Balance ton ennemi public n°1
Le 23 juin 2020
Après moult représentations comme un impressionnant génie du crime, Pablo Escobar apparaît ici comme le plus odieux des êtres. A défaut d’être un biopic enrichissant, il a le mérite de tordre le cou à toute velléité de sacralisation du caïd.
- Réalisateur : Fernando León de Aranoa
- Acteurs : Penélope Cruz, Javier Bardem , Peter Sarsgaard
- Genre : Drame, Biopic, Film de gangsters
- Nationalité : Espagnol
- Distributeur : Société nouvelle de distribution (SND)
- Durée : 2h03mn
- Box-office : 424 387 entrées France / 162 246 entrées Paris Périphérie
- Titre original : Loving Pablo
- Date de sortie : 18 avril 2018
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Résumé : Impitoyable et cruel chef du cartel de Medellin, Pablo Escobar est le criminel le plus riche de l’histoire avec une fortune de plus de 30 Milliards de dollars. « L’empereur de la cocaïne » met la Colombie à feu à sang dans les années 80 en introduisant un niveau de violence sans précédent dans le commerce de la drogue. Fascinée par son charisme et son pouvoir, la très célèbre journaliste Virginia Vallejo, va s’apercevoir qu’on ne s’approche pas de l’homme le plus dangereux du monde impunément…
Critique : Il n’en faut pas plus que l’affiche pour constater à quel point Javier Bardem a offert à Pablo Escobar une image aux antipodes du glamour que l’on attend de lui sur les marches de Cannes. On peut considérer que son regard brumeux, sa moustache mal taillée, son sourire torve et la silhouette bedonnante qu’il s’est octroyés pour incarner le célèbre narcotrafiquant sont une réponse directe à la représentation que, depuis quelques années, le cinéma et la télévision s’emploient à en donner. L’exemple le plus marquant est assurément la série Narcos qui, en moins de trois ans, a réussi à réintroduire ce redoutable criminel dans la culture populaire comme une icône de l’auto-entreprenariat en résistance à un système injuste, comme le fut Tony Montana avant lui. Or, si certains se demandent s’il est bien utile de regarder Escobar en plus de la série diffusée par Netflix, il est bon de leur rappeler qu’il s’agit justement d’une vision parfaitement antithétique de leur sujet commun.
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A l’origine, le roman autobiographique Loving Pablo, Hating Escobar narrait comment la journaliste Virginia Vallejo était tombée sous le charme de ce riche trafiquant avant d’ouvrir les yeux sur le monstre qu’il était. Parce qu’il adopte son point de vue, le film de Fernando León de Aranoa, coécrit et coproduit par la star ibérique, réussit à se décharger de toute la partie antérieure à leur rencontre, alors que Pablo est déjà à la tête du puissant cartel de Medellin. Lorsqu’on le découvre, Escobar est certes déjà un être physiquement repoussant et faisant preuve d’une absence de considération pour la vie d’autrui, mais il fait preuve d’une certaine galanterie et surtout jouit d’une fortune qu’il étale dans un pseudo-souci philanthropique. Il n’en faut en tous cas pas plus pour séduire la cagole vénale brillamment incarnée par Penélope Cruz dont la voix off est omniprésente, deux heures durant.
Le développement du long-métrage à partir de ce point de départ est inévitablement la transformation de cet arriviste douteux en une pure figure méphistophélique qui va détruire la vie de cette journaliste, allant jusqu’à justifier sa collaboration avec les forces de l’ordre. Toutefois, le scénario ne peut pas s’empêcher de s’éloigner régulièrement du seul point de vue de Vallejo pour nous faire suivre le parcours criminel d’Escobar. Ainsi, plus le film avance et plus on l’observe sombrer dans une déshumanisation qui atteint d’ailleurs le paroxysme de sa symbolique – et de son manque de subtilité – alors qu’on le voit courir nu dans la forêt comme un vulgaire animal traqué. Cette construction, qui se veut davantage démonstrative que concentrée sur le drame psychologique de cette femme, rend rapidement le film mécanique et didactique, soit tout ce que l’on reproche aux biopics bien moins inspirés.
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Le projet de Fernando León de Aranoa de nous montrer le célèbre caïd sous l’angle le plus critique possible a finalement souffert de la même limite que son personnage, celui d’avoir voulu voir trop grand. Le fait d’avoir étiré son récit sur une quinzaine d’années, et donc multiplier les ellipses, est assurément ce qui l’a empêché de développer efficacement la relation malsaine au cœur de son récit. L’autre gros défaut de sa reconstitution historique est évidemment ce choix de faire sauter le mur du langage en faisant parler les hispaniques dans la même langue que les personnages américains (et les voir glisser, dans leurs lignes de dialogues des « te quiero », « por favor » et autres « hijos de puta » nous poussent à nous demander « what the fuck ?! »). Et pourtant, l’idée de dépeindre Escobar par le regard de la femme qui l’a dénoncé, à cette heure où la délation des porcs est à la mode, et se permettre une violence telle que l’on n’en voit plus depuis longtemps dans le cinéma américain, était une excellente proposition. Même si le film en lui-même ne parvient pas à s’ériger au-dessus du nombre de fictions consacrées au narcotrafiquant, il devrait tout de même laisser une marque en rendant désormais plus difficile de le dépeindre comme une figure idéalisée.
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