Le 19 août 2018
- Voir le dossier : Box-office France (général)
Retour sur l’été 98, avec tous les chiffres d’un box-office bordélique, nourri aux films d’action bidons, aux thrillers pauvres, mais aussi à une diversité de productions en tous genres qui feront saliver les spectateurs de l’été 2018 qui ont beaucoup subi par le manque de choix patent qu’ont offert des distributeurs déboussolés par la concurrence des plateformes numériques mobiles.
L’été 1998 fut l’un des plus variés qui soit. Tout le monde en avait pour ses aspirations. Surtout dans le fade, l’indigent, le bourrin, le télévisuel, le nanardesque... N’en déplaise aux enfants des années 90, cet été-là démontre bien l’indigence d’une production hollywoodienne où les acteurs faisaient rarement rêver et qui, dieu merci, allait se retrouver balayés par les années 00 nettement plus pugnaces, exigeantes, et ce, même si se profilait alors un crime de lèse-majesté, une certaine tendance hollywoodienne à rajeunir les castings, un mouvement post-Scream, accentué par le futur triomphe de American Pie, deux teen movies dans des genres, le slasher et la comédie de nerd américaine, qui n’avaient jusqu’alors jamais vraiment remporté de succès francs sur le grand écran en Europe, dans les années 70-80, à quelques rares exceptions (la franchise crétine des Police Academy, pour la comédie).
- © 1998 Buena Vista Distribution. Tous droits réservés.
L’été 1998, vingt ans déjà
L’on mangeait du blockbuster d’action avarié, bien à la mode d’une époque pour qui l’invraisemblance en salle était un gage de divertissement (L’Arme Fatale 4, Armageddon), les jeunots commençaient à envahir les écrans (Sexcrimes et Scream 2, avec Neve Campbell, Cursus Fatal avec Michael Vartan et Matthew Lillard, Fear et The Big Hit, avec Mark Wahlberg, les pépés faisaient de la résistance (Harrison Ford dans 7 jours, 7 nuits, Sean Connery dans Chapeau Melon et Botte de Cuir), le cinéma d’auteur permettait aux cinéphiles d’échapper aux sempiternels divertissements (Henry Fool, de Hal Hartley, A vendre de Laetitia Masson, Zonzon de Laurent Bouhnik, Las Vegas Parano de Terry Gilliam avec l’un des derniers rôles indépendants de Johnny Depp,
- © 1998 Warner Distribution. Tous droits réservés.
On pouvait chercher à se faire peur, face à un cinéma d’épouvante rare et des thrillers glauques en hausse. On mentionnera le monstre marin d’Un cri dans l’océan, un peu trop parodique, une Mutante 2 séduisante mais moins intéressante que l’original, le triomphe de Scream 2, le génie malfaisant de Wishmaster. Le remake du Veilleur de nuit, avec Ewan McGregor, était aussi très sombre...
Les stars tentaient encore de faire rire, le pathétique Dr. Dolittle avec Eddie Murphy, le remake insipide de Un Indien dans la ville envoyé à New York, avec Tim Allen, également présent dans Les Sexton se mettent au vert, dont la durée de vie en salle fut très courte, Jackie Chan était dans le Bronx, Charlie Sheen et Chris Tucker comptaient l’Argent Comptant dans le buddy movie à la 48 heures, Ophélie Winter était Folle d’elle (c’est-à-dire de l’omniprésent Jean-Marc Barr, dans 4 films cet été là), Dieudonné était encore une personnalité tolérée, mais abîmée par ses choix de séries Z surréalistes (Le Clône, avec Elie Seimoun). Quant à Smain, il essayait vainement d’être encore un comique populaire dans Bingo !, aux côtés de Daniel Russo. Le même été, le miteux Charité Biz’ness réunira Smaïn et Semoun pour un résultat tout aussi affligeant. José Garcia, Denis Podalydès, et Isabelle Carré étaient nuls dans le désastreux La Mort du Chinois. Chevalier et Laspalès flirtaient avec le vide dans Ca n’empêche pas les sentiments.
Retour chez les Américains. Adam Sandler ne trouvait pas son public dans l’Hexagone, avec Demain on se marie, où il était face à Drew Barrymore. Le film avait pourtant cartonné aux USA. Bette Midler faisait salle vide (C’est ça l’amour), comme toujours sur notre territoire ; Bill Murray, qui n’était pas apprécié non plus par les Français, en dehors des SOS Fantômes, se vautrait aussi avec le pastiche distribué par Warner L’homme qui en savait trop peu. Alicia Silverstone tirait de sacrées
casseroles avec Excess bagage, mais de toute façon, personne n’avait vu le film qui l’avait révélée, la comédie adolescente Clueless, qui transposait Shakespeare dans un lycée américain.
