Le 24 avril 2015
L’un des grands penseurs de notre temps se raconte dans ce documentaire intéressant mais un peu léger.


- Réalisateurs : Oliver Bohler - Céline Gailleurd
- Acteur : Mathieu Amalric
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français
- Editeur vidéo : Tamasa
- Durée : 1h21mn
- Date de sortie : 29 avril 2015

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L’un des grands penseurs de notre temps se raconte dans ce documentaire intéressant mais un peu léger.
L’argument : Paris, à la tombée de la nuit. Les murs de la ville s’animent de projections immenses. Des films russes, allemands ou français des années 30, comme une mélodie profonde et lointaine, hantent les souvenirs d’Edgar Morin, ses premières émotions de spectateur. Tout en arpentant les rues, les conférences et les musées, en France et à l’étranger, le philosophe revient sur la place essentielle que l’étude du cinéma a joué dans sa vie et dans sa formation d’intellectuel, jusqu’à la réalisation en 1960, avec Jean Rouch, du film Chronique d’un été. Grâce à l’utilisation, pour la première fois, du son direct sur les caméras, ce film bouleversa l’histoire du cinéma, tant documentaire que de fiction.
Notre avis : supposons qu’un spectateur égaré qui ne connaît rien d’Edgar Morin assiste à la projection de ce film ; à la fin, il aura une vue d’ensemble de la vie du sociologue, et sans doute l’idée que ce vieil homme affable s’est essentiellement préoccupé de cinéma. Car l’angle d’attaque du documentaire est, et pourquoi pas, le regard de Morin sur le septième art. Du reste de sa pensée, les connaisseurs auront saisi des mots (méthode, complexité), quelques allusions , mais les auteurs ont refusé de suivre de multiples pistes et ont choisi la plus « cinégénique », celle qui donne sa cohérence au parcours intellectuel.
Edgar Morin, l’homme-cinéma, pourrait-on dire en utilisant le titre d’un livre récent : dès les premières images, il se fond dans une projection, et des images des premiers films, puis de ceux qui l’ont marqué se détachent, soit face à lui, soit sur un décor urbain de nuit. On redoute une « installation » conceptuelle qui enfermerait le documentaire dans une idée unique. Mais ce ne sont que des préludes, une manière d’aborder la biographie en partant de l’enfance. Sans faire de la psychologie à la petite semaine, on voit à quel point le cinéma n’est pas une simple distraction pour Morin, mais bien un point d’ancrage de sa réflexion. Spectateur, scénariste, réalisateur, et auteur d’une étude fondamentale, Le Cinéma ou l’homme imaginaire, il revient sur son parcours, n’omettant pas ses erreurs et ses errances ; à cet égard, tout le long passage consacré au tournage de son film est passionnant, dans cette tentative à la fois datée et fascinante de proposer un cinéma différent, réfléchi et bouillonnant, une autre manière de faire. C’est toute une époque qui revit à partir de ces quelques séquences avec Jean Rouch, celle d’un foisonnement intellectuel et idéologique et les réactions des spectateurs-acteurs ne manqueront pas d’étonner les plus jeunes, par leur intelligence comme par leur violence.
© Tamasa Distribution
Mais le film suit aussi les déambulations de Morin, à Berlin où on le voit esquisser des pas de danse avec un brio réjouissant, à Paris, dans les rues ou à la Sorbonne pour une conférence. C’est peut-être là que nous sommes le plus touchés, face à la simplicité d’un homme qui garde ses enthousiasmes et sa fraîcheur, face à ce discours dénué de pédanterie et de prétention.
Les connaisseurs n’apprendront pas beaucoup sur la pensée d’Edgar Morin ; ce sont plus des traits biographiques que des concepts qui sont mis en valeur. On sera peut-être surpris d’apprendre qu’il est à l’origine du titre de Rossellini, Allemagne Année Zéro, stimulé par de courtes réflexions sur le gros plan ou « la happy end », mais le film se contente d’être une introduction, grand public et donc un peu affadie, largement partielle, à une pensée qui excède largement son cadre. Peut-être donnera-t-il envie de lire Les Stars ou Le Cinéma ou l’homme imaginaire, et, pourquoi pas, de poursuivre par des lectures plus complexes. Peut-être ...
Le DVD
VO - 16/9 - 1,85 - Couleur & NB - Dolby - Formats Cinéma respecté - 1h21
Les suppléments :
– "Dans la cabine de speak" (avec Mathieu Amalric) : 8’
– "Le soir de la première" 15’
– Film annonce