Le 27 février 2024
L’exploration indicible du drame de l’enfance trouve ici une réalisatrice à suivre : Veerle Baetens y observe avec une attention rare le glissement progressif de l’innocence vers la culpabilité. Un film important, bouleversant.
- Réalisateur : Veerle Baetens
- Acteurs : Sebastien Dewaele, Rosa Marchant, Charlotte De Bruyne, Matthijs Meertens, Naomi Velissariou
- Genre : Drame
- Nationalité : Belge, Néerlandais
- Distributeur : Jour2fête
- Durée : 1h51mn
- Titre original : Het Smelt
- Âge : Interdit aux moins de 12 ans avec avertissement
- Date de sortie : 28 février 2024
- Festival : Festival de Sundance 2023
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Résumé : De nombreuses années après cet été où tout a basculé, Eva retourne pour la première fois dans son village natal avec un énorme bloc de glace dans son coffre, bien déterminée à affronter son passé.
Critique : Adapté du best-seller éponyme de Lize Spit, Débâcle est la première réalisation de Veerle Baetens, actrice populaire du cinéma belge (Alabama Monroe, Les Ardennes…). La cinéaste y livre un grand film sur la culpabilité et l’indifférence des adultes face au monde de l’enfance, et construit un regard généalogique d’une véritable intelligence de point de vue. Peu à peu, la puissance émotionnelle nous submerge jusqu’à un final éprouvant mais nécessaire.
- Copyright Thomas Sweertvaegher-Savage Film
Involontairement, le film nous mène d’abord sur une fausse piste ; le décalage semble un peu binaire entre le présent d’adulte en souffrance et les flashback estivaux, empreints de la poésie aventureuse de l’enfance. Le mal-être qui ronge Eva, dans un Bruxelles morne et pluvieux, est montré par petits signes saccadés, évoquant peu à peu l’éventualité d’un drame de l’enfance que le film va remonter par petites touches. La fausse piste, c’est l’étrange maladresse des scènes au présent, dont la direction d’acteurs un peu forcée nous fait redouter un drame psychologisant et surligné. En réalité, ces séquences, on va le comprendre ensuite, cherchent à capter la déconnexion progressive du réel, l’incapacité à créer un lien social et affectif, jusqu’à une forme de dépression avancée, en décalage permanent avec l’attente du monde social, familial, amoureux, professionnel. Débâcle est en ce sens un vrai film sur le passé, sur le flashback : c’est quelque part tout le discours qui est concentré dans cet été où tout a basculé, et qui irradie l’écran jusqu’à remplacer et effacer les maladresses des scènes contemporaines.
Proche de la démarche de Lukas Dhont (Close), avec qui elle partage son approche à hauteur d’enfant, Veerle Baetens présente une œuvre sur la cruauté de la jeunesse comme conséquence de l’irréparable absence du regard des adultes, eux-mêmes enfermés dans des traumas intergénérationnels : littéralement, et parce que le silence tue, le long métrage est d’autant plus terrassant qu’il parvient à développer une empathie et une spontanéité unique face tous les enfants du film, avant de prendre la pente descendante. Baetens n’y va pas par quatre chemins ; et peut-être que ce trait que certains lui reprocheront nous semble être sa force principale, son honnêteté particulière. Le suspense créé par l’alternance des flashback n’est pas tant un jeu de cinéma qu’une façon de nous inviter à regarder ce qui se perd devant nous, fatalement, tant que les adultes continueront de porter en eux les maux de leur propre enfance. Le mécanisme d’impuissance que la réalisatrice partage avec nous, c’est aussi l’espace de l’empathie et de la prise de conscience ; oui, Débâcle est un film à sujet (ce qui est généralement un mauvais genre pour le cinéma), mais un vrai film tout d’abord, soucieux d’étudier tous les signes avant-coureurs d’une tragédie dont on oublie qu’elle n’est pas rare.
- Copyright Thomas Sweertvaegher-Savage Film
Face à un sujet difficile, Verlee Baetens se fait l’équilibriste des émotions, condamnatrice sans être juge, lançant un cri d’alerte aux nouvelles générations de parents et d’enfants. Elle offre au passage un rôle délicat à une toute jeune actrice sidérante, Rosa Marchant, qui est repartie avec le Prix d’interprétation à Sundance. Elle est à elle seule le soleil et l’espoir de ce film douloureux, et finit par incarner ce qui s’y cache en creux : la promesse de meilleurs lendemains.
– Prix d’Interprétation Féminine (Rosa Marchant) - Festival de Sundance 2023
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