En bonne compagnie - Silvia Munt - critique

Critique : On a peine à penser que le droit pour les femmes d’avorter est arrivé si tard au Pays basque, contraignant nombre de victimes à procéder à des avortements clandestins ou à partir en France pour se faire opérer en toute sécurité. En bonne compagnie s’engage justement sur le terrain douloureux du destin de femmes aux abords des années 80 qui luttent activement pour le droit de procéder dignement à des IVG et de ne pas être condamnées en prison quand elles doivent recourir à ce type d’opération cachée. La fiction, qui s’appuie sur des faits véritables, prend le parti de suivre une jeune fille, Bea, qui, en même temps qu’elle travaille en tant que domestique dans une famille aisée, milite pour le droit des femmes. Le film est ainsi construit sur plusieurs récits : celui d’une adolescente qui découvre sa propre sexualité, celui d’une autre jeune fille confrontée au drame d’une grossesse non désirée, celui d’une famille traumatisée par l’incarcération du père et celui du combat menée par ces femmes courageuses pour avoir droit à l’avortement légal.

Copyright Damned Distribution

Voilà donc le problème principal du long-métrage de Silvia Munt. La réalisatrice prend le parti de superposer plusieurs fictions, qui isolément ne manquent pas d’intérêt, mais ont pour effet de dissiper le sujet historique principal. Afin de marquer la dimension historique du propos, la réalisation fait le choix d’une image jaunâtre, dont on comprend en effet qu’il s’agit de brouiller les pistes quant à l’époque où se déroulent les faits. On se croirait parfois avant la Seconde Guerre mondiale, en pleine dictature de Franco ; mais à d’autres moments, les détails du quotidien, les musiques ramènent à une période pas si éloignée de la nôtre. L’effet de style induit par l’étalonnage particulier finit par lasser, voire agacer, et l’intérêt du spectateur s’estompe dans cette succession de tableaux teintés d’un orangé ancien.

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En même temps, quelques scènes assez disparates ne manquent pas de provoquer l’émotion. Silvia Munt retranscrit plutôt bien les émois irréguliers de l’adolescence, sujette à l’inconstance des sentiments. Seule demeure la droite ligne du combat que mènent les femmes pour le droit à des avortements dignes et protecteurs. La relation entre Bea et Miren est joliment retracée, dévoilant peu à peu les premiers désirs amoureux entre ces deux filles. La lutte des classes n’entrave à aucun moment cette union qui se crée, même si l’on ressent de façon assez appuyée, le combat d’une idéologie conservatrice de droite contre une vision ouverte et moderne du socialisme. On songe en contrepoint au film récent Annie Colère portée par une Laure Calamy haute en couleur, et le long-métrage de Silvia Munt en devient d’autant plus fade. Comparaison n’est pas raison, nous dira-t-on.

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En bonne compagnie n’aura pas su tenir ses promesses. Un brin d’énergie supplémentaire, la recherche d’une mise en scène moins académique auraient peut-être fait basculer le film résolument du côté de l’engagement militant de ces femmes basques qui ont si longtemps combattu pour leur dignité.