Entretien avec BD Must à Quai des Bulles : un éditeur qui promeut la BD par la qualité !

Un festival est l’occasion de toutes les rencontres. Nous avons rencontré l’équipe de BD Must, une petite maison d’édition belge. Pourquoi ? Parce que cette année Quai des Bulles remettait sur le devant de la scène les productions de J-C Mitton et la maison lyonnaise de LUG à travers l’exposition consacrée à Photonik et les comics à la française de cette époque. Nous sommes restés dans le ton de la mise en avant du patrimoine BD pour aller interroger des acteurs du monde de la BD qui travaillent particulièrement sur ce point surtout quand cela est fait avec un soin tout particulier.

BD Must est une petite maison d’édition belge créée en 1992 par un trio d’amis passionnés. A l’origine, il s’agissait plus d’une action d’amateurs décidés à mettre en avant la BD. BD Must s’illustre d’abord par la production de tirages de tête avec un souci particulier d’apporter un fort bonus qualitatif.

A chaque fois, la maison propose des exemplaires en petits tirages (environ 300 par tome), un format plus grand, des couvertures inédites, des ex-libris, des cahiers graphiques, une édition en noir et blanc, bref rien de comparable à ce que propose l’album normal ! Le travail de la maison s’attache systématiquement à reprendre le travail d’origine de l’auteur. Par exemple les tirages de tête d’Yslaire ont posé la question de traiter un travail largement numérique. Difficile d’y trouver de quoi fournir un cahier graphique par exemple, mais l’équipe a su trouver en collaboration avec Yslaire que ce dernier dessine un minimum ses pages avant de les travailler numériquement. Il y donc un vrai travail et aussi une vraie collaboration avec les auteurs.

Toujours dans un souci qualitatif, l’équipe ne publie que ce qu’elle aime. On trouve donc dans le catalogue de l’éditeur des titres connus et d’autres nettement moins. Ce fut le cas d’Okko, dont les tirages de tête ont été publié avant le succès, Le Grand Siècle de Simon Andriveau par exemple côtoient des titres d’Yslaire ou de Loisel.

A l’heure actuelle BD Must ne compte pas moins de 100 tirages de tête, dont certains ont été victimes de leur succès et sont totalement épuisés.

Les tirages de têtes et la qualité mise à l’ouvrage par l’équipe de BD Must ont permis d’asseoir la réputation de la maison. Forte de ce succès et de la confiance acquise auprès des lecteurs comme des professionnels, BD Must a développé deux nouveaux axes dans sa ligne éditoriale : la remise en avant de ce que l’on qualifie de BD patrimoniale (donc réhabiliter les séries de nos parents voire de nos grands-parents) et la BD étrangère : belge néerlandophone, allemande et néerlandaise en particulier.

Le deuxième pilier de la maison est donc la BD patrimoniale. Là encore un vrai travail de fond. BD Must prend toujours contact avec la famille et les ayants droit, voire les auteurs eux-mêmes quand cela est encore possible (ce fut le cas pour Fred Funcken auteur du Chevalier Blanc, avant son décès l’an passé). Encore une fois l’équipe choisi ce qu’elle affectionne.

Attention, autre signe de qualité et d’investissement, BD Must ne travaille sur des titres dont ils sont certains de pouvoir fournir l’intégralité de l’œuvre voire plus que ce qui a été publié dans le temps ! C’est le cas pour Le Chevalier Blanc dont quatre tomes seront publiés pour la première fois en couleur par exemple. La politique éditoriale reste la même pour les albums que pour les tirages de tête : un papier Munken de qualité qui donne un cachet old school aux albums, un ex-libris par tome, de nouvelles couvertures, des cahiers informatifs sur l’histoire de la BD concernée. On retrouve dans cette collection des auteurs comme Bob De Moor, Fred et Liliane Funcken, René Follet.

Le dernier pilier de BD Must est la BD étrangère. Comme il s’agit d’une maison belge, BD Must se situe à l’intermédiaire avec nos voisins flamands, néerlandais et allemands. Et à force de voyages et de salons dans ces contrées, l’équipe à constater que de très bons titres et de bonnes séries ayant du succès dans ces pays n’ont aucun écho chez nous. Ils ont donc décidé de mettre en avant ces publications. BD Must traduit donc des albums étrangers pour les diffuser en France mais elle s’attache aussi à diffuser les titres francophones de son catalogue chez nos voisins. Rhonda de Vano a été élue BD de l’année 2013 aux Pays-Bas par exemple, ou encore Franka de Henk Kuijpers, héroïne très connue dans ce pays. Les critères de qualité et de valeur ajoutée présents dans le reste du catalogue sont toujours présents dans cette partie et sont valables dans la traduction des titres étrangers comme dans la traduction des titres francophones vers nos voisins.

On peut s’interroger sur la pertinence de cette ligne éditoriale compte tenu des difficultés inhérentes au milieu de la BD dans un marché surchargé. Les doutes sont vite balayés par cette sympathique équipe qui a su se faire sa place dans le milieu.

BD Must c’est avant tout une équipe de trois amis qui font tout eux-mêmes : ils sont leur propre éditeur, leur propre distributeur, tout est artisanal ! De plus BD Must c’est aussi une ligne éditoriale cohérente et éprouvée depuis un certain temps (22 ans tout de même), une réputation solide, une confiance acquise auprès des auteurs et une communauté intéressée. C’est une équipe d’amis qui publie, environ 50 albums différents dans l’année, ce qu’elle apprécie et qui le partage…et ça se sent !!!

C’est ce que nous avons pu constater en direct sur le stand, chaque tome est connu et parfaitement présenté, le produit est bien mis en valeur. Il y a un rapport direct au public même dans la gestion hors salon qui est un atout indéniable et fédérateur. Le rapport aux auteurs est aussi empreint de cette manière de faire et l’auteur Thomas Du Caju (Betty & Dodge) était très heureux d’être présent au festival. Cela se retrouve aussi dans le rapport aux familles et ayants droit des auteurs de BD patrimoniales. BD Must a su aussi les rallier en leur proposant de la cohérence et une vraie mise en valeur du travail dans une belle édition. Certains ont eu l’impression d’être un peu oublié par leurs éditeurs historiques, d’autres ont été sensibles à cette mise en valeur et cette mise en avant quand ils avaient l’impression de voir l’œuvre de leur parents lentement disparaître. Enfin, les familles se sentent intégrées au processus de travail car, on ne le dira pas assez, BD Must reprend tous les travaux d’origines des auteurs et les remet à jour de A à Z !

Vous l’aurez compris, BD Must est une des belles découvertes de l’équipe cette année à Quai des Bulles et nous vous recommandons cette sympathique maison d’édition surtout si vous êtes amateur de beaux ouvrages, des BD de vos parents ou de votre jeunesse et même simple curieux ! Vous retrouver d’ailleurs prochainement les chroniques de certains titres de BD Must sur notre site.

Le site de BD Must :
http://www.bdmust.be/