Une comédie osait sortir avec le titre An Alan Smithee Film, d’après le pseudo utilisé par les cinéastes en désaccord avec le montage qui leur était imposé par un studio. On y croisait Stallone, Coolio et plein d’autres has-been. Enfin Miramax dévoilait sans trop d’espoir Swingers, de Doug Liman (oui, déjà), avec une bande d’inconnus dont on allait tous apprendre à connaître leur nom : Heather Graham, Jon Favreau et Vince Vaughn. Cela ne s’invente pas.
- © 1998 Warner Distribution. Tous droits réservés.
Les enfants n’étaient pas les rois du box-office, car c’étaient les adultes qui fréquentaient les salles. Les mômes devaient se contenter d’une absence totale de films d’animation, hormis la reprise de la Petite Sirène de Disney, puisqu’il allait falloir attendre décembre 1998 pour qu’un studio, en l’occurrence Dreamworks, propose enfin une concurrence musclée aux classiques de l’animation de l’oncle Walt. La Fox, Universal, Sony, Warner... tous les autres suivront jusqu’à l’encombrement que l’on connaît actuellement dans ce domaine. En fait, comme Air Bud l’avait prouvé en avril 1998, les gamins devaient se contenter de films live, souvent des nanars ou d’affreux téléfilms, avec des animaux comme héros, très souvent doués de parole : Dr. Dolittle avec Eddie Murphy, Paulie le perroquet qui parlait trop, Les Nouvelles aventures de Mowgli, Mon copain Buddy, avec Rene Russo, qui, le même jour, était à l’affiche dans L’arme fatale 4. Warner proposait aux garnements un Tarzan inénarrable avec Casper Van Dien, la révélation avortée de Starship Troopers (Tarzan et la cité perdue) et SND, distributeur naissant, leur proposait les aventures exotiques fades de David Carradine et Jane Seymour, dans Les Naufragés du Pacifique. Que dire également de La Guerre des Fées, mettant en scène Kathleen Turner et le sosie de Stéphane Berne, Martin Short ? Quel désespoir pour ces Français qui ne supportait pas ce comique.
Changement de genre. 1998 était une année de thrillers sombres. Le polar américain permettait à Jessica Lange de jouer à la garce contre cette pauvre Gwyneth Paltrow (Du venin dans les veines), mais son grand-come back allait surtout devoir passer une décennie plus tard par la télévision, Patrick Swayze, désespéré au box-office depuis Road House, qui était sorti au début des années 90, sortait le poids-lourd, avec Black Dog ; Wanted : recherché mort ou vif, donnait à Keenen-Ivory Wayans l’occasion de se faire connaître avant sa carrière dans le spoof movie (il réalisera notamment Scary Movie). David Duchovny jouait à Dieu (Playing God, avec T. Hutton),
mais c’était dans X-Files que les spectateurs voulaient surtout le voir, et attendront donc le film qui sortirait en octobre de cette même année. Mark Wahlberg, ancien Marky MarK, donnait des sueurs froides à Reese Witherspoon et Alyssa Milano dans Fear, de James Foley. Matt Dillon et Kevin Bacon étaient troubles face à Neve Campbell et Denise Richards dans le marécageux polar du bayou, le sensuel Sex Crimes. Dennis Quaid et Danny Glover suivaient La Trace du Tueur, Tim Roth et Christopher Penn cherchaient Le Suspect idéal, Martin Sheen était carrément Sous-pression, enfin Melanie Griffith et Tom Berenger cherchaient La Dernière Preuve, pour Randal Kleiser. Des bides en série. Dans l’anticipation, Elisabeth Shue, Kyle MacLachlan et Dermot Mulroney subissaient des Réactions en chaîne, dans l’indifférence générale. Le courant était effectivement coupé !
