisant à leur folie. Sinon, il aurait saisi qu’au moment de créer dans un conscient discernement, ces marginaux savaient très bien qu’ils produisaient une œuvre, sans vivre dans l’idée de sa dimension artistique. Alors que jusqu’à la fin, le père d’Arcane 17 n’ignora pas qu’il était un génie.
Soucieux d’établir la genèse de cette création singulière, le film fait aussi droit à tous ceux qui n’ont pas relégué les malades psychiatriques dans des chambres confinées, pour les soustraire à une société qui, forcément, en avait peur. Il n’est pas inutile de rappeler qu’à l’hôpital Saint-Alban, pendant la guerre, on laissait les aliénés créer en toute liberté et partager le quotidien de ceux qui vivaient à l’extérieur de l’établissement et qu’on n’appelait pas des fous. Le berceau de la psychothérapie institutionnelle fut un lieu d’engagement créatif de tout premier ordre.
Aujourd’hui, l’art brut a gagné ses lettres de noblesse. L’ironie est mordante. Mais elle ne pourra jamais totalement serrer ses mâchoires sur une création qui lui échappe. Et ne cessera de nous questionner.
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