Langueur d’Orient
Le 12 novembre 2003
Un film audacieux peut-être mais surtout pompeux et dénué d’émotion.
- Réalisateur : Alberto Rondalli
- Acteur : Antonio Buil Puejo
- Genre : Historique
- Nationalité : Italien, Turc
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– Durée : 2h02mn
Un film audacieux peut-être mais surtout pompeux et dénué d’émotion.
L’argument : En 1890, dans un village de l’Empire ottoman, le chef de la confrérie des derviches tourneurs, haute autorité de la communauté religieuse et civile, est un homme froid et sévère, extrêmement attaché aux dogmes et principes du Coran. Jusqu’au jour où son frère est emprisonné, sans que l’on sache quelle faute il a commise. Dès lors, Ahmet Nurettin se rapproche des personnes influentes de son entourage afin de comprendre ce qui lui est arrivé et le faire sortir de sa geôle. Mais l’exécution du jeune homme met les certitudes religieuses et philosophiques d’Ahmet à rude épreuve, entraînant le derviche dans un désir de vengeance obsessionnel et dans une haine farouche pour le pouvoir en place.
Notre avis : En s’attaquant au roman yougoslave Le derviche et la mort de Mesa Selinovic, devenu une des pièces phares de la Yougoslavie des années 70, Alberto Rondalli se lançait un véritable défi, vu le poids métaphysique de l’histoire de Selinovic. "C’est une histoire de perdition, une conversion à l’envers et sans résurrection", résume le réalisateur italien. Rondalli a surtout pris le parti de se concentrer sur des thèmes aussi universels que la haine et le désir de vengeance, sur fond de principes coraniques. Mais au final, le réalisateur italien nous livre une œuvre froide et sans émotion où se mêlent réflexions philosophiques et pensées mystiques plus proches d’un Paolo Coelho que des grands philosophes antiques !
Sur le papier, le combat de cet homme en perte de repères contre ses convictions semblait alléchant. Hélas, sur la pellicule, il n’en est rien. La faute à un scénario manquant de liant. Rondalli se contente en effet de mettre en image une succession de scènes où les conversations métaphysiques sur les notions de faute, de culpabilité et de justice prennent largement le dessus sur le déroulement du récit lui-même. Des réflexions empreintes d’une langueur toute orientale, que la musique soufi ne fait qu’accentuer, mais aussi d’une réelle lourdeur tendant très souvent vers l’ennui. Le spectateur passe de lieux en lieux, sans explication ni raison apparente, rencontrant des personnages que le réalisateur ne prend le temps ni de présenter ni de situer. En privilégiant les discours pompeux à l’action, l’auteur se permet des circonvolutions qui égarent totalement le spectateur. De leur côté, les personnages manquent de consistance et de profondeur. Car excepté le derviche (incarné idéalement par le froid Antonio Buil Puejo), et peut-être celui son disciple Yusuf, les autres protagonistes traversent le film comme des fantômes. Au point qu’il est impossible d’éprouver le moindre sentiment à leur égard. De même, en privant le personnage principal d’une quelconque évolution psychologique, le réalisateur n’offre à aucun moment une possible empathie à l’égard de ce derviche égaré, bien trop rigide et plein de certitudes.
Au final, Dervis se caractérise surtout comme une œuvre un brin pompeuse, froide, trop intellectualisée pour permettre au spectateur de pleinement rentrer dans le récit. La multiplication des discussions empêche le film d’avoir un véritable rythme. A l’égarement du derviche répond finalement celui du spectateur, perdu dans ce dédale de réflexions tous azimuts. Cela dit, Dervis n’en demeure pas moins une œuvre audacieuse. Qui aurait toutefois mérité un traitement bien différent, plus enclin à l’émotion qu’au discours réflexif, et hélas insipide.
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