En 1998, la production britannique avait le vent en poupe et offrait une alternative bienvenue aux produits lisses américains, avec Resurrection Man, mettant en scène le ténébreux Stuart Townsend, l’adaptation de The Avengers, alias Chapeau Melon et Bottes de Cuir, par
Warner, qui floppait totalement, le film bénéficiait néanmoins d’un casting sublime - Uma Thurman, Ralph Fiennes, et Sean Connery. On pouvait se délecter de Comic Act, de Jack Hazan, Shooting Fish, avec Stuart Townsend et Kate Beckinsale (le sleeper de l’été 98), de la petite orgie entre amis The Big Swap : Libre échange, de Niall Johnson, mais aussi des Géants, avec Pete Postlethwaite, par le scénariste de The Full Monty. On n’oubliera pas de mentionner The James Gang, de John Hannah, Food of love avec Richard E. Grant et Nathalie Baye. Christian Bale, Elsa Zylberstein et Emily Watson étaient réunis dans Metroland, et le succès sur la durée des Ailes de la Colombe avec Bonham Carter et Rampling qui s’inscrivait dans un cinéma plus classique, puisqu’il s’agissait d’une nouvelle adaptation d’Henry James. Petit délice estival, Martha, Franck, Daniel et Lawrence, avec Monica Potter et Rufus Sewell, s’orientait vers la romcom. Infiniment mieux que La cité des anges, mélo sirupeux avec Cage et Meg Ryan, deux des acteurs les plus blêmes du cinéma de cette époque.
- © 1998 MK2 Distribution. Tous droits réservés.
L’homosexualité était toujours underground, mais n’attendait pas le Mariage pour Tous pour être présente dans les salles art et essai :
Amour et mort à Long Island, avec John Hurt et Jason Pristley, Jeffrey, Mon Capitaine, avec Jean-Marc Barr, le trash No skin off my ass, de Bruce la Bruce, et Les Corps ouverts, de Sébastien Lifshitz, avec Paul Loup Rajot, s’ouvraient à une communauté qui avait enfin, en février 98, profité d’une comédie mainstream sur l’homosexualité, In & Out, avec Kevin Kline, et surtout, un an auparavant le gay-friendly, elle avait pu déguster Le Mariage de mon meilleur ami (oui, c’était la mode lassante des noces festives). Les femmes lesbiennes, elles, étaient totalement sous-représentées.
On passe volontairement sur plein d’autres films, avec Charles Berling, Ornella Mutti, Leonardo Di Caprio et Meryl Streep, Vincent Perez, Jean Yanne, Maruschka Detmers, Hélène de Fougerolles, Tchéky Karyo, Penelope Cruz, Miou Miou, Annie Girardot, Joe Mantegna, Vincent Cassel, Mathieu Kassovitz, Robin Wright Penn, William Hurt, la star des Mon curé chez les nudistes/les Thaïlandaises, Katia Tchenko, Jean Rochefort... On ne va pas y passer l’été 2018, non plus !
Maintenant, place au box-office, nous avons compilé tous les chiffres des œuvres mentionnées ci-dessus, et plein d’autres encore.
Box-office été 1998, chiffres France exclusivement :
– Il s’agit du box-office de tous les films sortis entre le 10 juin 1998 et le 26 août 1998, jusqu’à la fin de leur exploitation sur la France.
– Toutes les reprises et rétrospectives sont incluses dans le top 100 uniquement.
– Attention, il figure entre-parenthèses le nombre de semaines en salles, pour les films à la durée d’exploitation particulièrement courte (c’est-à-dire égale ou inférieure à 4 semaines).
1 Armageddon 4.598.767
2 L’Arme Fatale 4 : 3.301.420
3 Scream 2 : 2.131.244
4 Chapeau Melon et bottes de cuir : 1.324.442
5 6 jours, 7 nuits : 1.268.495
6 Sex Crimes : 1.251.959
7 Dr. Dolittle : 1.233.555
8 La Cité des anges : 1.021.296
9 La Petite Sirène (Reprise) : 544.041
10 Simples secrets : 498.021
11 A vendre : 374.946
12 Grease (reprise à l’occasion des 20 ans du film) : 361.440
13 Un cri dans l’océan : 320.672
14 Wishmaster : 320.324
15 Folle d’elle : 317.176
16 Las Vegas Parano : 294.025
17 Shooting Fish : 273.083
18 Cursus Fatal : 251.329
19 La Mutante 2 : 244.484
20 Wedding Singer, demain on se marie : 218.943
21 Face : 214.792
22 Zonzon : 206.778
23 Le Clône : 197.421 (4)
24 Argent Comptant : 153.552 (4)
25 Wanted : recherché mort ou vif : 148.231 (4)
26 Jackie Chan dans le Bronx : 144.431 (4)
27 Le veilleur de nuit : 140.055
28 Le Grand Bleu (reprise) : 120.026
29 Charité biz’ness : 110.640 (3)
30 Les ailes de la colombe : 55.839
31 Tarzan et la cité perdue : 97.943
32 Black Dog : 93.218 (2 !!!!)
33 Le Suspect idéal : 92.204
34 Paulie, le perroquet qui parlait trop : 86.547
35 La Piste du tueur : 68.512 (3)
36 The Big Hit : 65.824 (3)
37 Mots d’amour : 61.811
38 Bingo ! : 60.610 (2 !!!!)
39 La Proposition (avec Kenneth Branagh) : 56.410
40 La dernière preuve : 56.357 (4)
41 Les géants : 52.774
42 Le plaisir (et ses petits tracas) : 52.144
43 Fear : 51.350 (2 !!!)
44 Du venin dans les veines : 46.137 (4)
45 La mort du Chinois : 43.000 (2 !!!)
46 Martha, Franck, Daniel et Lawrence : 41.214
47 Jeffrey : 40.138
48 Amour et mort à Long Island : 30.749
49 Playing God : 30.227 (4)
50 Les Dieux du surf : 28.685
51 L’inconnu de Strasbourg : 28.207
52 Brazil (reprise) : 26.806
53 L’épouvantail (reprise) : 26.684
54 Festival Bergman : 25.330
55 Kiss or Kill : 22.905
56 Ca n’empêche pas les sentiments : 21.707 (2 !!!)
57 Le radeau de la méduse (avec Jean Yanne) : 20.101
58 La guerre des fées : 18.879
59 Insomnia : 17.893
60 Honkytonk Man (Rep) : 17.818
61 Au coeur de la tourmente (Vincent Perez/Rachel Weisz) : 17.201 (2)
62 Ben Hur (rep) :16.779
63 Henry Fool : 16.689
64 Rewind (Sergio Gobbi) : 16.252 (3)
65 Swingers 15.922 (3)
66 Scaramouche (rep) : 15.750
67 Kull le conquérant : 14.694 (3)
68 C’est la tangente que je préfère : 13.826 (4)
69 Les Naufragés du Pacifique : 12.879
70 Les Nouvelles aventures de Mowgli : 11.742
71 Les Corps ouverts : 11.548
72 Que la lumière soit : 11.316 (3)
73 Un Indien à New York : 11.195 (3)
74 Le traité du hasard : 11.786
75 Amadeus (rep) : 10.680
76 Boca a boca (Javier Bardem) : 10.453 (2)
77 Mon Capitaine : 10.182
78 Mon homme Godfrey : 10.000
79 Festival Marx Brothers : 9.998
80 Réactions en chaîne : 9.772 (2 !!!)
81 L’amour nuit gravement à la santé (Penelope Cruz) : 9.200
82 Elles (Miou-Miou, Carmen Maura) : 9.085 (3)
83 Soul in the Hole : 9.075
84 The Big Swap (le libre échange) : 8.729
85 A la recherche du Paradis perdu (documentaire sur le naturisme) : 8.491
86 L’étoile de Robinson : 8.285
87 No skin off my ass : 7.598
88 L’homme qui en savait trop peu : 7.494 (2 !!!!)
89 8 films de S. Ray (rep) : 7.436
90 L’insoutenable légèreté de l’être (rep) : 7.208
91 Guêpier pour trois abeilles (rep) : 6.872
92 Les contes de la lune vague après la pluie : 6.300
93 Vérités et mensonges (rep) : 5.820 (2 !!!)
94 Little big man (rep) : 5.572
95 Resurrection Man : 5.232 (2 !!!)
96 Qui était donc cette dame : 4.900 (4)
97 The James Gang : 4.500 (1)
98 4 Grands Ophüls (Rep) : 4.312
99 The Kingdom : 4.272 (4)
100 Comic Act : 4.227 (2)
Quelques autres chiffres :
- Mon Copain Buddy : 3.729 (3)
– C’est ça l’amour : 3.595 (1)
– Alissa : 3.370 (2)
– Parrain malgré lui : 3.057 (2)
– Metroland : 2.998
– Cold Fever : 2.986
– An Alan Smithee Film : 2.930 (3)
– Les Sexton se mettent au vert : 2.615 (1)
– Préférence (Jean-Marc Barr, Annie Girardot) : 1.726 (4)
– Excess bagage : 1.212 (1)
– Food of love : 712 (1)
– Péril en mer : 689 (1)
– On va nulle part et c’est très bien : 520 (3)
– Victory (William Dafoe, Sam Neill) : 468 (1)
– La ballade de Titus (Courtemanche, Catherine Jacob) : 457 (2)
– Sous pression : 383 (1)
– Loved (Robin Wright Penn, William Hurt) : 237 (1)
– Passage pour le Paradis : 199 (1)
Galerie Photos
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